Les sujets sensibles

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— Jamais je ne pourrais me passer de toi !

Entre deux éclats de rire, nous tentons de nous connaître, de tout savoir l'un de l'autre. Les conversations sérieuses dévient rapidement et laissent place à des fous rires époustouflants. Résultat, je n'ai rien appris de nouveau hormis le fait qu'il refuse de participer à des compétitions sportives. Pourtant, ayant été moi-même une grande fan de ski, je me souviens de ses exploits sur les pistes, salués par toute la station. Il était notre jeune espoir. Mais Léon a su contourner ma question avec toute la finesse du monde. Il est fort, très fort, mais je le suis tout autant. Lorsque le sujet « papa » est tombé sur la table, j'ai élégamment dévié sa question et nous en sommes donc toujours au point de départ. Deux jeunes adolescents trop heureux de se découvrir, mais aussi têtus l'un que l'autre. Tant que l'un de nous deux ne crachera pas le morceau, l'autre restera de marbre. Nous voulons aller doucement. Les sujets sensibles sont définis et à proscrire pour le moment. Lui comme moi mourrons d'envie de parler de ma crise de cet après-midi, pour autant, aucun de nous deux ne dira mot. C'est encore trop tôt pour ça. Nous nous tournons autour tels deux fauves. Il pique, je rétorque.

— Ta moyenne générale ?

— Sérieusement Azé, nous allons parler de cours ?

— Ta moyenne ?

Tout en me défiant du regard, il me sourit.

— Dix-huit.

Surprise, je ravale ma question. Je ne l'imagine pas comme un bon élève. Mais après tout, la vie n'est pas un cliché. Il est tout à fait possible d'être studieux et de savoir s'amuser.

— Ta dernière cuite ?

— Je ne bois pas Einstein.

— Tu voudrais me faire croire que tu n'as jamais bu en soirée ? Arrête Léon, à d'autres.

— Figure-toi qu'il est tout à fait possible de passer une excellente soirée sans se mettre minable.

— J'en ai bien conscience, mais une soirée sans un minimum d'alcool, ça n'a ni queue ni tête.

— C'est ta réflexion qui n'a ni queue ni tête bablette.

Je pousse un soupir d'exaspération. Nous restons chacun ancré dans nos positions respectives et grand bien nous en fasse. Je ne vais pas céder et lui non plus. De par mon caractère, je n'admettrai jamais que ses arguments soient loin d'être infondés. Plutôt mourir que de lui donner raison. De plus, sans aller jusqu'à se mettre par terre, l'alcool n'est pas que négatif. Comme tout, il ne faut pas en abuser. La nourriture est vitale, mais en exagérer provoque l'obésité qui, elle, peut être mortelle. Je décide de poursuivre mon interrogatoire tout en espérant en connaître un peu plus de lui.

— As-tu des frères et sœurs ?

— Ma mère s'est mise en tête de mettre un autre enfant en route. Heureusement, mon beau-père est réaliste.

— J'ignorais que c'était ton beau-père. Tes parents ont divorcé ?

À son air rembruni, je m'insulte et me pince les lèvres. En signe de respect, je lève les mains en l'air et secoue doucement la tête.

— Pas de soucis, sujet à risque. Je retiens, t'inquiète.

Alors que je pensais avoir lancé un froid dans notre discussion, Léon relève ses yeux et les plonge dans les miens.

— Non pas un de plus.

Surprise, je hausse un sourcil.

— Je te demande pardon ?

Le Réveil des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant