Mon côté idéaliste

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Sur le chemin du retour, nous n'avons cessé de parler de cette fameuse piste. Après avoir rendu ses skis, et récupéré ses affaires chez moi, nous nous préparons à nous séparer. Il faut que Léon profite des dernières heures de jour pour rentrer. Le temps s'est calmé et j'espère qu'il restera ainsi. Le week-end est passé trop vite. Notre temps ensemble nous a permis de nous découvrir et de raffermir ce lien si spécial entre nous. Les non-dits planent dangereusement au-dessus de nos têtes, mais il est encore trop tôt pour certaines choses. Je songe alors à cette incroyable journée de ski. Je veux m'en souvenir le plus longtemps possible et ne plus oublier l'incroyable sensation que me procure chaque descente. Ma chute semble bien loin et au fur et à mesure des pistes, ma technique a refait surface. Mon style a repris le dessus sur mon allure désastreuse des premières descentes. On ne peut pas oublier comment skier, il faut juste se laisser le temps de se souvenir.

— À quoi penses-tu ?

— J'ai adoré aujourd'hui. Je veux m'en souvenir le plus longtemps possible.

— Tu parles comme si c'était ta dernière fois sur les pistes. Tu es au courant qu'il nous reste deux semaines de vacances ? Je n'habite pas tout près mais je ne vis pas non plus à l'autre bout du monde.

— Ma mère ne me laissera jamais skier...

— C'est parce qu'elle ne m'a jamais rencontré. Attend que je lui sorte mes arguments. Tu as devant toi le vainqueur du concours d'éloquence de l'année dernière et des deux précédentes.

Je ris, cela me redonne espoir. Oui, j'y crois !

Si ma mère apprécie Léon, il serait un adversaire de taille à Sébastien. Je pourrai enfin compter sur quelqu'un pour me défendre contre ces deux vautours. Je n'ai aucun doute quant à la force de persuasion de mon ami. En revanche, je suis plus mitigée quant au lâcher prise de ma mère. Léon va avoir un adversaire redoutable. Je sais également que cela ne sera qu'un défi de plus dans sa liste. Je n'imagine pas Léon abandonner. Alors, secrètement, je me permets d'espérer qu'il pourrait être celui qui me redonnera goût aux bonnes choses. En un seul week-end, il a relevé sa tâche avec brio. Cependant, ma mère n'a pas été dans ses pattes. J'ai hâte de le voir à l'action.

— J'espère pour toi que le courage et la patience sont tes deux plus grandes qualités.

— Tu n'as même pas idée !

Sentant le départ approcher, je ne réfléchis pas et le serre dans mes bras. Tendu comme un arc, il finit par me rendre mon étreinte non sans une once de gêne.

— Envoie-moi un message quand tu arrives et sois prudent, les routes sont glissantes.

— Oui maman, je serais prudent maman.

Éclatant de rire, je lui donne une tape sur l'épaule.

— Arrête ce n'est pas drôle ! Je veux juste que tu fasses attention.

— Promis. Merci pour ce week-end Azé ! Je t'appelle vite.

— Allez file avant que la nuit ne te rattrape.

Avec un dernier sourire, il enfile son casque et s'engage sur la route avec sa petite mobylette débrayée.

Le sourire aux lèvres, tout me semble possible. L'élan d'espoir arrivé dans ma vie avec Léon semble dépasser tout le reste. Je respire. Même l'idée de retrouver ma mère est surmontable.

En parlant de cette dernière, elle ne devrait plus tarder à présent. En l'attendant, je décide de monter dans ma chambre et de faire un grand nettoyage. Depuis combien de temps n'ai-je pas récuré le fond de mes tiroirs ? Bien trop longtemps sans doute. Le simple fait de se poser la question montre bien mon manque de sérieux quant à mon sens du ménage. Je m'empare de mon casque et de mon portable. Place à la musique. « Happy » de Pharrell Williams résonne à présent dans mes oreilles. Mimant les paroles et les gestes, je me déhanche, l'aspirateur à la main. Je me laisse enivrer par la musique et mes gestes suivent le rythme. Mon visage se tord par le mouvement exagéré de mes lèvres. Tout m'est égal car je suis simplement joyeuse. Mon souffle commence à se faire saccadé. Aussi, sans stopper ma danse, je m'empare de ma Ventoline. Me voilà reparti comme en quatorze. Toutes mes affaires sens dessus dessous, je m'attaque à présent à mon armoire. J'attrape une pile de vêtements et la jette littéralement en l'air. Mes tee-shirt virevoltent dans ma chambre et s'écrasent aux quatre coins de la pièce. Je ris car je suis simplement heureuse. Mon sac de sport dissimulé m'apparaît mais je ne bronche pas. À vrai dire, je l'ouvre et en sors ma boîte aux mille et une merveilles sans m'arrêter de mimer la chanson. Posée sur le bureau, elle restera ici le temps que je réarrange mes vêtements. La pointe de mélancolie qui d'habitude me saisit lorsque je vois cette boîte me paraît très lointaine car je suis simplement heureuse. Je reçois à ce moment un message de mon ami.

Le Réveil des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant