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UN SI LOURD SECRET : Episode 02

Oumar me répond par un large sourire, signe qu’il n’est plus fâché. Ce beau moment d’amour a baissé l’adrénaline qui montait en lui. Moi-même, j’étais heureuse que la tension soit dissipée. Je prends ma voiture, direction hôpital. Je reste de bonne humeur durant le trajet ; évidemment, c’est ainsi ! Les femmes sont toujours heureuses après une bonne séance de câlins. Faire l’amour est bon pour le moral et préserve du stress ; mais il ne faut pas oublier que ce bonheur n’est permis que dans le cadre du mariage. Autrement, c’est la fornication 😂😂😂😂😂.
J’arrive à l’hôpital et ma collègue Saran qui devait me passer le témoin s’impatientait. Elle avait déjà été avertie par Anne-Marie que c’est moi qui devrait assurer la garde ce soir.
- Dis donc Djenabou, tu en as mis du temps ;
- Je suis désolée Saran, je suis là maintenant.
- Ok, voici la situation : il y a une dame en travail, elle va accoucher si tout va bien dans deux heures. Elle s’appelle Mabinty. Il y a une autre qui a un début de travail, son prénom est Béatrice. Je l’ai mis sous perfusion pour accélérer le travail.
- Très bien ;
- Ok, Djenabou, bonne garde et à tantôt.
Je rentre dans la grande salle où nous avons l’habitude d’installer les femmes en travail ; je fais un examen rapide à Mabinty qui est proche d’accoucher, puis à Béatrice, en début de travail. Mabinty dont le travail est déjà avancé, pousse de grands cris à chaque contraction : « ooooh ! ma maman ééééééé ! qui m’a même envoyé ? Abdoulaye ééééé ! où es-tu ? Ce que nous avons fait ensemble me fait mal ooooh ! Abdoul ééééé ! Abdoul ééééé !»
En même temps que ces soupirs me font rire, je la comprends ; l’étape du travail dans un accouchement fait vraiment mal ; les contractions sont douloureuses au fur et à mesure que le col de l’utérus s’ouvre. Je l’examine encore et je constate qu’elle a froid aux mains et aux pieds. Elle se plaint aussi de nausées et de bouffées de chaleur. J’ai envie de l’aider à surmonter la douleur mais la technique de péridurale n’est pas encore offerte chez nous ; d’ailleurs, personnellement, je trouve que la femme devrait faire un effort. Dieu n’a-t-il pas dit que nous enfanterons dans la douleur ?
Pendant que ma patiente souffre et appelle sa maman et Abdoulaye, ma deuxième future maman rit puis s’énerve. Au fur et à mesure que sa voisine de salle pousse des cris, elle devient irritée et réagit vivement :
- Mais, madame, contrôlez-vous ; n’est-ce pas la même chose que je ressens ? Pourtant je supporte ;
Sa remarque me fait sourire ; elle n’a rien compris ; elle est encore au début ; quand elle sera à la même étape, je verrai si elle pourra encore me montrer ses dents. Néanmoins, je lui réponds :
- Béatrice, calme-toi, tu n’as pas encore traversé la rive et tu te moques de celui qui se noie ?
- Excusez-moi, Sage-femme, mais elle me casse le tympan avec ses cris.
- Ma chérie, patience ; ton tour arrive. J’espère juste que tes cris ne seront pas plus perçants.
- Jamais, moi, je suis courageuse.
- On verra bien ; maintenant tais-toi.
Peu de temps après, j’examine à nouveau ma première patiente ; le col s’est suffisamment dilaté pour qu’elle accouche ; je lui demande de monter sur la table d’accouchement.
Quelques minutes après, un beau garçon naît. Il est robuste et en bonne santé ; je mets le bébé sur le ventre de la mère un instant ; c’est une pratique que nous les Sage-femmes observons à chaque fois. Ce contact peau à peau du bébé et de la mère à la naissance, favorise sa découverte et le sécurise. Le contact peau à peau aide aussi le corps de la mère à libérer l’ocytocine, une hormone qui permet à l’ utérus de se contracter, ce qui diminue les risques de saignements excessifs. Ce contact est aussi bénéfique pour le bébé, car il aide à stabiliser sa respiration et sa fréquence cardiaque après l’accouchement, tout en le gardant au chaud.
Je vérifie l’état général de la nouvelle accouchée puis je m’occupe du bébé. C’est désormais une routine pour moi. En apportant le bébé à sa mère, je le contemple : quel beau bébé ! J’aurais également voulu avoir un garçon parmi mes enfants mais Dieu en a décidé autrement.
Je vais avertir les parents qui attendaient sur la cour de l’hôpital que le bébé est né ; des cris de joie fusent et ils demandent s’ils peuvent les voir.
- Je vais vous amener le bébé ici ; vous devriez attendre qu’une chambre soit attribuée à la mère avant de la voir.
Je vais chercher mon nouveau-né et je le montre aux parents accompagnateurs de sa mère ; un jeune homme s’élance et me le prend des mains. Je suis sûre que c’est le père ; je suis habituée à pareille scène. Je le laisse contempler son fils un moment, puis je l’interroge :
- C’est vous, Abdoulaye ?
- Oui, Sage-femme, il y a un problème ?
- Votre femme criait votre nom tout à l’heure.
- Eh ! Mabinty !
Nous éclatons de rire. La grand-mère du bébé et un autre parent s’empressaient aussi pour prendre le nouveau-né ; après quelques minutes, je demande à repartir avec le bébé mais ils ne voulurent pas ; je l’ arrache de leurs mains et je rentre dans la salle pour le remettre à sa mère qui a d’ailleurs trouvé qu’il est parti trop longtemps.
- Ah je vois ! Mabinty, Maintenant que tu es libérée, tu as la bouche pour parler.
Elle sourit et répond :
- Sage-femme, je suis trop fière de mon bébé ; j’ai trop souffert pour l’avoir.
- Eh oui ! Il y a de quoi être fière ; les enfants sont un don de Dieu. J’ai vu Abdoulaye dehors ; je lui ai dit que tu as crié son nom !
- Oh Sage-femme, fallait pas ; maintenant, il ne va plus arrêter de me taquiner.
Soudain, j’entends des cris « oooh ! j’ai mal ! » ; c’est ma deuxième patiente, Béatrice, qui crie. Sûrement que les contractions s’intensifient. Elle va maintenant comprendre ce que Mabinty ressentait. Je vais l’examiner et je constate qu’elle est encore loin de la fin ; néanmoins, j’essaie de la réconforter. Une femme dans ces circonstances a besoin de l’attention et du réconfort. Mais hélas ! Dans nos hôpitaux du pays, plutôt que de comprendre et de réconforter la femme, on l’insulte, on lui dit des mots durs. Certaines collègues vont jusqu’à dire « quand tu t’accouplais avec ton homme, c’était doux non ? Maintenant, supporte et arrête de crier dans mes oreilles ».
Mes collègues pensent que mettre des bébés au monde est certes un métier fantastique, mais lorsqu’il s’agit de supporter chaque jour, des femmes hurlant toute leur souffrance de mettre un gamin au monde, cela peut devenir lassant, voire agaçant. Pour ma part, j’ai toujours été contre cette façon de traiter nos femmes enceintes ; j’en parle à mes collègues mais elles ne veulent pas me comprendre. Moi j’ai eu la chance de faire un stage de quelques mois en Europe ; j’ai pu alors apprendre à traiter la femme enceinte en travail avec douceur et respect.
Je réconforte ma Béatrice en souffrance du mieux que je peux tout en surveillant le nouveau-né et Mabinty; tout semble aller bien. Si cela continue ainsi, je lui trouverai une chambre en maternité. Je la questionne :
- Alors, Mabinty, tu te sens bien ?
- Oui, Sage-femme.
- Dans ce cas, une chambre te sera attribuée en maternité car ton Abdoulaye est impatient de te voir.
Elle sourit. Je fais les formalités en ce qui concerne la nouvelle maman puis je m’étends sur un lit non loin de ma patiente en travail ; je commence à somnoler ; j’étais dans cet état quand j’entends des cris : « oh ! Sauvez-moi ».
Je me lève rapidement pour aller à la rencontre de la nouvelle patiente. Elle allait vraiment mal ! Elle était accompagnée d’une dame. Je l’installe rapidement sur la table de consultation et je l’examine ; elle est bien dilatée et pourrait accoucher dans une heure à peu près ; je lui demande son carnet mais elle n’est pas une de nos patientes ordinaires ; elle ne suivait pas sa grossesse chez nous. Je lui pose des questions afin de remplir son carnet mais la douleur fait qu’elle ne me répond pas.
Je sors voir la dame qui l’a accompagné au dehors pour avoir les informations car je ne pouvais pas l’autoriser à rentrer dans la salle d’accouchement.
- Bonsoir Madame
- Bonsoir Sage-femme
- C’est votre parente ?
- Non, une amie ;
- Son prénom ;
- Sona.
- Son nom
- Traoré ;
- Son âge
- 26 ans ;
- Est-ce son premier geste ?
- Non, le second.
- Dans quel hôpital suivait-elle sa grossesse ?
- A la clinique Saint Pierre.
- Pourquoi a-t-elle choisi de venir ici alors ?
- Nous sommes venues, elle et moi rendre visite à ma sœur pour rester avec elle pendant deux jours ; le travail l’a prise en pleine nuit, il pleut et ce centre est le plus proche ; elle ne nous a pas vite averti et il a été difficile de trouver un taxi ; nous ne pouvons donc aller jusqu’à l’autre clinique cette nuit ;
- Vous habitez où normalement ?
- A taouya
- Ok,
- Où se trouve son mari ?
- Elle n’est pas mariée ;
- Elle a un enfant et s’apprête à avoir le second ; et tu me dis qu’elle n’est pas mariée ?
- pas vraiment, elle est fiancée. Son premier enfant est d’un autre homme ;
- Ok, donne-moi le prénom du père car tous ces renseignements doivent figurer sur la fiche de naissance.
- Le père du futur bébé ou le père de Sona ?
- Je parle du père du bébé ;
- Ok, il s’appelle Oumar.
- Très bien, donnez le nom de famille aussi.
- Kallo
Je relève la tête et le stylo avec lequel j’écrivais les renseignements, tombe de mes mains.

A suivre dans l'episode 3 demain 17h GMT

Ce  stanley est-il le mari de la sage femme en question ?  Ou une coïncidence de nom ?
La suite nous dira.

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