Destinée

Chapitre XII

Les doigts de Damon se figèrent au dessus du clavier. Ses yeux fixaient sans les voir les résultats qui s'affichaient à l'écran. Un mauvais pressentiment enserra son coeur. Il sentait la présence de la jeune fille dans son dos, mais il ne voulut pas esquisser un geste. Il réussit finalement à reprendre ses esprits et à lancer les logiciels. Des nombres s'affichèrent et défilèrent à une vitesse folle. L’œil ne pouvait pas les décrypter sans l'aide informatique, mais ça ressemblait à un reformatage de l'appareil. L'ordinateur devint momentanément bleu et une fumée grisâtre commença à s'échapper de la machine. Angel fût plus vif que le jeune homme, elle s'empara du portable et le lança à l'autre bout de la pièce en faisant basculer le fauteuil sur lequel Damon était assis en arrière. Il n'eut pas le temps de protester qu'il fût projeté contre l'adolescente qui tomba au sol, à cause de l'explosion.

Les programmes transformaient n'importe quels appareils informatiques en bombe.

Angel repoussa vivement Damon qui sauta sur ses pieds avant d'aider la jeune fille à se relever. Ils vérifièrent tous deux qu'ils étaient entiers avant de ne prononcer ne serait-ce qu'une seule parole. A part quelques hématomes ils n'auraient rien de grave, physiquement parlant.

Angel s'épousseta une dernière fois avant d'aller investiguer au niveau de l'explosion. Étonnamment, la détonation n'avait pas créé d'incendie, mais seules quelques flammèches subsistaient autour de l'ancien portable, réduit en charbon noir. Damon s'empressa de les étouffer avant qu'elles ne prennent vraiment, détruisant tout sur leur passage. L'explosion était programmée seulement pour tuer la personne en possession de l'objet reformaté. L'adrénaline créée pendant l'explosion se dissipait déjà et le jeune homme prit conscience de ce que cela signifiait.

Son père était un tueur, tout comme Angel, voir davantage. L'homme en qui il avait toujours crût, son modèle, son idéal, son père, était un monstre. Sous le choc il dût prendre appui sur le mur pour supporter son corps qui cédait sous le poids écrasant de la vérité. Il fût tenté de croire qu'il y avait une explication à cela, que son père avait d'excellentes raisons, qu'il pourrait lui expliquer que ce n'était qu'un terrible mal-entendu. Mais il savait que c'était faux. Que rien ne pourrait jamais expliquer cela. Sa tête commença à le lancer, la pièce commença à tourner autour de lui et ses genoux cédèrent. Son dos glissa contre le mur jusqu'à ce qu'il touche le sol. Un sanglot inattendu fit sursauter sa poitrine.

Angel l'avait observé de loin, comme lorsqu'elle hésitait à faire quelque chose. Elle savait ce qu'il devait traverser. Le mur de naïveté qui l'avait toujours bercé depuis son plus jeune âge c'était fissuré le jour où il avait découvert la vérité sur Angel, et donc sur la dureté du monde. Mais la chute de ce mur venait de s'effectuer, ébranlant toutes ses croyances, toutes ses valeurs, le bien et le mal. Tout s'était brisé dans l'explosion le laissant sans carapace, sans repère. Il était perdu dans cette guerre intérieure entre son amour pour son père et cet homme qu'il venait de découvrir.

Le monde s'offrait à lui dans sa plus cruelle splendeur.

Le voir batailler ainsi contre lui même rappela à Angel sa propre fragilité, et pour fuir ses fantômes, elle se détourna de cette victime de la vie pour attraper l'ordinateur calciné et s'échapper de l'atmosphère lourde d'avant tempête qui régnait dans son appartement. Elle dévala l'escalier, s'acharnant à supprimer les images de Damon de son esprit, s'évertuant à refermer la porte de ses sentiments depuis longtemps déjà cadenassée. Sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte elle se retrouva à pénétrer dans le bureau de Thomas. Elle nota qu'il avait bien changé depuis quelque temps. La lumière éclairait la pièce d'une lueur bienveillante, presque artificielle. De nombreux écrans tactiles à la pointe de la technologie trônaient sur les murs de la pièce. Un simple bureau remplissait la salle. Dessus plusieurs ordinateurs y tenaient une place de maître.