Chapitre 10 : La douleur de Feelam

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« Il faudra d'abord tout détruire,
Pour ensuite reconstruire.
Un second souffle de vie,
A la découverte de son esprit. »

***

Leur mission était accomplie. Tout était paqueté avec le plus grand soin. Feelam était vidée de son sang, son cœur ne battait plus. Du moins il tentait de survivre avec le pauvre plan d'amaryllis qu'avait laissé le voyageur.

Ils s'apprêtaient à plier bagage quand soudainement, une brise se mis à souffler faisant frémir quelques morceaux de terre gisant restant au sol. Un frémissement qui petit à petit formait un mouvement circulaire introduisant une spirale grandissante.

Cette spirale prenait de la puissance au fil des secondes pour progressivement former un tourbillon, puis d'un élan de vertigineux, se transforma en une gigantesque tornade. Tout le monde était effrayé par la grandeur de cette tornade sortie de nul part.

A la surprise de tous, elle se contenta d'embarquer avec elle le semblant de dignité que le voyageur avait laissé gésir au sol. Néanmoins, elle prit le temps de tout nettoyer sur son passage.

Feelam avait été dépouillée mais pas salie. Alors elle retira le reste de terre morte au milieu du sol, pour la laisser nue, mais propre et digne. En quelques minutes, ses rafales avaient quasiment tout balayé. Sa force et son élan n'avaient pas fait le travail à moitié.

Il ne restait plus qu'un sol dur, solide comme un roc. Dévêtu, on pouvait sentir la chaleur qui traversait tout son être.

-

Le voyageur savait qu'il était l'heure de partir. Le ciel était devenu obscur, une tension flottait dans l'air et son ressenti était loin de l'apaiser.

" Partons !" se mit-il a hurler de toutes ses forces ! Il savait qu'il avait dépassé les limites, mais qu'importe, il était trop tard à présent. Il partit avec son équipe à une vitesse effrénée, comme s'il pouvait sentir la culpabilité qui s'apprêtait à lui faire payer ce qu'il venait de faire.

Dans son allure soutenue, les mots de l'explorateur concernant la protection de cette terre revenaient encore résonner dans sa tête. Puis à chaque mètre, il essayait de les chasser de ses pensées de façon à ce qu'ils ne le rendent pas plus vulnérable et craintif qu'il ne l'était déjà.

Au moment où il tourna la tête pour voir une dernière fois ce qu'il laissait derrière lui, il aperçut des filaments rouges qui se propageaient sur les terres de Feelam. Il ne savait pas ce que c'était jusqu'à ce qu'elles arrivent à quelques mètres de lui.

Des craquelures étaient en train de se former au sol, laissant entrevoir la pression sanguine qui traversaient les veines de la ville...

-

Elle n'avait rien dit, ne s'était point débattue car elle s'était retrouvée totalement impuissante, dépourvue de ses moyens, prise au piège. On l'avait trompée en faisant croire à sa progéniture qu'il ne s'était rien passé, et ils continueraient de leur raconter cette même histoire.

Elle avait perdu son identité, on lui avait tout arraché : sa dignité, son honneur et sa fierté, elle n'avait désormais plus rien à part cette immense colère enfouie en elle.

Elle était en train d'imploser, et rien ni personne ne serait en mesure de l'arrêter. Sa puissante colère s'était enracinée dans chaque recoin de ses terres, et se déferlait à même le sol provoquant une chaleur de braise.

La pression était si intense que tout lui monta à la tête, c'était bien trop pour elle. Elle ne pouvait plus la garder en elle. Elle essayait, mais elle a fini par explosé en crachant sa haine dans des explosions de colère embrasées.

C'est à la hauteur de sa souffrance qu'elle a enseveli la ville dans une lave sanglante.
On raconte que depuis ce jour, les couchers de soleil en ont gardé la marque : un rouge orangé pénétrant, comme pour marquer cette intense douleur, gravée à jamais dans les moeurs...

Après avoir soulevé et fait trembler ses terres de toutes ses forces, elle était exténuée. Elle avait déferlée sa haine comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Elle n'avait d'ailleurs jamais connu ce terrible sentiment. Elle était vidée, elle n'avait plus la force de rien.

Si sa montée de colère était redescendue par épuisement, elle avait toujours autant de ressentiments. Mais elle comprit une chose : l'irréparable avait été commis, et qu'importe la colère qu'elle pourrait continuer à propager, rien ne lui rendrait ce qu'on lui avait arraché de plus précieux.

Alors elle avait décidé de se calmer le temps de préparer la plus cruelle et dévastatrice des vengeances. En attendant, elle se contenterait d'exprimer ses ressentiments quand bon lui chanterait...

***

On décrit aujourd'hui Feelam comme cette ville électrique aux allures éclectiques. Sa météo capricieuse a longtemps fait parler d'elle, et continue toujours d'ailleurs.

C'est la raison pour laquelle on dit que ses habitants « broient du rouge ». Oui, cette malédiction qui s'est abattue sur Feelam n'a pas laissé la ville sans cicatrices; bien au contraire, les blessures ouvertes sont encore bien nombreuses...

Si la colère de la nature s'est apaisée avec le temps, sa douleur demeure omniprésente. Elle n'hésite pas à la manifester, à travers de puissants orages grondant de mécontentement, des éclairs fulminants, exaltant ses excès de colère.

Puis par épuisement, elle sanglotera en déversant des flots de larmes, ruisselants dans chacune des infimes ruelles de la ville. Depuis quelques temps, elle a décidé d'agir autrement. Elle a compris avec le temps qu'elle a fait du mal, à son insu, à des personnes innocentes sur son passage.

Obnubilée par son désir de vengeance, elle ne voyait plus rien autour d'elle. Alors elle exprime aujourd'hui sa colère et sa douleur, sans larmes et sans dégâts, dans un calme plat.

Elle se contente d'insuffler sa douleur, laissant se dégager ce léger souffle qui se répand, doucement, sur l'ensemble de la ville...

Un souffle qui, aux premier abord semblait apaisant, mais qui petit à petit est devenu lourd et pesant. Un lourd soupir qui flotte au quotidien au dessus de chacun de ses habitants, pour y apporter une tension constante, et former, cette ambiance électrique.

Feelam est devenue une ville bruyante, où tout le monde crie tout le temps. Personne ne s'écoute et personne ne s'entend. C'est une ville où l'on n'a pas le temps, on court tout le temps, et on râle incessamment.

Un environnement rempli de tensions qui n'a le temps pour rien, ni pour personne. Une ville où l'on demande de souffrir et de mourir en silence, puisque tout est insignifiant...

-

Si certains sont condamnés au destin tragique de Feelam, il n'en demeure pas irrémédiable. Oui, certains sages racontent que « le souffle de Prâna », épargnerait ceux qui réussissent à le ressentir au milieu de toutes ces tensions.

Prâna, le souffle de vie. Il nous guide au quotidien, nous pousse vers notre idéal de vie. Mais on est bien souvent trop agité pour pouvoir le ressentir. Pourtant, si on prenait le temps de se calmer et de respirer, c'est lui, qui nous guiderait pas à pas vers un avenir bien plus paisible...

Ce fut notamment le cas du grand Sage Âtman, qui ne manquera pas de vous raconter son histoire...

Le monde de FeelamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant