Chapitre 6 : Déracinée

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Sa stupéfaction le laissa sans voix. Les yeux écarquillés, il observait son doigt sans prendre le temps de cligner des yeux. Il ne voulait pas perdre une miette d'un autre phénomène qui aurait pu se produire !

Mais rien ne se passa. La plaie avait bel et bien disparu, et n'était pas prête de faire une réapparition. En scrutant son doigt de plus près, il comprit peu à peu à travers ce phénomène spectaculaire : toutes les fleurs n'avaient pas les mêmes vertus !

Si la première malicieuse s'était apprêtée à lui dévorer la main, ce n'était pas le cas de cette dernière ! L'analyse de ces deux créatures le laissa perplexe... Ces fleurs étaient aussi farfelues que cette terre perdue au milieu de la nature...

Qu'importe, il venait de faire une découverte qui allait en surprendre plus d'un, et qui changerait sa vie à tout jamais ! A lui la gloire et la fortune !

-

La gloire et la fortune, c'était bien ce qu'il attendait depuis toujours en multipliant le nombre de ses explorations. Il y avait bien sûr cette passion qui l'encourageait à partir en quête de nouvelles découvertes, mais avec la gloire en ligne de mire.

Il persistait depuis des années car il attendait en vain, de pouvoir réaliser LA découverte qui le ferait gravir les sommets. Et cette fois, il sentait que quelque chose allait se passer. Il pouvait flairer l'odeur de sa réussite.

Alors c'est avec enthousiasme qu'il s'empressa d'arracher cette fleur si particulière hors de la terre, pour soigner le reste de ses plaies.

Mais cette fois, il avait beau la frotter contre ses plaies, rien n'y faisait, il ne se passait rien. Il n'y avait aucun picotement, ni étincelle, rien. Il ne comprenait pas. Son rêve était en train de s'envoler dans les airs à tout jamais, avant même d'avoir pris forme.

Arrachée de ses terres, elle perdait son identité. Elle ne savait plus qui elle était et n'avait donc plus rien à offrir.

Une dernière lueur d'espoir le poussa à essayer une ultime manoeuvre : la déraciner, plutôt que de l'arracher. Une astuce malicieuse qui lui faciliterait la tâche. Alors il plongea ses mains dans la terre fraîche, et se mit à creuser avec exaltation pour trouver la racine.

Ces racines étaient profondes, et lui demandaient une énergie considérable ! Mais son avidité de gloire était tellement forte qu'elle lui donna toute la force nécessaire pour continuer de creuser encore et encore.

C'est après cet effort exorbitant qu'il aperçu une partie de la racine. Il pris le soin de dégager tout l'amas de terre qui l'enrobait, de façon à ne pas l'abîmer, puis la déterra avec délicatesse.

Il ne fallait pas qu'elle se rende compte du subterfuge qui avait été mis en place, sinon elle aurait perdu toutes ses facultés curatrices. Le voyageur l'avait compris, et avait remporté son pari : elle était encore écarlate.

Il la prit entre ses mains, et effleura sa peau avec la douceur de ses pétales. Cette fois-ci, il y eut une succession d'étincelles accompagnées des petits picotements, signe que les plaies étaient tout juste en train de se refermer.

Mais il déchanta après quelques lésions, quand les pétales rouges vermillon tournèrent peu à peu en un rouge grenat, annonçant sa perte d'énergie croissante jusqu'à son extinction.

Les étincelles s'étaient éteintes après quelques plaies, tous comme les expressions faciales du voyageurs marquaient la fin d'un rêve qui commençait à peine à se réaliser...

Il comprit alors que si la déraciner lui avait permis de s'en emparer, il fallait à présent qu'il puisse l'apprivoiser.

***

En la retirant de ses terres, il lui fallait un environnement similaire qui lui soit familier, de façon à ce qu'elle puisse s'acclimater. Il était donc indispensable de l'enraciner dans la foulée. Ainsi, elle ne sentirait aucune douleur, et ne se rendrait compte de rien.

Il fallait être subtil, et réaliser la manoeuvre avec délicatesse. Il s'agissait de la tromper sans qu'elle ne puisse le remarquer, sinon, elle s'éteindrait à nouveau et briserait définitivement le rêve du voyageur.

Bien au-delà d'une guérison personnelle, il était déterminé à en faire une véritable affaire personnelle... Son heure de gloire allait bientôt sonner.

C'est ainsi qu'il se hâta de mettre en place son ultime stratagème. Il retira une de ses chaussures, la remplit de terre et se lança dans le déracinement d'une seconde amaryllis. C'est plein d'entrain qu'il se remit à creuser, avec toujours plus de vivacité.

Lorsqu'il aperçut la racine de la fleur, il prit le soin de la cueillir avec un léger soupçon de son environnement, et la plaça sans plus attendre dans sa chaussure. Il la couvrit de sa terre originelle, pour ne rien laisser transparaître.

Il attendit quelques minutes, et approcha sa main à nouveau pour caresser la fleur. Elle était toujours aussi écarlate, mais pour combien de temps?

C'est en soignant chacune de ses plaies une à une, qu'il constata que son subterfuge avait fonctionné. Il ne savait pas encore pour combien de temps, mais après avoir soigner les trois quarts de ses plaies, l'amaryllis était toujours aussi pimpante.

Il avait réussi, elle se sentait toujours aussi prestigieuse hors de ses terres, comme il avait décidé de lui faire croire. Il avait gagné sa confiance, c'était tout ce dont il avait besoin.

Après tous ces efforts, c'est le coeur léger qu'il décida de s'assoupir quelques minutes au côté de sa muse aux vertus magiques...

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