Ethrian III - Eriel et Ana-su

Acte IV, scène 3.

Raen, Ar, Tyvan et Shira.

Dans la pièce, la porte s'ouvre sur Shira. Elle n'ose interrompre les discussions, mais perçoit contre son gré les haussements de ton du second et troisième Princes. La Madame narre toujours quelques heureuses anecdotes afin de distraire les autres Princes. Cependant, Raen est déconcentré par ses deux frères. Il se lève discrètement et va les rejoindre, tandis que Shira s'approche d'eux timidement.

SHIRA — Vos Altesses, y a-t-il un problème ?

TYVAN — Non, Altesse Shira. Nous conversions simplement.

RAEN — En provoquant un raffut monstrueux ? Laissez-moi deviner l'image de votre énième dispute. Serait-ce...son Altesse Eriel ? Encore ?

Le second Prince roule des yeux et s'apprête à partir.

SHIRA — L'amour n'est pas aisé, votre Altesse. Avec lui, nous savourons tantôt le bonheur absolu, tantôt la plus horrible des douleurs. Toutefois, il faut savoir l'apprivoiser pour l'apprécier à sa juste valeur.

AR, âprement — Et que faisons-nous si l'amour n'est partagé ? Si nous souffrons chaque jour, sans arrêt, et qu'il nous donne la volonté de mourir ?

SHIRA — Alors, dans ce cas, il vaudrait possiblement mieux le stopper avant qu'il ne nous engouffre totalement.

RAEN — Mais il se peut que nous n'en ayons le courage.

SHIRA — Ce n'est pas de courage dont vous avez besoin, mais de détermination. Votre cœur saigne et il doit être bandé. Pour cela, la source des saignements doit être comprimée, puis éradiquée. Une poignée de jours, d'heures, ou des années, j'ignore en combien de temps les blessures cicatriseront. Seulement, rien que dire au revoir à cet impossible amour vous fera un grand bien.

RAEN — J'entends vos mots, Shira, mais je n'arrive pas à les assimiler. Ils sont trop douloureux.

SHIRA — Ne pouvez-vous pas vous résoudre à outrepasser l'amour destructeur qui vous prend en grippe ? Prince héritier, est-ce que vous vous êtes posé les bonnes questions ?

RAEN , interdit, mais curieux — C'est-à-dire ?

SHIRA — Vous dites éprouver un odieux amour. Néanmoins, comment pouvez-vous être sûr qu'il s'agit d'amour ?

RAEN — C'est évident ! Je le ressens au fond de moi. Cette femme est l'unique à pouvoir m'apaiser.

AR — Elle est l'unique à me faire rêver.

RAEN — L'unique à me heurter, comme elle sait si bien le faire.

AR — L'unique à m'appeler de sa mélodieuse voix enchanteresse.

RAEN et AR — Je désirerais tout lui sacrifier !

SHIRA — Qu'est-ce qui vous en empêche ?

Les Princes se jaugent quelques secondes. Ils se demandent s'ils doivent lui avouer. Puis, ils se rappellent que Shira est une exquise épouse en qui ils peuvent avoir éperdument foi.

RAEN — Elle a commis une tentative d'assassinat. Je ne peux la défendre. Mon rang me l'oppose.

AR — Elle en aime un autre. Jamais, elle ne retournera à moi.

SHIRA — Soit. Une criminelle et une infidèle... Prince héritier, l'avez-vous interrogée sur ses motivations ?

RAEN — Non.

SHIRA — Second Prince, l'avez-vous interrogée sur ses motivations ?

AR — Non.

SHIRA — Vous ne les aimez pas. Du moins, pas assez pour essayer de les comprendre. C'est aussi cela l'amour. De la compréhension, de la patience, l'espérance, la fiabilité l'un envers l'autre. Vous êtes tous fragiles, vos amours sont bancales. Je ne pense pas qu'ils soient faux, mais ils ne sont pas purs.