Ethrian III - Eriel et Ana-su

Acte V, scène 4.

Raen, Estebar et Ana-su.

Le Prince héritier s'est rendu dans les prisons du palais, vacillant quelque peu.

RAEN — Et si je n'arrive pas à lui faire face ? Et si je la revois dansante et souriante ? Si mon ressenti me dicte qu'elle est innocente malgré tout ? Père n'aurait pas dû me confier cette tâche. Peut-être présage-t-il de me tester,...mais il sait que je suis faible.

Il se décide, après plusieurs minutes, à se diriger vers la cellule d'Ana-su. Celle-ci est recroquevillée dans le fond, sale et en mauvais état. Le Conseiller Royal s'y trouve également.

RAEN — Que faites-vous là, Lord Estebar ?

ESTEBAR — Je me suis personnellement chargé de l'interrogatoire. J'ai pensé que vous voudriez un peu de soutien, puisque c'est votre première fois.

RAEN — Qu'est-ce qu'elle a ? Pourquoi est-ce qu'elle ne bouge pas ? Est-ce qu'elle respire au moins ?

ESTEBAR — Conseil numéro un : ne vous inquiétez pas pour le criminel. Conseil numéro deux : le criminel est un danger pour la Couronne d'Ethrian, ne le considérez plus comme un sujet, mais comme un traître. Conseil numéro trois : ne descendez jamais dans les geôles avec le but de questionner le criminel, si vous n'êtes pas certain qu'il en est un ou si vous vous apprêtez à prouver son innocence. Conseil numéro quatre : ne doutez pas de vous ou de votre jugement, vous êtes le seul à pouvoir décider...

RAEN, bouleversé — Que faire si mon jugement hurle qu'elle ne doit pas mourir ?! Que faire si j'ai envie de la sauver ?!

ESTEBAR — Elle vous a trahis, votre Altesse. Elle a trahi la Couronne d'Ethrian. Elle nous a tous bernés.

RAEN — Ana-su, regardez-moi... C'est un ordre... Ana-su !

La jeune femme se redresse fébrilement et tourne son visage baigné de larmes vers le Prince hériter.

RAEN, dur, mais la voix chevrotante — Vous devez comparaître devant sa Majesté ! Levez-vous immédiatement.

ANA-SU, à bout de force — Ne deviez-vous pas m'interroger ?

RAEN — Pourquoi est-elle ainsi ? On dirait un cadavre avant l'heure !

ESTEBAR — Elle a rejeté tout ce que nous lui proposions. Elle ne s'est pas nourrie depuis trois jours. Et elle boit à peine.

ANA-SU — Vous vous tourmentez pour moi.

RAEN, décontenancé et les yeux brumeux — Je suis faible. Faible devant les puretés de ce monde. Faible devant tout. Je suis un incapable qui ne peut prendre une simple et évidente décision... Je ne ferai jamais un bon Roi.

ANA-SU — Vous êtes bon. Dans une autre famille, vous auriez été parfait. Mais en tant que Prince héritier, vous devez faire des sacrifices.

RAEN, sidéré — Me dites-vous de vous tuer ?!

ANA-SU — Un chien déloyal aura beau aboyer et supplier son maître de le garder, il aura toujours commis une faute. Bien sûr que je veux survivre ! Que croyez-vous ?! Qu'il me plaît d'être enfermée ici ?! Interrogez-moi, essayez de me sauver tel que vous l'aviez prévu en descendant, ou remontons et affrontez votre devoir !

RAEN, ravagé — Je ! Ne ! Peux ! Pas ! Vous !.... Aider.

ANA-SU — C'est donc la volonté des Anges et je me dois de m'y soumettre. Amenez-moi au Roi.

Le Prince héritier fait signe aux gardes de la conduire à la salle du trône, tandis qu'Estebar le regarde rudement.

RAEN — Vos conseils ne me conviennent guère. Mon rang ne me convient plus. Ma destinée ne m'a jamais convenu.

ESTEBAR — Pourtant, vous êtes le futur Roi de la Couronne d'Ethrian. Vous allez apprendre. Ne vous méprenez pas, votre père était semblable à vous dans sa jeunesse. Mais il a grandi et a endossé son rôle à la perfection.

RAEN — Je refuserai le trône même s'il était le dernier siège du royaume. Je choisirai toujours de mourir debout et fier que gouverner par des lois qui ne me siéent point. Le Roi n'est-il pas censé être tout puissant ? Alors, pourquoi est-ce lui qui souffre le plus ?!

ESTEBAR — Parce qu'un Roi doit être malheur afin que ses sujets soient bonheur !