Ethrian III - Eriel et Ana-su

Acte II, scène 5.

Ana-su.

Le Prince héritier conduit le Sir et sa partenaire d'une soirée à l'écart du bruit et se procure une harpe parmi les multiples instruments déposés pour les musiciens. Il s'installe correctement et commence à jouer.

ANA-SU, à part — Quelle douce mélodie...Cet homme n'est possiblement pas aussi idiot qu'il en a l'air... Peut-être me suis-je fourvoyée à son sujet. Oui, je l'avoue. Mais j'étais tellement ancrée dans l'idée qu'il ne valait pas la peine d'être reconnu ou compris, que je m'y suis cloîtrée. Je n'aurais pas dû. Ah ! préjugé quand tu nous tiens !

Elle recule un peu en continuant de parler, en aparté.

ANA-SU — Je voulais ne pas l'aimer, je voulais le détester. J'aurais préféré penser qu'il ne soit rien, qu'il ne mérite aucunement mon attention. Ç'aurait rendu les événements plus simples. Or,... dorénavant,... j'hésite. J'étais venue ici dans un seul but, un funèbre projet que je ne parviens plus à mettre en place. Diable ! Il me fait douter !

Elle amorce des pas pour retourner dans la fête, mais se stoppe.

ANA-SU — J'ai été entraînée depuis ma naissance par d'horribles personnes afin que j'accomplisse une terrible tâche. J'ai été conditionnée pour haïr la royauté, pour les trouver pathétiques et indignes de gouverner. J'ai appris la danse, uniquement pour pouvoir entrer dans la Capitale et approcher ces gens que j'avais jurés d'anéantir. (dépitée) Mais je ne suis pas sûre de moi.

Elle fait volte-face et pointe d'un doigt accusateur le Prince.

ANA-SU — Ce bougre aux airs innocents ne parait pas si inutile et inefficace. Il est simplement lui-même. Pourquoi devrais-je lui en vouloir d'être ainsi ? Surtout que la vie regorge en lui, il est vivace, extravagant, digne de compassion. Pourquoi devrais-je lui ôter tout ceci ?!

Elle vacille.

ANA-SU — Oui ! Oui, j'étais venue ici pour le détruire ! Mais comment pourrais-je ? Ce ne serait pas juste. Regardez-moi ! Entraînée pour assassiner cette joyeuse famille et me voici incapable du moindre mouvement. C'est plutôt moi qui suis indigne de vivre. Pas eux !

Elle secoue la tête et devient statique.

ANA-SU — Toutefois, si ce n'est pas eux, ce sera moi. Je ne peux me sacrifier pour les sauver quelques jours de plus. Tant d'ennemis sont à leur trousse. Ne pas les tuer aujourd'hui, ils seront condamnés demain. Je devrais... Je devrais... Ne devrais pas !

Elle tremble et se tient le ventre.

ANA-SU — Oh, odieux sentiment ! Qui me broie les entrailles ! Que dois-je faire ?!

Elle se redresse. Les notes que joue Raen deviennent de plus en plus aiguës.

ANA-SU — Culpabilité, honte, insatisfaction. Je n'en ai cure ! Ana, Ana, petite Ana, tu es celle qui viendra à bout de cette maudite famille ! Non l'inverse ! Tue-les, tue-les tous. Remplis ta mission, gagne leur faveur et vis. Survis du moins ! Ne les déçois pas, ne te déçois pas. Je vais m'avancer, lentement, très lentement, et je lèverai ma dague. Leurs vies seront emportées ainsi !