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24/03/2018
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     Sans vraiment me questionner pour quelles raisons cette lampe s'était-elle retrouvée dans ce fichu placard – ça m'eut l'air assez logique que les anciens proprios l'ai laissée là, elle est tellement moche ! – je la récupérai et l'emmenai dans ma chambre. Après tout, il me manquait une lumière, autant qu'elle serve puisqu'elle est là !

     Je l'installai sur mon chevet, la branchai et elle s'alluma sur le coup. Elle n'éclairait plus beaucoup, l'ampoule devait se faire vieille, elle aussi. Cette lampe semblait dater d'un siècle... Sans déconner, elle puait le pétrole alors qu'elle était bel et bien électrique ! L'abat-jour rendait l'éclairage sombre et sale. Jaune dégueulasse, si je puis me permettre. Mais cela allait convenir pour ce soir, le temps que ma mère m'achète une toute nouvelle lampe demain.

     Nous avons emménagé un mercredi et mes parents m'avaient laissé la fin de la semaine pour m'installer comme il faut avant de me renvoyer au lycée. Après quoi, je reprendrai les cours normalement, dans un tout nouvel établissement avec de tous nouveaux camarades et professeurs.
     J'étais partagé entre avoir hâte de rencontrer de nouvelles personnes et anxieux quant à la fin de mon année. Je n'étais pas un élève brillant et il fallait que je travaille beaucoup pour avoir la moyenne...

     La fin de la soirée s'était déroulée doucement, j'avais continué de ranger quelques livres sur mes étagères murales et commencé à équiper mon bureau pour mes cours.

     Vers une heure et demie du matin, je suis allé fumer à ma fenêtre. J'avais vue sur un parc vide. Vide de passants comme vide d'activités : un vieux toboggan trônait toujours au milieu de cette minime aire de jeu ; deux chevaux qui basculaient à l'aide de ressort et un sol moelleux pour éviter de se blesser si on tombait. Mouais. C'est vraiment le strict minimum pour amuser un enfant... Nan parce que ce sol en matière chelou ne sert à rien. Le toboggan était si petit qu'il était d'ailleurs plus amusant de sauter que de glisser, et les deux minables chevaux à bascule j'en parle même pas. Les arbres récupéraient petit à petit leurs feuilles, mais la plupart semblaient bien ternes. Cette vision, en pleine nuit, m'arracha un frisson.

     Je terminai ma cigarette et jetai le mégot par delà la fenêtre. Je laissai ouvert pour aérer et je me remis au rangement de mes livres. Mais soudain, la lampe de chevet se mit à clignoter. Elle clignota deux fois si vite que j'ai d'abord cru avoir cligner des yeux sans m'en rendre compte. Elle s'est rallumée complètement. Ça m'avait surpris mais sans me déranger plus que ça. C'était une vieille lampe, il devait y avoir un mauvais courant de temps en temps.

     Elle re-clignota. Plus longtemps cette fois. C'était la seule lampe de ma pièce. Et il semblait que c'était la seule qui déconnait de tout l'appart, vu que celles du salon restaient parfaitement allumées. Il devait y avoir un faux contact. Je laissai mes livres sur l'étagère et j'avançai d'à peine un pas seulement qu'elle se ralluma complètement. Les superstitieux auraient sûrement cru qu'elle les espionnait. Oui, une lampe. Certains vous auraient dit qu'elle était hantée, qu'elle renfermait une malédiction qui touchait tous ceux qui osaient l'allumer.

     J'attendis qu'elle clignote une nouvelle fois puis ne voyant pas le moment arriver, je retournai à mes livres. Et c'est seulement cinq minutes plus tard qu'elle clignota de nouveau. Une fois seulement, très rapidement. Et quand je tournais la tête vers elle, elle s'arrêtait.
     Les superstitieux vous auraient sûrement dit que cette lampe immonde voulait attirer mon attention.

     Mais le fait est que je ne suis pas superstitieux. Je ne crois ni aux malédictions ni aux fantômes. Cependant, elle se remit à clignoter. Frénétiquement, cette fois, sans s'arrêter. Ma chambre s'était soudainement transformée en boîte de nuit.
     Alors, bien résolu à ce que ce cirque s'arrête, j'avançai vers la lampe et m'accroupis pour la débrancher. Mais c'était bien trop prévisible à deux kilomètres, aussi voyant qu'un nez sur la figure, juste avant que je ne la débranche, elle s'arrêta et resta allumée. Comme si rien ne venait de se passer.

99Où les histoires vivent. Découvrez maintenant