Chapitre 2

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D e u x 

« N'avez vous jamais réfléchi à la vraie liberté ? Liberté à l'égard de l'opinion d'autrui ? Et même à l'égard de l'opinion que vous avez sur vous ? »

Ivy restait assise sur cette chaise, attendant patiemment qu'on daigne la laisser seule avec l'être qu'elle avait le plus aimé au monde. Son frère. Il faisait beau, Trevor aurait aimé cette belle journée. Cela paraissait futile de parler du beau temps alors qu'elle venait d'enterrer son frère. Mais c'était la seule chose qui la rattachait à la vraie vie, au monde réel. C'était pourtant si facile de le laisser glisser doucement vers le fond, vers la mort et la dépression. C'est dur de se battre, de vouloir vivre. Il faut vivre, car tant que vous avez la possibilité de le vouloir, c'est que vous êtes vivant. 

Non, elle ne pleurait pas. C'était inutile. A quoi beau pleurer quand vous savez qu'il est mort. Au contraire. Elle paraissait soulagée. Il ne souffrait plus de voir ces innocents Afghans mourir, ne souffrait plus d'être forcé d'abattre des hommes comme lui, avec un coeur qui battait dans leurs poitrines. Il battait ce coeur, putain. 

*

Elle apercevait quelqu'un, au bout de l'allée, qui l'observait. Elle avait toujours eu un don pour ça. Elle savait lorsque l'on posait les yeux sur elle. Mais ces yeux qui l'observait, aujourd'hui, elle les connaissait. 
Elle relevait la tête. Une seconde, deux secondes, trois secondes. Tout ce qu'il fallut pour que l'homme comprenne. Elle avait éperdument besoin de lui, maintenant, tout de suite, sans attendre.
Il avançait à pas lents, mesurant la distance qui les séparaient.
Comment seraient ces retrouvailles après plus de deux ans d'absence ? 

Elle se levait, ne soutenant plus l'engourdissement dont son corps s'était emparé. Elle n'osait pas vraiment avancer, pensant qu'elle succombait à ses illusions, ses espoirs, ses envies et ses craintes. Tout se mélangeait pour aboutir à quelque chose d'impossible. Jusqu'à présent, tout était irréel, soutenable. Si elle venait à le toucher, tout deviendrait vrai, réel. Insoutenable. La mort de Trevor prendrait un aspect qu'elle n'était pas prête à affronter. 

Ivy haletait. Devait-elle le serrer dans ses bras ? Devait-elle l'affronter et lui dire que son absence avait été difficile ?
Sa vue se brouillait sous les larmes qui menaçaient de dévaster le doux visage de la blonde. 

Il n'avait pas d'autre moyen que d'hâter le pas, pour trouver la chaleur de son corps. Cette fille lui avait manqué. Comment avait-il pu partir ? Il ne se le pardonnerait jamais.

Elle frissonnait de ce contact, de cette pression dont elle n'avait plus l'habitude. Elle restait immobile, tandis que l'homme l'enfermait dans ses bras, caressant ses doux cheveux blonds. Dès que ses doigts avaient frôlé ses bras nus, les larmes n'avaient pas pu se retenir de couler. Elle se retrouvait là, au milieu du cimetière où son frère gisait dans un cercueil de l'armée américaine, dans les bras de l'homme qui l'avait abandonné deux ans auparavant, à pleurer. Comme une gamine. Son visage était ravagé par des grimaces de peine, qui la rongeait de l'intérieur, de ses propres entrailles.

*

- Il aurait du revenir dans onze jours. Onze petits jours, deux-cent soixante quatre heures. Au lieu de ça, il est là, six pieds sous terre. Je rage intérieurement. J'arrive pas à croire qu'il soit mort. Pas pour ça ! Une guerre qu'il ne comprenait même pas. Il était si jeune. Il est tombé pour une cause qu'il ne supportait même pas. Il me l'avait dit. 
- Je sais. 
- T'a pas su le protéger. T'a pas su putain ! Tu me l'avais promis !! Tu m'avais promis qu'il reviendrait, il m'avait promis de revenir ! Vous êtes des menteurs ! J'ai déjà perdu un père à la guerre. Je devais garder mon frère en vie ! Il devait me voir vieillir ! Pourquoi ?! HEIN ? Dis-moi bordel ! Ne reste pas muet comme ça ! T'es qu'un enfoiré ! C'est toi, c'est toi, c'est de ta faute ! Tu devais le protéger, me protéger ... finissait-elle en pleurs.
- Je sais. 
- Ferme-la, avec tes Je Sais. Tu ne sais rien. RIEN, tu m'entends ? Tu ne sais rien de ce que j'ai enduré chaque fois qu'une voiture noire passait devant chez moi. Je ne savais pas qui de vous deux était mort. J'étais condamnée à retenir mon souffle et attendre qu'elle s'arrête à une autre porte. Mais je savais ce que ça signifiait putain ! Quelqu'un était mort ! 
- Pardonne-moi. Je suis désolé. Tu es dévastée, c'est normal. Tout est de ma faute. J'ai pas su le protéger. Je t'ai abandonné. Je sais que tu ne me pardonneras jamais, mais chaque jour, j'essayerais de te montrer que je suis là. Si tu n'es pas sûre, tourne-toi et regarde par-dessus ton épaule. Je serais là.
- Dis-moi ... Tu étais là quand ... Quand il est tombé ?
- Oui.

Fiction OneDirection 5 (Ivy & Liam)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant