S e p t
« J'ai aimé un être de tout mon cœur et de toute mon âme et pour moi c'est plus que suffisant. »
Liam pianotait avec ses doigts sur la table dans la cuisine. Il avait les yeux dans le vague, la tête appuyée dans l'autre main.
Harry le regardait, et s'amusait de le voir ainsi, même s'il paraissait perturbé par quelque chose que ses quatre amis n'arrivaient pas à percevoir. Alors que Zayn s'apprêtait à lui demander ce qui n'allait pas, Liam se levait d'un bond et partait s'enfermer dans sa chambre, visiblement résolu.
Il fermait la porte à clé et s'installait sur son lit, allongé sur le ventre, une main sous la tête. Il se mordait la lèvre inférieure, perdu dans ses pensées.
Soudain il se relevait, attrapait le téléphone qui était posé sur sa table de chevet, en charge. Il le regardait quelques instants, se demandant s'il allait bien faire ce qu'il s'apprêtait à faire.
Ces quelques chiffres, il les connaissait par coeur. Il les avaient tapé durant les deux dernières années, quatre à cinq fois par jour. Ces chiffres avaient représenté son bonheur, sa vie, son amour, puis sa haine, son désarroi. Il les avait autant aimé que détester. Aujourd'hui, il allait réconcilier son passé avec son présent. Il voulait que ça finisse. La douleur.
Il tapait les quelques chiffres sur le clavier tactile d'Ivy, et portait le petit appareil à son oreille. Lorsqu'il entendait la voix à l'autre bout du fil, une vive douleur mentale l'assaillit :
- Allô ? Allô ?
- ...
- Je ne connais pas votre numéro. Liam, c'est toi ? demandait la voix, anxieuse.
- Ouais, c'est moi.
- Mon amour, je suis tellement désolée, tu ne peux pas savoir ...
- Arrête avec tes surnoms débiles, tu sais que j'ai toujours détesté ça, répondait-il sèchement. Je sais que tu es désolé, mais est-ce que tu crois que ça va changer quelque chose ? Tu t'es foutu de ma gueule pendant sept mois et tu veux que j'oublie ?
- Je te demande pas d'oublier ... Liam ... Je veux que tu me pardonnes. Je sais que ça va être dur, mais à deux on peut y arriver.
- Ouais, on pourrait. Mais tu t'es posé la question de savoir si je voulais ? J'ai plus envie Emi'. J'ai suffisamment souffert avec toi, j'ai enduré tes coucheries super-médiatisées, j'ai enduré la honte ! Tu te rends compte que tu t'es affiché avec tes mecs alors que je fais partie d'un groupe très connu ? Tu t'imagines ce que les gens ont dû penser de moi ? Alors non, j'ai plus envie de perdre mon temps avec toi.
- C'est cette fille hein ? Elle t'a retourné la tête ! C'est beau, c'est mignon, c'est tout nouveau. Mais ça te passera vite ! criait-elle dans le téléphone. Tu te rendras compte que je te manque !!
- Non Emily, c'est pas la question d'une nouvelle fille. Je la connais même pas cette fille, arrête de te monter la tête ! C'est toi le problème Emi'. Faut que tu t'y fasse. Il faut que tu cesse de m'appeler. Ce sera mieux pour toi, et pour moi. On se fait trop de mal tous les deux.
- Je sais ... Mais je t'aime tellement. J'arrive pas à t'oublier.
- Tu ne veux pas m'oublier ... Je t'ai aimé, plus que ma vie. Mais il faut que tu passes à autre chose et que tu me laisse faire la même chose.
Il l'entendait acquiescer de l'autre côté du téléphone, et après s'être assuré qu'elle ne viendrait pas déranger Ivy, il raccrochait. Après quelques instants de réflexion, il reprenait le téléphone, et composait son propre numéro ...
*
Penser à son frère faisait très mal à Ivy. Elle n'arrivait pas à pleurer, tout ce qu'elle engrangeait restait terré au fond d'elle-même. Elle n'était pas sortie de l'hôtel depuis qu'elle était à Paris. Elle n'arrivait même pas à faire ce que son propre frère lui avait demandé. Profiter de la vie. La sonnerie horripilante du téléphone de Liam sonnait. Elle décrochait en voyant que c'était son propre numéro qui s'affichait.
- Liam ? Qu'est ce qu'il se passe ?
- Rien, je pensais qu'on pouvait apprendre à se connaître de vive voix ...
- Seulement si tu me raconte ce qui s'est passé avec la brune pulpeuse de ton téléphone ... ?
- En échange tu me racontes pour Noah et ton frère ?
Aucune réponse. Visiblement, il avait encore dit quelque chose qu'il ne fallait. Mais après quelques secondes, il entendait un léger "Ok". Soulagé à l'idée de ne pas l'avoir blessé, il commençait son récit.
- Mes amis m'ont ensuite proposé de partir en voyage, pour décompresser. Et je t'ai bousculé dans le terminal de l'aéroport. Voila. Alors, ce Noah ?
Elle attendait, respirant calmement, s'apprêtant à commencer son récit. Elle lui déballait tout. Comment son frère s'était engagé dans l'armée avec son meilleur ami, comment il s'était retrouvé en Afghanistan. Elle taisait les détails gênants, tel que les moments passés seule à angoisser de leur mort, les appels téléphoniques insupportables ... Elle concluait son histoire :
- Et si j'étais dans cet aéroport, c'est parce qu'il y a quatre jours, j'ai enterré Trevor. Il m'a demandé de vivre ma vie, de profiter, de faire le tour du monde.
- Tu es où, là ?
- Quoi ? Comment ça ?
- Tu es où ? Dis-moi où tu es !
- Paris, Montmartre.
- Prends l'avion pour Londres.
Il raccrochait. Seulement quelques instants après, le téléphone vibrait. S'affichait un message sur l'écran ou était écrit :
"Merci de m'avoir fais confiance. Continue. Prends l'avion. Je t'attendrais là-bas."
*
Elle n'allait pas y aller. C'était sûr. Elle s'était confié à un garçon qu'elle ne connaissait pas. Elle ne connaissait rien de lui, de ses intentions. Il allait peut-être la découper en mille morceaux, c'était peut-être un pervers, un malade. Elle n'en savait rien. Non, elle n'allait pas lui faire confiance. Mais dans un coin infime de sa tête, Trevor se terrait. Il la poussait vers ce garçon. Elle entendait une petite voix qui lui demandait de partir. "Vis à fond. Pars, fais lui confiance. Tu ne regretteras jamais."
*
Liam avait raccroché, le sourire aux lèvres. Il faisait tourner le téléphone entre ses doigts, réfléchissant à ce qu'il allait lui dire. Il avait lâché sa proposition de but en blanc. Mais il était sûr qu'il devait la rencontrer. Soudain, son attention se porta sur une application étrange, logée dans le téléphone de la blonde. Elle servait à conserver des documents volumineux.
Il cliquait dessus, et attendait qu'elle charge.
