V i n g t - c i n q
« Je suis venu te voir, parce que quand on réalise qu'on veut passer le reste de sa vie avec quelqu'un, on veut que le reste de sa vie commence le plus tôt possible. »
Trevor était installé au bar qui séparait la cuisine du salon. Il avait la tête entre les mains, et il soufflait fort. Il avait secrètement espéré que les retrouvailles avec sa soeur seraient chaleureuses et pleine de douceur. Au lieu de ça, il avait eu le droit à la haine et le sang. Il s'en voulait, bien évidemment. Mais il ne pouvait pas faire marche arrière. Noah ne disait rien, il se contentait de regarder son meilleur ami, le soutenant par un regard amical.
Ivy descendait les escaliers silencieusement. Elle avait laissé derrière elle Liam, dans sa chambre. Elle voulait affronter le regard de son frère seule. Ce même regard qui, il y a quelques temps, l'aurait rassuré. Elle avait peur de son frère désormais. C'était étrange. Tout était étrange. Sa rencontre avec Liam, sa découverte de Juliet, la situation ... Elle arrivait doucement dans la cuisine, ne sachant pas trop quoi dire.
Trevor se retournait brusquement, surpris de voir sa soeur aussi immobile près de lui. Il se délogeait de la petite chaise sur laquelle il était installé, et tendait les mains vers sa soeur :
- Ivy je ...
- Non. Quand j'ai vu ton cercueil sortir de cet avion, ils n'ont pas voulu que je te vois. Ils m'ont dit que tu étais méconnaissable, qu'on ne pouvait même pas dire que c'était toi tant ton visage avait été brûlé. On m'a dit que tu avais été brûlé à cause d'une bombe. Alors j'ai dû faire mon deuil sans avoir vu ton visage. Tu sais bien que c'est important pour les familles de voir le corps du mort. Moi j'y ai pas eu le droit. Je me suis retrouvée devant ton cercueil toute seule. Y'avait personne pour me soutenir. Y'avait que des gens que je ne connaissais pas, que des inconnus. J'ai souffert. J'ai enterré ma mère, mon père, et mon frère. Mais je me suis dis que tu étais sûrement mieux mort qu'en Afghanistan. Et c'est ça qui m'a aidé. Après, j'ai reçu tes lettres, et ça m'a fait du bien parce que je voyais que tu avais pensé à moi, et que tu voulais que mon bonheur. Mais j'avais tord.
- Non ! Tu n'avais pas tord ! J'ai pensé à toi chaque minute que j'ai passé là-bas ! Je suis désolé que tu ai eu à endurer toute cette horreur toute seule, crois-moi j'aurais aimé assister à l'enterrement de papa. J'ai également souffert beaucoup. Mais moi j'étais en plein combat, et ça m'aidait à oublier, pour un temps du moins.
- Pourquoi Trevor ! Pourquoi est-ce que tu m'as fais croire que tu étais mort ?
- Ivy, je ne t'ai pas fais croire ça ! C'est l'armée qui l'a fait ! Ils se sont trompés ! Ils ont fait une erreur ! Ça arrive à tout le monde Ivy ...
- Non, ça n'arrive pas à tout le monde, non. Cette putain d'erreur m'a tué ! Imagine, j'aurais pu me suicider ! J'aurais pu faire n'importe quoi à cause d'une petite erreur.
- Ivy ...
- Alors tu étais où tout ce temps ?
- . Tu veux que je te dise quoi ? Que j'ai été investi d'une mission de la plus haute importance ? Que j'suis un espion et que je devais infiltrer une grande organisation de terrorisme agfhane ? Non Ivy, j'ai pas eu de mission, j'ai pas été infiltré. J'ai été kidnappé par des rebelles afghans lors d'une mission de maintien de l'ordre. C'est tout. Ils avaient besoin d'un américain pour obtenir des faveurs, ils m'ont eu.
- Et ... Ils t'ont fait du mal ? disait-elle soudainement attristée par le sort de son frère.
- J'ai été torturé si c'est ce que tu veux savoir. Ils m'ont électrocuté, ils m'ont plongé dans l'eau, ils m'ont saigné. C'est la vie. Et je remercie Dieu tous les jours pour avoir eu la chance d'en avoir échappé et d'avoir pu te retrouver ! Si j'ai pas voulu te dire tout de suite que j'étais vivant, c'est parce que je savais que ça te ferait un choc, et que tu m'en voudrais. Je voulais faire ça petit à petit ...
- Mon Dieu, Trevor, je suis tellement désolée de m'être emporté après tout ce que tu as enduré. Je me sens stupide maintenant ...
Il prenait son poignet pour l'attirer à elle. Une fois dans ses bras, Ivy se sentait bien. Le torse puissant de Trevor lui avait terriblement manqué. Elle s'était toujours sentie mieux lorsqu'elle sentait ses muscles contre sa peau frêle. Elle réalisait tout à coup que sa vie était complète.
- Bon, si tu me montrais qui est ta soeur ?
- Tu vas l'adorer. Elle est tellement ... moi.
- Elle doit être belle.
[...]
Allongée sur le lit, Juliet était pensive. Elle s'imaginait comment était Trevor, s'il arriverait à l'apprécier. Elle s'imaginait ce qu'aurait été sa vie si elle avait grandi avec Ivy. Elle imaginait la tête blonde de sa soeur à trois ou quatre ans. Elle s'imaginait jouer à la corde à sauter avec elle, faire des gâteaux et s'en mettre partout, elle s'imaginait courir dans le jardin après sa soeur avec une bouteille d'eau ... Elle s'imaginait le passé et les souvenirs qu'elle n'avait jamais eu, et qu'elle n'aurait jamais.
Mais elle avait là l'opportunité de s'en créer de nouveaux, d'aussi beaux ...
- T'es toujours avec moi ? demandait Niall. Tu as l'air pensive.
- Excuse-moi, je me demandais comment était Trevor.
Niall était derrière elle, la jeune fille entre ses genoux. Ils s'étaient beaucoup rapprochés, à leur grande surprise. C'était étrange la façon dont ils s'étaient rapprochés à cause d'un manque d'affection. Juliet l'aimait bien, elle en était sûre. Mais elle avait peur que Niall ne s'intéresse à elle que temporairement. Elle n'avait pas besoin de souffrir ces temps-ci.
Il caressait ses cheveux d'or, et faisait des cercles avec son index sur son ventre. Un soupir de bien-être échappa à Juliet.
- Juliet ? demandait-on en frappant à la porte.
- Entre ! disait-elle en se relevant légèrement de Niall.
- Est-ce que ... tu voudrais qu'on fasse un tour pour apprendre à se connaître ? demandait Trevor.
- Allons-y ! disait-elle enjouée.
Elle lançait un baiser invisible à Niall et s'évaporait avec son nouveau frère.
[...]
- Je suis heureux que tu te sois réconciliée avec ton frère.
- Et moi que tu m'y ai forcé ! répliquait Ivy. C'est fou, non ? J'ai l'impression d'avoir besoin de toi tout le temps. C'est frustrant parce que on ne se connaît presque pas, ce n'est pas officiel entre nous, et on ne sait pas ce que va devenir notre relation ... Mais j'sais une chose. J'ai envie de rester près de toi. Je serais prête à m'installer en Angleterre si tu voulais de moi.
- Je veux de toi. Non c'est faux.
- Quoi ? Comment ça ? s'interrogeait Ivy, soudain anxieuse.
- Tu n'est pas ce que je veux. Tu es ce dont j'ai besoin.
Que pouvait-elle répondre à cela ?
- Je .. Je t'aime.
