Il y avait quand même plusieurs désavantages à sortir avec une fille comme Olenka. Cette fille était une beauté ambulante, et se balader avec elle dans la rue était un réel exercice de sophrologie. Matth devait se retenir d'aller casser la gueule du moindre type qui la regardait d'un peu trop près.
Olenka ne paraissait pas dérangée par ces regards appuyés, voire ces sifflements. Elle marchait fièrement aux côtés de Matth, ne calculant personne sur cette Terre si ce n'était son petit ami. Si cela faisait plaisir à Matth, il n'en restait pas moins agacé par l'impassibilité d'Olenka face à la situation.
« Olenka... Tu sais que je suis pour l'égalité homme-femme, tout ça... commença très maladroitement Matth. »
La blonde s'arrêta en effet aussitôt pour fixer Matth d'un air sceptique, comme si elle prévoyait les paroles du brun. Gêné, Matth poursuivit, ne sachant pas comment formuler ses pensées sans passer pour un sombre macho du onzième siècle :
« Mais... Tu pourrais peut-être, euh, t'habiller, autrement ? On va au lycée, quoi... Pas à au festival de Cannes. »
Comme d'habitude, Olenka se mettait sur son trente-et-un. Une minijupe en jean, des bottines à talons, un gros manteau en fourrure et un haut avec un décolleté un peu trop plongeant au goût de Matth. Sans parler de l'espèce de collant troué qu'elle avait mis ( « à résille », comme elle disait ). Bien sûr, Matth la trouvait magnifique, comme ça. Mais ça le dérangeait de n'être pas le seul à le penser. Il avait l'impression qu'il devait se battre contre la terre entière pour garder sa petite amie. Qui lui disait qu'un jour, elle n'irait pas voir ailleurs ? Elle avait au moins une dizaine de mecs qui n'attendaient que leur rupture pour foncer.
Olenka finit par éclater d'un rire sans joie.
« Et pourquoi je pourrais pas m'habiller comme je veux ? Je pense que si je veux mettre une mini-jupe au lycée, j'en ai le droit. Ça ne regarde que moi.
- On est dans un lieu public... tenta de se justifier Matth alors qu'il ne faisait que s'enfoncer et ressemblait à un CPE mal luné.
- Et-a-lors ? Ce genre de remarques me sort par les yeux. Souvent, elles sortent de la bouche de vieux Moyen-Âgeux avec trois cheveux blancs qui se battent en duel sur le crâne et qui disent « les filles vulgaires cherchent un peu le viol, quand même », au lieu de se concentrer sur l'éducation des garçons. Pourquoi chacun ne pourrait pas vivre comme il le souhaite ? Si ma façon de t'habiller te dérange, regarde ailleurs et fais pas chier. »Si Matth fut d'abord indigné par son insolence, après reflexion, il eut envie de se frapper la tête contre un mur tant il avait honte. Olenka avait raison, bien sûr. Il était tout à fait d'accord avec le moindre de ses propos. C'était la possessivité excessive de Matth qui avait parlé pour lui.
« Je suis désolé, s'excusa t-il. Je dis vraiment de la merde. Je m'inquiète juste pour toi... Tu sais, y'a des gens mal attentionnés, et... »
Olenka le coupa en l'embrassant doucement. Puis, elle s'écarta et déclara :
« Mais j'ai le meilleur des copains pour me protéger, pas vrai ? »
Matth sourit bêtement. Puis Olenka reprit un air sérieux.
« Matth, sérieusement, ce genre de remarques est vraiment déplacé. Surtout venant de toi. Je sais bien que ça part d'une bonne intention, que tu veux me protéger. Mais tu dois comprendre que tout ce que ça fait, c'est me sentir opprimée, encore plus. Ce n'est pas me protéger que de me dicter ce que je dois faire, d'autant plus que... Si un jour je tombe sur un fou qui veut m'agresser, que je porte une jupe ou pas n'y changera rien. Le problème est dans la tête des garçons, pas dans sales jupes des filles. Ce genre de discours, dire aux filles de ne pas s'habiller court, ça renforce tout ce qui entoure la culture du viol, indirectement. Ça met la responsabilité sur les femmes plutôt que sur l'éducation des hommes.
- Oula, carrément ? Euh, désolé, je me sens bête, je n'avais pas du tout vu les choses comme ça. Je me sens... Bête, alors que tu es tellement éduquée sur tout ça. »
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La terre était ronde
Teen FictionOlenka, les angoisses et le paraître. Matthias, les responsabilités et les faux sourires. Lili, l'arrogance et le mépris. Zoé, les blessures et la timidité. Anna, les doutes et la confiance en soi. Sam, les mystères et la solitude. Le lycée Jeanne...