Chapitre 1 - Désynchronisation

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PARTIE I

L'Asynchrone

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Jour de l'éveil

Une puissante chaleur, lourde, étouffante. Des flammes surgirent et se déchirèrent dans l'air sombre et irrespirable. Le monde semblait s'agiter dans tous les sens, flou, et des cris en fond sonore faisaient écho au grondement du feu. Tout s'embrouilla, la notion du temps se perdit ; tout accélérait ou ralentissait sans que les deux cadences ne soient différenciées. Face au brasier se découpa une silhouette déformée par la chaleur. On ne savait lequel, de l'ombre humaine ou du feu, contemplait l'autre. Derrière l'individu se trouvait le vide. Un vide profond sans fin. Que faire ? Prise d'un vertige, la silhouette se laissa tomber en arrière, plongeant dans les abîmes.

L'individu fut englouti par les eaux. Son corps remonta et flotta quelques instants à la surface, le temps d'entendre sa respiration et le bruit sourd du néant aquatique résonner dans le creux de ses oreilles. La personne sombra lentement sous l'eau, inconsciente. Sa chevelure se mouvait en une valse miroitante et révéla sa couleur dorée. Muée par le faible courant, sa dance mettait en valeur la féminité de sa physionomie.

Soudain, suffocante, elle reprit conscience et agita ses membres pour remonter à la surface. Mais le haut était indifférenciable du bas et elle se débattit, désorientée, jusqu'à ce que le manque d'air l'emporte. 

Un plongeon perturba le silence dans un flot de bulles d'air. La jeune fille sur le point de se noyer fut enveloppée par la vague ainsi que par les bras de la masse humaine qui s'y trouvait. Les deux corps remontèrent à la surface en prenant une inspiration intense. La panique continua d'animer la jeune fille qui gémit et battit des bras et des jambes, brassant l'eau dans un élan de détresse.

— Tout va bien, calme-toi ! lui assura l'homme en l'agrippant par les épaules pour la maîtriser.

Il planta ses yeux dans les siens et la força à soutenir le regard. Elle prit conscience d'être sauve, de ne plus être seule, abandonnée à la merci des eaux, et se laissa rassurer. Ils nagèrent jusqu'au rebord en pierre. L'homme sortit de l'eau et utilisa ses forces pour hisser la rescapée. Elle se laissa rouler sur le côté et sentit la terre ferme sous son corps.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? lâcha-t-elle à voix haute, perturbée.

Ses pensées se tournèrent soudain vers celui qui lui était venu en aide.

— Merci.

Il reprenait sa respiration en la fixant.

— De rien.

Elle le dévisagea. Il avait un drôle d'air. Ses sourcils étaient très expressifs, l'un arqué et l'autre froncé. Sa bouche était crispée pour expirer les efforts dont il avait fait preuve, et ses cheveux trempés dégoulinaient sur son visage aux traits marqués. Les paupières de la jeune femme s'alourdirent et elle les ferma, tombant dans un sommeil profond sous le regard de l'individu masculin. 

Un rayon de soleil chatouillant sa figure la réveilla. Après s'être redressée, elle constata qu'elle se trouvait toujours au bord du fleuve. Un bruissement derrière elle capta son attention. L'homme qui l'avait sortie de l'eau se dressait là. De grande taille, il la scrutait de sa hauteur avec des yeux d'ambre illuminés par le soleil, comme des taches de lumière entre les feuilles d'arbres d'automne. Ses cheveux séchés en bataille arboraient une couleur châtain. Des pommettes saillantes taillaient son visage empreint de ce drôle d'air d'où transparaissait une mystérieuse intelligence. Une seule question s'imposait dans l'esprit de la survivante :

Le Synchroniseur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant