Chapitre 8 - L'ombre dans le désert

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Vêtu du costume de la recrue envoyée par Hevy Kria, Dehr errait le long des terrasses à café de Korfen, la métropole des Synchroniseurs. À l'affût, il huma l'air d'une grande inspiration et expira. Aucun doute, Anna n'était plus ici, sur la planète Synchrone. Ses traces bifurquaient vers une ruelle avant de se volatiliser. Entre ses doigts, Dehr tenait une puce téléphonique, un bijou de technologie de Synchroniseurs, utilisable par télépathie. Il avait fouillé la mémoire de son ancien propriétaire – le jeune agent des forces de l'ordre inter-universel – pour en obtenir le code. Le coin de sa bouche s'étira en un sourire sournois.

***

Un rayon de lumière scintilla à travers le verre du pendentif d'Anna. Allongée sur le lit, la Terrienne le manipulait à la hauteur de ses yeux, songeuse. À la pensée de Dehr sous l'emprise de la folie, sa main vint au contact de son ventre. Oserait-elle le lui dire ? Du moins, arriverait-elle à lui parler avant de se faire tuer ?

Abigaël passa l'encadrure de la porte et se tint contre le mur.

— Tu vas l'aider à retrouver la raison ?

Honteuse de sa lâcheté, Anna fit non de la tête. Le nouveau comportement instable et meurtrier de Dehr la terrorisait, et cette peur l'empêchait d'aller lui faire face.

Soudain, son interprète automatique bipa et une petite lumière verte clignota sur l'écouteur droit. Surprise, l'Asynchrone appuya au hasard sur un des boutons de son casque. À part pour dormir et prendre sa douche, elle ne s'en séparait jamais. Le décalage entre les mouvements de sa bouche et sa voix était moindre. Cet appareil était une véritable merveille qui lui aurait épargné les cours de langue étrangère.

Un bruit parasite grésilla au creux des écouteurs. Perplexe, Anna se concentra pour repérer un quelconque autre son, sous les yeux attentifs d'Abigaël. Un timbre familier fit écho :

— Salut Anna. Heureux de savoir que tu n'es pas morte au bord d'un caniveau. Enfin, sans que j'y sois pour quelque chose.

Une sueur froide lui traversa l'échine.

— Dehr.

— Tu ne pensais tout de même pas que je n'aurais pris aucune précaution pour te contacter en cas de besoin.

— Que... Qu'est-ce que tu veux ?

— Je viens aux nouvelles. Apparemment, tu as réussi à te dégoter un accordeur inter-universel : je ne sens plus du tout ta présence dans ce monde.

Son rythme cardiaque s'emballa et la fit haleter. Malgré son « traitement » avec la prise du médicament de Dehr, il était encore capable de la pister, tel un cauchemar qui hante quelqu'un sous somnifère.

— Tu es chez ton amie l'Androgyne n'est-ce pas ?

Ses mains tremblèrent.

— C'était prévisible. Les agents à tes trousses vont surement partir sur cette piste aussi, vu qu'ils nous ont interceptés à cet endroit. Tu ferais mieux de partir au plus vite si tu ne veux pas te retrouver derrière les barreaux, ou pire, éliminée.

À bout, Anna s'apprêta à arracher son casque quand Dehr ajouta, comme devinant ses gestes :

— Une dernière chose, maintenant que j'ai été écarté, la personne responsable de tout ceci risque de pointer le bout de son nez. Fais attention à ce qu'il ne t'arrive rien, je tiens à en finir de mes propres mains.

Sans un mot supplémentaire, il raccrocha. L'interruption net du contact avait coupé le souffle à Anna, figée. Abigaël n'eut pas besoin d'entendre les propos du Synchroniseur pour les imaginer.

Le Synchroniseur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant