Chapitre 14 - Nouveau départ

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De lourdes chaînes servirent à attirer l'entité toxique au sol. Siltheris avait abdiqué face aux agents des forces de l'Ordre Inter-Universelles, non sans amertume. Dehr se savait maudit pour le restant de ses jours.

Une fois en contact avec la terre, la sphère creva et vomit toute la noirceur de son contenu. Le corps allongé d'Anna se distingua sous la couche visqueuse de pétrole.

 — Elle est là ! indiqua l'un des agents avec de grands signes de bras.

Le Synchroniseur confia sa cape recouverte de boue et de sang à Hevy. Plongeant ses bras dans la vase, il puisa ses forces pour en ressortir l'Asynchrone qui suffoquait. À genoux, elle régurgita une masse de liquide lui brûlant la gorge. Dehr la soutint en silence, une main compatissante sur son épaule.

— Amène-la sur Aê pour purifier son mal, ordonna Hevy en lui jetant un regard avant de continuer : et le tiens. Je m'occupe des formalités.

La reconnaissance du Synchroniseur se lut sur son visage. Avec douceur, il aida Anna à se remettre sur ses pieds. Il la soutint contre lui et actionna l'accordeur inter-universel d'Hevy.

Ils atterrirent au milieu d'une clairière bleutée, survolée de particules lumineuses. Aê. Un soleil blanc se couchait derrière une forêt de plantes grasses. Le sol, de consistance gélatineuse et bioluminescent, éclairait les deux individus de sa lueur diaphane. L'endroit était calme et la lumière bleutée de la terre apaisante. Des boules de gélatine se détachaient de la glaise pour errer en apesanteur vers le ciel, telles des bulles de savon. Sans prévenir, l'Asynchrone repoussa le Synchroniseur et s'isola quelques pas plus loin, recroquevillée sur elle-même.

— Anna ?

— Ne m'approche pas ! s'égosilla-t-elle.

Confus, Dehr essaya de comprendre :

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Laisse-moi !

Des marques et cicatrices noires tailladaient le corps d'Anna, couverte de suie. La peau le long de sa colonne vertébrale et entre ses omoplates était brûlée et la chair exposée à vif. Tremblante, elle protégeait contre elle son poignet cassé qui pendait douloureusement. Sa chevelure corbeau dégoulinait encore de pétrole et sur son visage ressortaient ses veines noircies. Elle apparut au Synchroniseur comme un animal blessé et effrayé.

— Tout va bien Anna, lui assura-t-il en portant un geste vers elle.

— Ne me touche pas !

Dehr sentit à quel point elle était abîmée. La télépathie lui permit de se frayer un chemin et de lui insuffler une douceur affectueuse, protectrice, pour la réconforter. Anna se laissa peu à peu envelopper par cette chaleur.

— J'ai tellement mal, hoqueta-t-elle.

— Je sais, murmura-t-il.

Il enleva sa chemise pour cacher sa nudité et ainsi, la rendre moins vulnérable. Les yeux baissés, Anna accueillit le vêtement sur ses épaules et entendit Dehr s'éloigner. Il y eut un froissement de tissu, suivi du bruit d'un plongeon.

La Terrienne releva la tête et aperçut un bassin octogonal à quelques mètres d'elle, délimité par des dalles de marbres et de hautes colonnes blanches. De dos, Dehr s'y avançait, s'immergeant un peu plus à chaque pas. Une fois engagé jusqu'au niveau des reins, il se tourna vers Anna et l'incita à le rejoindre d'un regard appuyé.

 — Tu peux... fermer les yeux ? souffla-t-elle. S'il-te-plait.

Il obéit sans protester. À l'abris de la vue du Synchroniseur, elle se redressa pour s'approcher du bassin. Son pied y plongea et s'appuya sur la première marche. La crasse noire se décomposa autour de sa cheville. L'eau purifia ses jambes et apaisa sa douleur à mesure qu'elle descendit les marches. Fascinée par ce phénomène, elle ne remarqua pas tout de suite les yeux ambrés de Dehr posés sur elle. Cette lueur d'automne qui la couvrait de tendresse lui fit monter les larmes. Elle se mouva vers lui pour trouver refuge dans ses bras, le front posé contre son torse.

Le Synchroniseur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant