Chapitre 15 - La chute de Sablon

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Les plaines désertiques de Sablon, mer de sable étendue à l'infinie. Les dunes de glaise à sillons blancs, beautés brutes et oniriques. La couleur ocre du ciel sublimait l'œuvre, parcouru de cirrus et orné de deux planètes froides. Ces terres arides du paysage martien étaient habitées de sentiments inexplicables. Un rêve oublié dont l'empreinte subsistait encore.

Les voyageurs se perdaient dans le désert. Sous le soleil brûlant, leurs traces de pas disparaissaient derrière eux, vite effacées par le vent et la poussière. L'air torride et à peine respirable emplissait leur poumon de sable. Le trio bravait ce rude climat sans se plaindre, les dents serrées. L'idée de retrouver Abigaïl aidait Anna à surmonter la douleur de sa gorge asséchée et du sable lui piquant les yeux. Dehr percevait ses pensées, trop intenses, qui pesaient sur lui autant que la canicule. De son côté, Owtone se convint de ne pas regretter son choix de tuteur. Cette excursion promettait d'être longue.

La façade d'une ville apparut à l'horizon, au grand soulagement des trois voyageurs. Les édifices devinrent plus distincts. Malgré la chaleur, un frisson parcourut Dehr et le poussa à dire :

— Il y a quelque chose d'anormal.

De la ville émanait le même silence que celui régnant sur le désert. Pas la moindre trace de vie. Les bâtiments – ou ce qu'il en restait – semblaient disloqués, à moitié détruits. La cité était figée, terne. Morte. Ils déambulèrent entre les habitations désertées avec prudence, par peur de perturber le cycle de décomposition qui régissait la ville. Sous le joug de la peur, Anna demanda :

— Que s'est-il passé ?

— Je n'en ai pas la moindre idée, répondit Derh. Ça ne ressemble pas aux dégâts que provoquent les enfants de Siltheris. Peut-être la cause d'une tempête de sable...

L'absence de population ou de cadavres interpellait le Synchroniseur. Il se reprit :

— Une violente tempête de sable.

Owtone était sur la même longueur d'onde :

— Où sont passés les habitants ?

Accroupi, Dehr tata le sol recouvert d'étranges tas de sable par endroits. Une pincée de poussière s'écoula entre ses doigts. Son intuition ne l'avait pas trompé. Ces amas n'étaient pas que de simples monticules de poussière.

— Des cendres, siffla-t-il entre ses dents dans sa langue maternelle.

Anna devina ses mots à son attitude grave et au visage d'Owtone devenu blême. Le Synchroniseur se redressa et s'avança, solitaire, vers les bâtiments. Il ressorti d'un ancien magasin d'électronique avec un interprète automatique. Le casque trouva sa place sur la tête de l'Asynchrone, perdue dans ses pensées.

— Anna.

Prenant son visage en coupe, Dehr la força à détourner le regard des cendres humaines. Le contact visuel ambré lui permit de reprendre ses esprits. Sans un mot, elle activa son casque.

Le calme dont faisait preuve Owtone respectait la conduite digne d'une Synchroniseur. Leur éducation les formait à être observateurs des univers. Le droit d'intervenir appartenait à l'Ordre Inter-Universel et aux chasseurs d'ombres. Les autres devaient accepter le reste. Déterminée à passer dans le camp adverse, Owtone aspirait à devenir plus qu'une simple spectatrice.

Une plateforme de transport fonctionnelle leur permis de partir à la recherche d'une autre ville. Le paysage désertique défilait. Assise en boule, Anna se coupait du monde. Sa chevauchée avec Morgan lui revint en mémoire. L'irruption d'Owtone dans son espace personnel interrompu le fil de sa pensée. La curiosité de l'étudiante à son propos la poussa à poser une série de questions sur son univers d'origine, sa désynchronisation et Siltheris. Anna s'efforçait de répondre au mieux par le biais de son interprète automatique :

Le Synchroniseur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant