Chapitre 16 - Âme en peine

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La Terre. L'une des plus belles planètes qu'ait visité Dehr. Il reconnut la ville où il se trouvait. La rue principale était abandonnée, murée dans le silence, sans le moindre piéton ou coup de klaxon. Aucun nuage ne salissait l'azur du ciel dégagé. Le Synchroniseur se plaça au centre de l'intersection, sur la route bétonnée, entre les passages cloutés. Son regard se posa sur le haut de l'immeuble où sa vie avait pris un tournant, un sens. Un lieu empreint de souvenirs devenus douloureux. Un sentiment de mélancolie l'envahit.

Il sentit une présence dans son dos. Une présence familière. Anna. Les yeux gris de l'Asynchrone le fixaient avec intensité. Dehr en eut le souffle coupé.

— C'est toi... Anna ? C'est bien toi ? Je...

Un bruit de gouttes teinta. De l'encre noire s'écoulait le long du visage de la jeune femme. La peur monta à la gorge de Dehr. L'attrapant par le bras, sa main se colla à une peau visqueuse. Autour d'eux, le décors se tordit sous une tension pesante, comme attiré par le sol sous l'effet d'une gravité amplifiée. Les bâtiments se déformèrent jusqu'à céder à la pression de l'air. Les bâtisses se disloquèrent de façon saccadé. Le goudron se mit à fondre. Anna dégoulinait en une cire noire. Son expression restait figée.

***

Encore en proie à la terreur de son cauchemars, Dehr reprit sa respiration, le front et le tee-shirt trempés de sueur. Il se leva pour se passer de l'eau sur le visage. Dans la glace, il affronta son reflet d'un air hagard : un homme aux yeux vitreux, tourmenté, les traits du visages tirés par la fatigue et la tristesse. Un sentiment de culpabilité le hantait depuis la mort d'Anna. Prit d'un profond soupir, il s'appuya contre l'évier, la tête baissé, abattu.

Une sensation subite lui prit les tripes. La présence d'un fils des ténèbres pesait à en faire frémir la moindre parcelle de sa peau. Le Synchroniseur déboula dans la rue déserté de Korfen, au pied de son immeuble. L'air glacé de la nuit lui mordit le visage. Le nuage de buée formée à chacune de ses expirations venait se mêler à la brume l'entourant. Le brouillard épais avalait le haut des immeubles et la faible luminosité des lampions ne changeait en rien le manque de visibilité. L'absence d'autres de ses confrères l'interpella. Que personne à part lui n'ait perçu la présence d'une créature d'ombre paraissait étrange.

Les sens en alerte, Dehr inspecta les alentours. Une silhouette se découpa dans l'ombre et attira son attention. Un pas après l'autre, l'individu sortit du brouillard. Son identité surprit le Synchroniseur.

— Morgan ?

— Tu as une sale mine Dehr, entonna le fils des ténèbres. Tu ne dors plus ?

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Anna...

Prononcer son nom lui coûta. Il retint sa voix de trembler et continua :

— Elle m'a dit que tu étais le prisonnier d'Edas.

— C'est le cas. Tu sais Pourfendeur, la seule chose à laquelle j'ai aspiré toute mon existence, c'est la liberté. Je ne l'ai jamais obtenue. D'abord enchaîné à Anna, maintenant à Edas, j'ai toujours été le prisonnier de quelqu'un. Mais au moins Anna ne me manipulait pas.

Il finit plus bas d'un air pensif :

— C'était plutôt le contraire à vrai dire.

Ces paroles plongèrent Dehr dans une colère noire. Son sang se mit à bouillir et son poing se serra à en faire craquer ses articulations.

— Ok j'ai compris, t'as toujours été la chienne de quelqu'un ! Si tu es venu me voir pour que je te bute et te libère de ce fardeau, tu as bien fait.

— Je viens te demander de l'aide.

Cette requête lui valut un éclat moqueur de la part du Synchroniseur.

Le Synchroniseur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant