Chapitre 5 - Androgyne

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La nuit dura quelques heures, aussi courte que la journée. Les événements récents avaient plongé Anna et Dehr dans un profond sommeil de plusieurs jours. Une conversation animée entre les arbres les réveilla ; le soleil ne se couchait plus, sautant par déjà deux fois le tour de la lune. Des débuts de sècheresse commençaient à se faire sentir. Comprenant la cause de ce phénomène – la présence de l'Asynchrone –, les deux voyageurs utilisèrent l'accordeur inter-universel pour quitter l'étrange faune ocre d'un coup de vent.

***

L'énergie de la machine troublant le brouillard se dissipa. Dehr tourna la tête et cria :

— Baisse-toi !!

Tirée par le bras, Anna se retrouva à ras du sol. Au-dessus d'eux, des pluies de balles sifflaient. Des coups de feu, des détonations et des projectiles explosaient de partout. Des hommes armés et équipés d'uniformes rouges sang tombaient les uns après les autres.

— Je savais qu'il y avait des tensions ici, mais pas au point de déclencher des conflits, grinça Dehr.

Au milieu de ce champ de bataille, le duo se cacha de la vue des soldats dans les nuages de poudre. Derrière un amont de terre, le Synchroniseur saisit son amie par les épaules, encore sonnée, et l'avertit :

— Anna, on doit quitter cet endroit tout de suite. Ces deux voyages à la suite risquent de te ruiner la santé mais c'est préférable à la mort quasi certaine qui nous attend ici, excuse-moi d'avance.

Sur ce, sa montre encore en main, il la calibra à nouveau et la réenclencha.

***

Ils furent transportés dans une ruelle étroite, entre deux hauts bâtiments oppressants. De la vapeur, accompagnée d'une odeur chaude de nourriture, s'échappait d'une fente horizontale creusée dans le mur crasseux adjacent. Anna eut un haut-le-cœur et la bile lui monta à la gorge. Elle eut juste le temps de faire un pas sur le côté pour ne pas vomir sur les chaussures du Synchroniseur. Celui-ci grimaça face à la Terrienne secouée par les spasmes de son estomac.

— Ça va aller ?

Un bruit de dégobillage lui répondit, lui arrachant un froncement de sourcil, et il tordit sa bouche, l'air compatissant. Entre deux spasmes, Anna lui montra sa face cadavérique couverte de poudre à canon. Il comprit qu'elle était vraiment mal en point.

— Reste ici.

Jetant un coup d'œil hors de la ruelle, il partit en éclaireur.

La population abondait, bien singulière ; on ne pouvait pas différencier les hommes des femmes. Tous avaient des caractéristiques physiques des deux sexes : de larges épaules, une taille fine et gracieuse, une poitrine plate... Le plus marquant étaient leur visage unisexe, à la fois féminin et masculin. En costard noir avec des talons hauts carmins ou en jupe avec le crâne rasé... Aucun indice ne pouvait faire pencher la balance plus d'un côté que de l'autre. Le seul élément à peu près déductible était leur âge.

À l'aide de ses capacités psychiques, Dehr repéra une personne d'un certain âge susceptible de leur venir en aide. Il vint à sa rencontre et, après lui avoir expliqué la situation succinctement, l'Androgyne accepta de l'accompagner rejoindre son amie.

À la vue de son corps étendu au sol, Dehr se précipita et vérifia son pouls et sa respiration. La sueur perlait à grosses gouttes sur le front de la malade. Grâce à son pouvoir télépathique, le Synchroniseur s'aperçut qu'elle était en plein délire. Avec l'aide de l'Androgyne, ils la transportèrent jusqu'à chez leur bienfaiteur.

Le Synchroniseur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant