Chapitre 6 - Forces de l'ordre inter-universel

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Deux mois avant le jour de l'éveil

Des chaussures noires bravaient le goudron un pas après l'autre. Le mauvais temps incitait à ne pas mettre le nez dehors. Solitaire, le Synchroniseur déambulait dans les rues terriennes. Quelque chose de néfaste menaçait l'équilibre de ce monde. Son instinct le guidait à la recherche de la source responsable de ces distorsions de l'espace-temps. Cet étrange ressenti l'avait attiré depuis un autre univers. L'attraction était trop forte. Il devait découvrir de quoi il s'agissait et s'en débarrasser avant que la Terre ne s'effondre.

Sous les nuages noirs menaçants, il détecta le point précis de la source. Celui-ci provenait du sommet d'un immeuble en construction. Une fois arrivé sur le toit inachevé du bâtiment, Dehr inspecta les alentours. Un grondement perfora le ciel au moment où ses yeux se posèrent sur une silhouette au loin. La pluie se mit à tomber. La silhouette, dos à lui, resta statique, indifférente à l'eau qui ruisselait sur sa peau. Se rapprochant avec prudence, le Synchroniseur essaya de mieux la distinguer. Aucun doute, cette personne était la source de son ressenti. Elle se tenait sur le bord d'une poutre suspendue au-dessus du vide.

Il interpella l'individu. Dans un flot de cheveux blonds, une jeune fille à l'aura envoûtante fit volte-face. Son envie de s'en débarrasser s'évanouit. Le danger qu'elle représentait la rendait encore plus intrigante. Ses pupilles étaient profondes, comme deux galaxies. Le tonnerre retentit. Sous la pluie, ils se dévisagèrent. Un instant perturbé par cette vision, il ordonna :

— Descends de là, c'est dangereux.

— C'est tout l'intérêt.

Déstabilisé par le comportement de cette Terrienne, il humecta ses lèvres avant de dévoiler un sourire amusé.

— Fais comme tu veux, admit-il. Je comprends tout à fait cette excitation grisante qu'est le danger.

Pour appuyer ses dires, il s'avança sans crainte sur la poutre dans sa direction. Cette réaction inattendue plut à la jeune femme.

— Viens, intima le Synchroniseur, la convainquant de descendre avec lui sur le toit de l'immeuble.

— Tu t'appelles comment ?

— Dehr, et toi ?

— Anna.

— Ravi de faire ta connaissance, Anna.

Ne pouvant résister à l'envie de connaitre son impression sur lui, il lut dans son esprit. Elle lui trouvait un drôle d'air. Contre toute attente, cela le rendait irrésistible. Ce fut réciproque. Trempés par l'averse, ils s'échangèrent un sourire.

***

Les cris alertèrent Abigaël. Dans la cuisine, elle vit Anna tenant Dehr dans ses bras, inconscient.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!

— Je ne sais pas, il a parlé d'un poison et s'est effondré !

À deux, elles déposèrent le corps de l'homme sur le carrelage. Les doigts de l'infirmière prirent son pouls.

— Son rythme cardiaque est faible.

— Il va mourir ?

Incertaine, elle s'abstint de répondre. Un sanglot jaillit de la gorge d'Anna. Dehr était mourant, il le savait et avait tenté de le lui dire la veille. C'était inconcevable. Le temps passé ensemble avait été si court et si rapide. Ses mains autour de la sienne, Anna fixait le visage pâle du Synchroniseur dans l'espoir d'un miracle.

Sa prière fut entendue. Le cœur du Synchroniseur pulsa par à-coup et reprit vie. Émergeant de son inconscience, il ouvrit les yeux, le regard figé. L'atmosphère refroidit. Une sueur froide parcourut l'échine d'Anna. D'instinct, elle recula avec lenteur, imitée par Abigaël. Basculant le poids de son corps, Dehr se mit en appui sur ses coudes en grommelant. L'éclat automnal de ses yeux d'ambres s'était éteint, remplacé par un froid sec d'hiver. Une pointe d'inquiétude dans la voix, Anna demanda :

Le Synchroniseur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant