Chapitre 6

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Le lendemain de l'accident, Lucille, après une soirée de larmes et une nuit presque blanche d'inquiétudes, toutes plus grandes les unes que les autres, se décida enfin à téléphoner à sa tante Aline pour lui faire part du sujet qui a voilé sa vie en noir depuis hier. Celle-ci lui dit tristement qu'elle avait lu la nouvelle dans le journal, l'article ne mentionnait pas clairement, par contre, l'état d'Amédée Patenaude, car il n'avait pas été le seul à avoir été blessé. Lucille, soupirant, les yeux pleins d'eau, lui demanda si elle voulait bien la mener à l'Hôpital Sacré-Cœur de Montréal. Sa tante accepta sans hésiter et, quelques minutes plus tard, Lucille se retrouvait dans sa voiture, en direction de l'établissement hospitalier.

L'automobile stationnée, Lucille descendit prestement et couru vers l'escalier, monta les marches quatre à quatre pour atteindre l'entrée principale. Elle dû s'écarter pour laisser passer un vieil homme poussant sa femme sur une chaise roulante. Lucille cria intérieurement, refusant de s'imaginer qu'Amédée pourrait se retrouver à la place de la femme et elle, de l'homme. En rentrant dans le rez-de-chaussée, elle se dirigea vers le bureau de la réceptionniste, et manifesta sa présence par un «Excusez-moi, madame ?». La femme releva la tête de ses papiers, puis la fixa en lui demandant :

-C'est pour vous ou pour une visite?

-Pour une visite... Je viens voir mon mari, Amédée Patenaude.

-Ah oui, je me souviens quand il est arrivé hier...C'est au second étage, la chambre 210, lui dit-elle en notant le numéro de téléphone de l'urgence, au cas où il se passerait quelque chose de fâcheux.

Lucille la remercia et courut vers l'ascenseur. Il s'était ouvert au bon moment. Elle prit cette manifestation pour la présence réconfortante du Très-Haut, qui allait l'aider à surmonter l'épreuve difficile des prochaines minutes, car elle savait qu'elle allait craquer.

Elle finit par atteindre la porte de la chambre 210. Elle rentra sans faire de bruit. Plusieurs lits étaient disposés sur les côtés, chaque tête placée en direction du mur. Au fond, Lucille vit que des rideaux avaient été tirés. Son instinct lui disait de s'y diriger. Peut-être qu'il était là. Elle tira les rideaux blancs comme un mort, puis ce qu'elle vit la figea sur place. C'était lui. 

Il avait les bras et une jambe entourés d'une gaze blanche. En-dessous, on pouvait voir un bandage qui semblait être dur comme la pierre. En laissant son regard parcourir le corps meurtri, elle regarda le visage éraflé. Amédée était toujours aussi beau, les yeux fermés, la bouche légèrement entrouverte. Il lui prit une envie de l'embrasser, ce qu'elle fit, un petit baiser bien simple, mais qui prouva tout l'amour qu'elle ressentait pour lui. Elle se mit à pleurer. Tout haut, elle affirma qu'elle n'allait jamais le quitter et qu'elle allait l'aider à passer à travers les épreuves des prochaines années. 

Une vie de tourmentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant