Chapitre 10

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Elle fit un rêve particulier cette nuit-là. Des éléments de bonheur et de malheur s'entrecroisaient curieusement : sa grosse famille, Roméo et sa violence, son départ de Jonquière, son arrivée à Montréal, le parc Belmont, Amédée... À ce passage, elle se réveilla en sursaut. Son dos reçut une décharge de frissons. Elle était parvenue à étendre son rêve jusqu'à lui. Qu'elle avait été heureuse durant leurs premiers mois de fréquentations et son mariage avec lui avait été le plus beau jour de sa vie ! Dame Lucille G. Patenaude... Ça aurait été beau...

Se dégageant rapidement de cette rêverie nostalgique, elle se redressa, encore engourdie par la position de sommeil qu'elle avait adoptée. Un rayon de soleil parcourut la chambre et s'arrêta pour embrasser à grandes effusions le visage de Lucille, revigorée par une longue nuit d'inertie. Aujourd'hui, elle avait un but précis : se rendre à la prison de Saguenay pour voir si ce qu'elle avait entendu de la bouche de ce barman de la rue Principale était véridique. Lucille se doutait qu'elle risquerait gros à aller dans ce lieu débordant de péchés et de châtiments. Mais elle était si déterminée que rien ne pourrait l'arrêter.

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Arrivant dans la salle d'attente de la prison de Saguenay, Lucille fut rapidement interceptée par un homme d'une quarantaine d'année qui lui demanda ses nom et prénom. Elle les lui révéla sans aucune crainte, malgré l'atmosphère lourde régnant dans la pièce, puis mentionna qu'elle voulait communiquer avec son oncle Roméo Gravel. L'homme acquiesça. Le barman joufflu avait eu raison d'écouter la personne qui lui avait communiqué cette information. Un des gendarmes postés devant les entrées menant aux cellules des prisonniers se proposa d'accompagner la jeune femme à travers les dédales du lieu de détention. Après avoir maintes et maintes fois traversés des couloirs presque tous identiques et avoir croisé des détenus tous plus menaçants les uns que les autres, ils s'arrêtèrent finalement devant une grille. Derrière les barreaux, un homme était accroupi au sol, ses jambes repliées sur sa poitrine. Lucille sentit son cœur battre très fort, il venait de recevoir une hausse d'adrénaline. Elle le regarda. C'était bien Roméo. Elle le reconnaissait à sa moustache caractéristique. Le gendarme se racla la gorge pour attirer son attention. Le subterfuge marcha et l'interpellé leva la tête. Lorsqu'il vit sa nièce, l'homme se raidit.

-Je vous laisse entre vous, dit le chef de l'ordre avec autant de sérieux que son métier le lui permettrait.

Et il partit, laissant Lucille entre les mains de son destin et des dires de son oncle. 

Une vie de tourmentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant