Savior

L'apparition de la mort

Nous arrivâmes devant le lycée et nous passâmes les grilles. Nous traversâmes la cour et montâmes les escaliers. Trois étages. Comme si ça ne pouvait pas aller plus mal. Nous parcourûmes le couloir rempli d'élèves et nous entrâmes dans la classe. Nous nous plaçâmes à nos places habituelles, au fond de la classe. Agis normalement, putain, allez, tu peux le faire. Mais plus j'essayais, plus je me rongeais les ongles, plus je transpirais et plus je déglutissais. Je ne pouvais pas continuer comme ça. Il fallait que je me calme et que je trouve une solution pour survivre quand je serais partie. Où me loger, où trouver de l'argent, tout ça. Je n'avais plus rien sur mon compte, j'avais tout utilisé pour déménager la première fois et m'installer ici. Putain mais quel merdier...

« - Elena !

- Hein, oui, quoi ?

- Je te parlais...

- Mince, désolée Taka, j'étais perdue dans mes pensées...

- J'ai vu ça... » Répliqua-t-il d'un air de reproche.

Je le fixai sans rien dire. Ses yeux noirs étaient largement cernés et il avait le teint pâle. En somme, il ressemblait à un personnage de Tim Burton vivant.

« - T'as encore fait un cauchemar, hein ?...

- ... Ouais. Finit-il par répondre.

- Pourquoi tu n'es pas venu dans ma chambre ?

- Je voulais pas te déranger. »

Depuis que je m'étais installée à l'appartement, j'avais été celle en qui Taka avait le plus confiance, malgré le fait qu'il vivait avec Ryota et Tomoya depuis près d'un an. Il faisait des cauchemars régulièrement et la première fois qu'il était venu me trouver, il avait eu un air tellement effrayé sur le visage que j'avais tout de suite accepté qu'il reste dormir. Attention, en tout bien, tout honneur ! Chacun de son côté et tout ça ! Mais cela arrivait régulièrement. Et jamais, il n'avait voulu me dire ce que contenaient ses cauchemars. Cependant, j'avais une petite idée...

« - Tu ne me déranges jamais, Taka. Répondis-je doucement.

- Ouais mais... »

Il hésita.

« - Laisse tomber. Renonça-t-il.

- Quoi ? Quel est le pro- ? »

Un brouhaha monstrueux coupa ma question. Le professeur venait d'entrer avec un élève sur ses talons. Oh joie, un nouveau. C'était un sarcasme, évidemment. Il était mignon en plus, les pintades de ma classe n'allaient pas cesser de piailler pendant une semaine. Des yeux noirs, forcément, des cheveux blonds presque blancs, moins commun tout de suite, et un visage fin. Mais un regard froid comme la glace. Et, que le ciel me vienne en aide, je connaissais ce regard. Il y a de ça trois ans, j'avais le même. Et ce visage n'était autre que celui de la mort personnifiée.

Yamashita Toru.

Plus communément appelé La Mort. Et à juste titre. Et La Mort venait de me repérer. Son regard était posé sur moi, me fixant, me transperçant comme l'aurait fait une balle de flingue. On dit souvent dans le milieu qu'on devient petit à petit son arme de prédilection. Il ne faisait que confirmer la règle. J'étais pétrifiée. Il était là pour moi. Et ça mettait en l'air tous mes plans car il venait de détourner ses yeux pour les poser sur mon voisin. Bordel. Alors comme ça, j'étais coincée ? Ce mec avait une mémoire ahurissante, il n'oublierait pas le visage de Taka comme il n'avait pas oublié le mien. Je ne pouvais donc pas partir et le laisser sans protection. Il était comme une souris qui ne sait pas que le chat l'a repérée et qu'il va commencer sa traque mortelle. Au risque de me répéter... Quel merdier.