Le 13 Octobre, 07h22
Maxine,
Notre jolie maison commence à se transformer en un affreux capharnaüm. Je n'ai la force ni de ranger ni de nettoyer.
Il pleut à verse aujourd'hui, bonne raison pour ne pas sortir – j'en trouve une nouvelle chaque jour. Je préfère étouffer à l'intérieur de mon antre puisque l'on m'interdit de partir à ta recherche.
Je n'ai rien avalé depuis hier matin et je n'en ressens pas le besoin, toute faim a quitté mon corps.
Le travail m'a appelée. Je serai licenciée si je ne demande pas d'arrêt maladie. Je n'ai rien à leur fournir, je ne suis pas malade. Ils se fichent complètement de la situation. Eh bien, qu'ils me virent ! Je ne comptais pas y retourner de toute manière. Tu sais bien que depuis plusieurs mois je ne supportais plus cette exploitation. Je réfléchissais à me replonger dans l'écriture et essayer d'en tirer quelque chose, or je ne suis plus si sûre d'en avoir encore le courage.
Ce courage et cet espoir perpétuel qui me définissent s'amenuisent au fil des jours, des heures, des minutes qui passent. Le temps s'étire de façon interminable en me vidant de ma vitalité, et je suis impuissante face à son irréversible immensité.
Le déluge s'abat à l'extérieur. Des gouttes violentes explosent contre les vitres, le vent tente de renverser la maison en hurlant, les éclairs ne sont que l'expression visuelle de la rage du tonnerre.
J'ai l'impression de me trouver dans un refuge paradoxal : ici, je suis en sécurité, pourtant je n'ai aucune issue.
Je ne parviens ni à dormir, ni à rester éveillée. Mes nuits sont hantées par ton doux visage et mes jours sont la fatigue de mes insomnies. Mon esprit n'est plus qu'un inextricable mélange de bribes d'idées sans aucune connexion les unes avec les autres, dans lesquelles je m'engouffre, me perd et reste coincée. Elles m'empêchent de penser clairement.
J'enchaîne les crises avec de plus en plus de mal. On ne cesse de me répéter de ne pas rester seule, or on me laisse seule. Mais je comprends. Maman doit rester auprès de papa. Shannon et Dana ont leur vie de famille. Sacha vit à des milliers de kilomètres d'ici, elle m'appelle déjà tous les jours. Des collègues, dont je me fiche complètement, m'apportent des fleurs et leur soutien, mais c'est tout ce qu'ils sont capables de m'apporter. C'est normal, les gens continuent à vivre, ton absence n'empêche pas la Terre de continuer sa rotation. Ça n'a pas d'importance. C'est même mieux ainsi. Mon influence pourrait les déprimer et leur enlever ce qui leur reste de vitalité. Je ne conseille cet état à personne.
Je te disais donc que mes crises d'angoisse sont éprouvantes. J'en fais au moins une par jour, parfois plus lorsque j'angoisse à l'idée d'en faire... C'est complètement absurde, je sais, mais je ne contrôle rien. Lorsque je suis dedans, je n'arrive pas à réfléchir aux moyens de me calmer. C'est ce que tu avais l'habitude de faire, je pouvais compter sur toi dans ces cas-là. Tu savais comment m'aider, ce qu'il fallait me dire, ce qu'il fallait me faire écouter, ouvrir la fenêtre pour me laisser respirer. Or maintenant je suis seule. Et je suis dans un tel état de chaos intérieur que je ne parviens pas à m'apaiser par moi-même.
Si seulement tu pouvais revenir... si seulement je pouvais te faire réapparaître, comme ça, comme par magie...
Je ne pourrai pas aller mieux tant que la lumière n'aura pas été faite sur ta disparition. Une partie de moi s'en est allée avec toi. Une partie essentielle. Une partie sans laquelle je me trouve dans l'impossibilité de vivre.
Désormais, toutes les fenêtres restent closes.
Dans le (dés)espoir de te retrouver.
Lou
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General FictionMaxine a disparu. Lou, désespérée, lui écrit des lettres. [1ère tentative épistolaire. N'hésitez pas à commenter pour me dire ce que vous en pensez]