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°Point de vue de Miku°

Quelques jours plus tard, me voilà dans la salle de physiothérapie. Les médecins m'ont dit que j'avais repris assez de forces pour essayer de recommencer à marcher. Le physiothérapeute présent dans la pièce a son crayon à la main, près à prendre des notes de mes premiers pas. Assise sur la chaise roulante, face à ces deux longs poteaux sur l'horizontale, je bloque. Relever le défi me semble impossible.

Mon regard se baisse sur mes jambes. Comment vais-je faire ? Ils me semblent qu'elles ne me répondent pas. Je veux marcher. Je veux qu'elles bougent...

Oh, comme je veux voir Lenka... et Len. Il m'a dit qu'il ne voulait pas qu'elle me voit dans un tel état. Est-ce normal pour une mère de vouloir voir sa fille chérie ? De vouloir la serrer dans ses bras ? Len pense que c'est mieux pour notre fille qu'elle ne voit pas sa maman incapable de se déplacer toute seule.

Lenka... Je suis désolée d'avoir perdu ton petit frère ou ta petite soeur... Je pose ma main sur mon ventre, encore brisée de cette nouvelle. Il y avait un bébé là... J'essuie mes yeux mouillés et relève la tête vers les barres de métal.

- Il n'est pas nécessaire de marcher dès le début, m'informe le spécialiste. Réussir à vous tenir debout serait un bon début.

Je hoche la tête en guise d'approbation. Désormais, même mes mains ne veulent pas m'écouter. Je ne trouve pas la force de les lever pour prendre les barres dans mes doigts. Comment puis-je faire si j'ai peur ?

J'ai peur d'échouer.

J'ai peur de tomber.

Le physiothérapeute se dirige vers la porte alors que je couvre mon visage de mes mains sous la peur. Je sanglote contre mes doigts. Je ne peux pas le faire ! J'ai trop peur ! Je vais tomber !

Une main chaude se pose sur mon épaule. Elle me procure une chaleur réconfortante, que je pourrais reconnaître entre mille. Entre mes doigts, je croise le regard bleu électrique de mon époux. La première fois que je l'ai revu, il avait d'horribles cernes. Aujourd'hui, son visage est lumineux et ses yeux brillent de plus belles.

Prisonnière de ma peur, mes bras s'allongent pour le prendre dans mes bras pendant qu'il me murmure que tout va bien. Il essuie mes larmes et se lève devant moi. Il prend mes mains et les installe sur les barres de chaque côté de lui. Il m'offre un joli sourire avant de m'encourager.

- Tu peux le faire, Miku. Pour Mikuo, pour Lenka, pour moi... et pour toi.

Il me tapote gentiment le bout du nez et s'éloigne de quelques petits pas pour me laisser tenter une fois de me lever.

Allez, Miku. Pour ta famille. Tu peux le faire.

Je crispe mes doigts sur les barres de métal. Il est un peu froid. Je prends une bonne inspiration et m'entraîne vers le haut, essayant de bouger mes jambes pour une fois. Il me semble qu'elles réagissent. Pendant une fraction de seconde, je sens mes pieds toucher le sol. Pendant l'autre fraction, des fourmis envahissent mes membres inférieurs et les engourdissent. Mes jambes se plient violemment contre ma volonté, me surprenant et me faisant perdre l'équilibre.

Je tombe vers l'avant, me faisant aisément rattraper par Len, qui a un doux sourire sur son visage.

Mes mains sur ses bras, j'essaie tant bien que mal de me dégager et être debout, mais les fourmis dans mes jambes me chatouillent jusqu'aux bouts de mes orteils. Impossible de me sortir de cette situation par moi-même. Len me ramène les mains aux barres et pose rapidement ses propres mains sur ma taille. Mes doigts serrent très fort les barres, sans que mes jambes ne veulent réagir.

Je veux réussir ! Cependant, mes jambes aussi molles que des spaghettis al dente me font défaut et je me laisse donc tomber sur la chaise roulante. Je plaque mes mains contre mon visage à nouveau et pleure contre mes doigts. Mes larmes coulent, mais je les laisse aller. Comment est-ce que ça peut être aussi dur ? Je veux juste marcher, utiliser mes jambes !

*-*-*-*-*-*

-  Madame Hatsune, vous avez de la visite.

L'annonce de l'infirmière ne réussit pas à faire dérober mon regard de la fenêtre qui me dévoile l'extérieur. Cela fait déjà un peu plus d'une semaine que j'essaie de marcher. Rien ne va. Rien ne fonctionne. Tout ce que j'arrive à faire en tentant de me lever, c'est tomber lamentablement. Malgré que Len n'arrête jamais de m'encourager, j'ai perdu espoir.

Que puis-je faire si mes jambes ne m'obéissent pas ? La réponse, c'est absolument rien du tout. Je ne peux pas marcher, c'est impossible. Je ne retrouverai jamais cette capacité.

La porte de la chambre se ferme et une voix familière trouve son chemin jusqu'à mes oreilles.

- Je sais que tu ne veux pas que je te dise ça... mais tu devrais réessayer aujourd'hui aussi.

- À quoi bon ? dis-je platement en regardant des oiseaux voler dans le bleu du ciel.

- Tu n'es pas la Miku que nous connaissons tous, ces derniers temps.

Silence. Je lâche un soupir pour seule réponse.

- Qu'est advenue la Miku qui ne lâche pas prise ? La Miku qui fait rêver les jeunes d'aujourd'hui ?

- Elle est disparue, elle ne reviendra pas. Compris, Mikuo ?

Je tourne ma tête sèchement vers mon frère, tentant de percer ses yeux des miens. Il ne bronche pas. Je n'ai aucun pouvoir, aucun contrôle sur lui. Il s'approche de mon lit et pose sa main sur la mienne.

- Essaie encore une fois, pour moi.

Je me mords la lèvre. Je soupire et le laisse gagner. Il va donc chercher la chaise roulante et m'aide à m'y asseoir. Il me dirige ensuite à la salle prévu à mes exercices. Il poste la chaise face à ces barres de métal de malheur. Je voudrais qu'elles disparaissent, ou qu'au contraire, qu'elles possèdent un tour de magie quelconque qui me ferait retrouver la capacité de marcher. Je n'ai pas envie d'essayer encore, même si Mikuo me le demande.

- Attends, avant que tu commences.

Mikuo, qui vient de faire la demande, se dirige à la porte pour l'ouvrir. Lorsque l'espace le permet, une boule d'énergie jaune accourt vers moi et me sert difficilement de ses petits bras.

- Maman ! ricane la fillette.

- Lenka ! dis-je en m'étouffant presque.

C'est bien ma fille. Je le sais, parce que Len nous regarde adorablement avant de remercier Mikuo. Je soulève la blondinette et la pose sur mes jambes incapables de fonctionner pour que je puisse la serrer de mes bras. Lenka, maintenant en meilleure position, entoure ses bras au niveau de mon cou.

- Je me suis ennuyée de toi, maman, pleurniche-t-elle.

Mon malheureux coeur se fend. Je l'ai laissée toute seule, elle ne me voyait pas. C'est la première fois que je la vois depuis que je me suis réveillée. Je caresse ses soyeux cheveux et me maudit d'avoir eu la malchance de me retrouver dans une telle situation. Pauvre Lenka, qu'a-t-elle vécu ?

- Moi aussi, ma puce, lui dis-je.

Elle me sert si fort que j'ai peur qu'elle m'étouffe. Je la laisse faire, je veux profiter de ce moment. En levant les yeux vers Len, je le surprends en train d'essuyer une larme au coin de son oeil.

Son tendre sourire est tout ce qu'il me faut, ainsi que Lenka.


Affrontons la vie { 4 }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant