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Assise sur le sofa, je lis un livre. Len fait un peu de ménage dans la maison. Parfois, quand on se regarde discrètement tous les deux simultanément, on s'échange un sourire. Comme présentement. Ça fait tellement de fois maintenant que ça nous arrive que mes joues me brûlent légèrement. Mon réflexe est de couvrir mon visage jusqu'à sous mes yeux à l'aide du livre que je tiens entre mes mains.

Mon geste n'échappe à aux yeux de mon mari. Il effectue un sourire en coin en s'approchant de moi. Il s'arrête tout près, penchant son visage vers moi et dépose un minuscule baiser sur mon front.

- Il est l'heure d'aller chercher Lenka. Veux-tu m'accompagner ?

J'accepte et Len m'aide donc à aller à la voiture... à l'aide de la détestable chaise roulante. Il me fait prendre place du côté passager et ferme la porte. Il entre la chaise, en la pliant, à l'arrière de la voiture. Puis, il s'installe sur le siège du conducteur et démarre la voiture. Il conduit jusqu'à l'école primaire de Lenka et stationne la voiture.

Avant de sortir pour indiquer à Lenka où nous sommes, Len m'embrasse la joue. Il sort de la voiture et se poste à l'avant de celle-ci, s'y appuyant un peu. J'entends la cloche retentir, annonçant la fin de la journée.

Des enfants entre 5 et 12 ans sortent de l'établissement. Petits comme grnads, certains rejoignent des voitures, d'autres s'éloignent de l'école en marchant. Puis, je reconnais Lenka, qui franchit les portes, accompagnée d'un petit garçon blond et d'une petite fille aux cheveux roses. Lenka semble partager une conversation avec les deux individus. Quand elle voit Len, son visage s'illumine et elle salue ses deux amis avant de courir vers son père.

Len se penche et l'attrape aisément avant de la faire tourner avec lui. Elle rit, je peux entendre ses rires à travers les murs et les vitres. Je souris et voit que Len les arrête de tourner, gardant notre fille dans ses bras. Il la tourne vers la voiture et me pointe en disant quelque chose. Lenka semble demande d'être déposée avant d'accourir à la porte arrière du côté conducteur et d'entrer dans la voiture.

- Maman !

Depuis mon siège, je me tourne un peu vers elle et sourit.

- Allô, ma puce.

Elle sourit à son tour en bouclant sa ceinture pendant que Len redémarre la voiture. Notre fille se met à raconter sa journée, comment elle aime l'école et qu'elle veut y retourner demain. Elle nous dit aussi que sa classe est gentille et que sa professeur est tout aussi gentille. Len et moi s'échangeons un regard. Pendant cet instant, on dirait que jamais rien de grave ne nous ait arrivés.

- Tu t'es fait des amis, Lenka ?

- Oui, papa ! fait la voix cristalline de notre fille. Uni et Rinto sont les plus gentils de ma classe. 

Len stationne la voiture à l'endroit prévu à cet effet à notre demeure. Lenka sort rapidement de la voiture, presque en même temps que Len. Elle veut aider son père à me sortir de la voiture. Elle ouvre donc la portière et Len m'aide à transférer de la voiture à la chaise roulante.

Beurk.

Lenka, voulant encore aider, se fait offrir la clé de la maison pour la déverrouiller. Elle est heureuse de sa tâche, elle l'a fait aussitôt. Elle ouvre la porte assez grand pour permettre à Len de me faire entrer facilement dans la maison.

Il me prend en princesse pour me réinstaller sur le sofa et commence à préparer un souper. Lenka reste en plein milieu de la maison, faisant tourner sa tête de moi à Len, puis de Len à moi. Elle ne semble pas savoir quoi faire.

- Tout va bien, Lenka ? je lui demande.

- Je veux m'occuper de toi, maman, mais je veux aider papa aussi.

Quelle adorable petite fille. Je souris et lui dis que Len voudrait bien un peu d'aide en cuisine. 

Je soupire silencieusement. Si seulement je pouvais me tenir debout sans avoir à toujours m'appuyer à quelque chose, ou quelqu'un. J'essaie de ne pas y penser, mais c'est plus fort que moi. Il est normal que je veule être autonome ! J'ai 26 ans, je devrais être en mesure de m'occuper de moi.

Alors que Len est occupé à montrer et expliquer à Lenka comment fonctionne le four, je décide que je peux me rendre moi-même à la table à manger. Je me déplace, posant mes pieds au sol. Les mains contre le coussin du sofa, j'observe le sol. Je peux le faire. Je ne pourrai pas endurer que Len me trimbale comme ça tout le temps et partout. Mes doigts serrent le pauvre coussin qui n'a rien demandé.

 Je me donne une poussée et tiens deux pauvres secondes debout. Mes jambes veulent se ramollir, je titube en tentant de garder mon équilibre. Réussissant très mal à mettre un pied devant l'autre, je me sens déjà tomber vers l'avant.

- Miku !

Mon visage rencontre le torse de Len alors que ses bras m'entourent. Nous tombons au sol, Len n'ayant pas réussi à me retenir cette fois. Contre lui, je sanglote. Quelle idiote ! J'ai cru que je pouvais me déplacer moi-même, que je peux pouvais faire ce que je voulais ! Mais non ! Mes stupides jambes ne sont que de molles pâtes que je ne peux pas utiliser à ma guise. À quoi ai-je pensé ? Je ne peux pas bouger comme je le souhaite !

La physiothérapie me rend folle. Pourquoi dois-je toujours aller à l'hôpital pour ça ? Je peux très bien m'entraîner moi-même dans ma propre maison. J'en ai marre de cette histoire de réhabilitation à la marche ! Tout ça ne serait pas arrivé si je n'avais pas décidé de marcher cette journée-là !

Tout ça ne serait pas arrivé si cette stupide voiture s'était arrêtée pour me laisser passer !

- Miku, qu'est-ce qui t'a pris ? demande le murmure de Len, sous moi.

Je ne sais pas, je l'ignore, je suis tellement idiote.

- Tu ne peux pas encore te déplacer toute seule...

- Je sais ! dis-je en me fâchant.

- Shh... La prochaine fois, demande-moi de l'aide...

- Pour que tu me portes ? Non !

- Je te ferai marcher, en te tenant. C'est promis.

Il me calme donc, nous faisant nous asseoir sur le plancher. Lenka nous rejoint, tout en essayant de ne pas se faire imposante. Ses petits pas de souris me font sourire, ce qui la fait sourire à son tour.

- Est-ce que tu vas bien, maman ?

- Oui, lui dis-je. Ton papa est un véritable héros.

Je lui tends la main, qu'elle prend sans hésiter et je l'approche de nous. Elle se glisse entre Len et moi. Par la suite, nous nous faisons un grand câlin de famille.

Un jour, je pourrai marcher comme avant.

Mais pour l'instant, je vais vivre comme une famille comme nous en avions l'habitude.

Affrontons la vie { 4 }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant