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J'ai passé toute la journée dans le lit. Comme des années auparavant, plus rien ne me donne la force de me lever. Je ne suis pas allée manger le souper avec Len. Tranquillement, la noirceur du soir s'installe dans la pièce. Le mur devant moi est ma seule compagnie, outre le blond assis derrière moi.

Len, qui ne m'a quittée une seule seconde, excluant le souper, passe sa main dans mes cheveux en tentant de me rassurer. La situation le déstabilise tout autant que moi. Pourtant, il réagit mieux que moi. Il arrive à garder son calme, ce qui jure complètement avec mon état dépressif.

Le téléphone de Len sonne.

- Oui ?

Sa main continue de caresser mes cheveux.

- D'accord.

Son doigt semble s'enrouler autour de l'une de mes mèches.

- Je comprends. Oui, nous allons venir.

Sa main quitte finalement ma chevelure.

- À tout de suite.

Je l'entends se lever du lit avant de m'interpeller.

- Les médecins ont besoin de nous voir, concernant Lenka.

C'est grâce à lui que je me lève, les yeux tout bouffis de mes larmes. Len prend ma main et l'embrasse doucement. Il me dit des belles paroles, il me rassure. Il essaie si fort de me réconforter. Puis, nous partons pour l'hôpital.

À l'hôpital, nous nous dirigeons à la chambre de Lenka, là où un médecin nous attend. Il sert la main de Len, alors que je reste à moitié cachée derrière son bras. Je ne veux pas pleurer devant cet inconnu. Il parle avec Len, lui explique ce qu'ils devront faire en détails. Mes yeux se plissent et mon coeur se serre. Je ne veux plus rien entendre ! Ce n'est qu'une enfant ! Doit-elle vraiment avoir à subir tout ça ?

- Nous devons lui trouver rapidement un donneur de sang.

- N'avez-vous pas des réserves, normalement ? fait Len.

- Oui, mais votre fille est O négatif. Vous savez comme moi que c'est difficile à trouver.

Assez ! Je ne peux plus en prendre !

- Je vous demanderais de gentiment accepter de passer les tests, afin de savoir si vous êtes compatibles.

*-*-*-*-*-*

Me voilà connectée à une énorme aiguille qui prend mon sang pour le conserver dans une poche qui ira par la suite à Lenka. Ça me picote, c'est très démangeant. Len, qui se trouve à mon bras libre, me sourit et me dit que je suis une mère formidable.

À la suite des tests d'il y a quelques jours, j'ai découvert que j'étais du même sang que ma fille, ce qui est assez peu probable. Je remercie ce je ne sais quoi qui a permis le quasi impossible.

Grâce à moi, Lenka a une chance. Son état s'est empiré pendant les jours d'attente avant mon don. Elle n'est pratiquement jamais réveillée, elle a perdu du poids, elle est atteinte de fièvre. Tout en même temps.

Je n'ai jamais donné du sang avant. Je le fais pour elle, mais je ne veux plus le faire après, je ne me sens pas bien. La sensation de l'aiguille dans mon bras, c'est immonde. Mais si c'est ce qui va permettre à ma fille de sourire à nouveau, alors c'est tout ce qui compte.

- C'est terminé, madame Hatsune.

Après les quelques minutes qui m'ont semblé être une éternité, l'infirmière retire l'aiguille. Len m'embrasse la joue en me disant à quel point il est fier de moi. Je me sens un brin mieux, mais je ressens un étourdissement.

- Tout va bien ? me demande Len.

- Elle fait une petite chute de pression, c'est normal quand nous ne sommes pas habitués, l'informe l'infirmière.

Mon mari la remercie avant de me serrer doucement la main. Sa deuxième main se pose sur ma joue et il me sourit.

- Tu es absolument formidable.

Mon téléphone sonne, mais c'est Len qui répond.

- Oui ? Ah, Mikuo, oui, elle va bien, dit-il en se tournant vers moi. Elle a une petite chute de pression, mais ça va aller.

Je lâche un sourire mou et il échappe un petit rire.

- Tu peux être fière de ta soeur, c'est un ange.

Len met fin à la conversation puis, me prend la main pour me conduire à l'entrée, afin de retourner chez nous.

À notre humble demeure, je m'assieds rapidement sur le sofa. Len vient me rejoindre avec un verre d'eau fraîchement rempli. Je le remercie en le prenant d'une main molle et bois le liquide. L'eau goûte bizarre, mais je n'informe pas Len. Je lui redonne le récipient avant de l'échapper et il le pose sur la petite table à café.

Sa main droite vient pousser mes mèches rebelles de gauche derrière mon oreille. Son autre main, ensuite, se glisse dans mon dos pour me pousser contre lui. Il me sert dans ses bras avec une douceur qui m'est inconnue. Sa tête se blottit dans mon cou, son souffle se dégageant dans ma nuque et mon dos. Sa main droite maintenant à ma tête, il sert faiblement mes cheveux entre ses doigts.

Ses lèvres chatouillent involontairement la peau mince de mon cou alors qu'il me parle.

- Tu es la plus merveilleuse des femmes dans le monde. Jamais je n'aurais été comblé sans toi. Tu es une mère parfaite.

Len se met subitement à trembler. Il me sert de plus en plus fort alors que je sens ma peau s'humidifier dans mon cou. J'entends un reniflement, puis deux, puis plusieurs...

Je pose mes mains sur ses épaules qui tressautent. Je tente de l'éloigner une première fois, mais le blond ressert son étreinte. C'est un échec. Je retente et j'arrive finalement à l'éloigner. La tête basse, Len pleure. Les larmes coulent sur ses joues et tombent en petites gouttelettes sur ses mains et le sofa.

J'emprisonne son visage entre mes mains et lui relève la tête. Je croise son regard, impuissant, terne, qui accompagne une moue attristée. Ses larmes salées coulent sur mes pouces qui tentent de les essuyer.

- Len...

- Qu'est-ce qu'on peut faire ? sanglote-t-il.

Il est vulnérable. Finalement, sa détresse fait surface. Comme moi, il doit être incapable d'en prendre plus.

- Je ne sais pas, dis-je en sentant mes yeux me picoter.

- Je ne veux pas la perdre, c'est notre trésor.

«Ne t'inquiète pas, maman. Ils sont gentils avec moi.»

Comment une enfant de 5 ans peut être aussi sereine en disant quelque chose du genre ? Elle est si calme, elle ne comprend pas la gravité de la situation. L'homme de ma vie sanglote de nouveau, il est au bout du rouleau.

- Dis-moi que tout va bien, embrasse-moi.

Sa requête me fend pourtant le coeur. Néanmoins, je m'exécute et commence par le rassurer en souriant tristement sous mes propres pleurs. Puis, je plaque désespéramment mes lèvres contre les siennes.

Affrontons la vie { 4 }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant