5. Plongée dans les souvenirs

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Rien ne ravive mieux le passé que
l'odeur qu'on lui a autrefois associée.
Vladimir Nabokov

Je m'assis par terre, ouvris le journal à une page au hasard et commençai à lire :

23 septembre 2011,

Voilà, encore une fois ma vie c'est de la merde. Comment je pouvais penser avoir de la chance. Dès que j'ai eu un retard je savais. Je suis enceinte. La vie est vraiment horrible. Putain ! Enfin, je sais pas y'a des femmes qui veulent plus que tout être enceinte et c'est sur moi que ça tombe... Alors que j'ai 22 ans, pas de copain et un boulot de merde. Je l'ai découvert il y a quelques jours et je n'en ai pas cru mes yeux...

FLASHBACK

J'étais dans la salle de bain, assise sur le sol de carrelage froid en train de prier pour que ce test de merde se soit trompé ou alors que ce soit un faux positif. Ça arrivait quelques fois, non ? Je ne pouvais pas être enceinte bon sang. J'espérais encore au fond de moi que ça ne soit pas vrai, que ce ne soit qu'une erreur et qu'après, j'allais pouvoir reprendre ma vie miséreuse sans soucis.

Mais n'étant pas naïve et ayant déjà vécu de nombreuses catastrophes m'ayant marquée à jamais telle une empreinte au fer rouge, je savais que j'avais bien un être qui grandissait en moi. Seulement, je n'avais aucun moyen d'aider ce petit pois. Ni père pour lui, ni foyer convenable, sans diplôme et avec un job de serveuse que je venais de décrocher. Non ce n'était définitivement pas un environnement sain pour un bébé, l'enfer sur terre même.

De plus, cela risquait d'envenimer mes relations déjà conflictuelles avec ma mère. Oui parce que, j'étais la ratée de la famille, la fille sans diplôme, sans ambition... Alors que mon frère lui, à 18 ans avait déjà une carrière d'avocat toute tracée et venait de demander la main de sa petite amie. Il l'avait rencontrée au lycée, une histoire d'amour banale qui durait depuis quatre ans. C'était évident que mon petit frère devait trouver la femme de sa vie à ses quatorze ans, lui qui réussissait tout...

Je jetai encore une fois un coup d'œil à ce bout de plastique, le troisième, mais le résultat restait inchangé. Le petit bâtonnet indiquait clairement deux barres. La peur prit possession de mon corps, me paralysant telle une goutte de Curare. Je ne pouvais plus me mouvoir, j'étais immobile, figée, pétrifiée, inanimée, statufiée, dans un état léthargique et végétatif. Cette terreur me prenait en bas du ventre et ne semblait pas dénier me laisser.

Putain de coup d'un soir à la con... Il ne pouvait pas avoir des capotes solides ? Non, c'était trop demander... Ironie du sort, j'avais supprimé son numéro l'ayant trouvé inintéressant et insignifiant. Subitement prise d'une envie de vomir, je lâchais le test et me trainai jusqu'aux toilettes où je reversai tout mon estomac, dépitée par ce qui m'arrivait.

° ° °

Cela faisait deux jours que j'avais appris la nouvelle et malgré les difficultés qui se mettaient en travers de mon chemin, j'avais pris ma décision : j'allais le garder. Je ne pouvais pas me résigner à tuer ce petit pois, ce pancake qui grandissait dans mon ventre, il faisait dès à présent partie de moi.

La peur avait laissé place à la panique. Cette tornade qui déferlait en moi, rasant tout sur son passage. Serais-je une mère suffisamment bonne ou dévasterais-je la vie de mon enfant comme la mienne l'avait fait pour moi ?

Il fallait que je me reprenne en main ; que j'accepte ma détresse et mon désarroi pour réussir mon projet. Mais il fallait aussi que je l'annonce à mes parents et ça, ça ne serait pas une mince affaire. Ma mère allait piquer une crise monumentale quand elle l'apprendrait et elle me menacerait sûrement de me coller dans un avion avec aller simple jusqu'au fin fond du Groenland. Elle vivait dans un monde d'illusions, persuadée d'être supérieure au reste du monde. Stefany avait un masque glacé sur le visage à longueur de journée et ce n'était pas mon annonce qui allait l'abattre.

Mon père de son côté ne serait sûrement pas d'une grande aide. Il avait beau être de mon côté la plupart du temps, il ne se mêlait jamais de nos disputes n'ayant pas assez de caractère pour affronter ma mère. J'avais toujours eu du mal à comprendre leur union ; une femme froide et calculatrice et un homme travailleur et chaleureux bien que naïf.

Ma grand-mère m'avait bien raconté leur rencontre quand j'étais petite mais je ne m'en souvenais que partiellement. Des bribes de conversations me parvenaient et j'arrivais à me remémorer qu'ils s'étaient vu à un diner chez une amie en commun. Ma mère lui avait pris sa chaise et c'est comme cela que le coup de foudre avait eu lieu ; enfin c'était d'après ma grand-mère qui, il fallait se l'avouer, avait un peu perdu sa tête lors de ses dernières années de vie.

Mais tant pis. J'avais décidé. C'était mon petit pois. Et j'allais le garder.

° ° °

14:36, j'étais devant la porte de la maison de mon enfance, où vivaient mes parents. Je fixais la porte grise que j'avais tant martyrisée étant jeune ; nous avions même dû la changer un jour alors qu'une énorme dispute avait éclaté entre ma mère et moi et que, prise de rage j'avais donné un énorme coup de pied dedans. Bien sur j'avais été punie comme il se devait et j'avais dû tout repayer moi-même.

Mon doigt était suspendu en l'air tandis que j'espérais qu'un esprit, quel qu'il soit vienne me délivrer de ma tour dorée. J'allais leur dire, mais surtout j'allais me faire engueuler. Finalement, rejetant toute mauvaise pensée, je pris une grande inspiration et appuyai sur la sonnette.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit et me laissa entrevoir mon père. C'était un homme de presque 60 ans, les cheveux grisonnants, aux yeux marron – je tenais les miens de lui – et avec un sourire chaleureux. Depuis 2 ans, il était devenu le manager de la banque dans laquelle il travaillait depuis plus de 10 ans. Il avait souvent été absent dans mon enfance mais j'appréhendais beaucoup moins de discuter avec lui qu'avec ma mère. Il m'avait aidée il y avait de cela 5 ans après mon coma ainsi qu'il y avait 3 ans à la suite de mon overdose et de mes rendez-vous psy. Cela nous avait quand même pas mal rapproché. Je le pris donc dans mes bras et il m'adressa un joli sourire qui me redonna de l'aplomb. J'avançais dans le couloir menant au salon et trouvai ma mère en train de lire.

— Bonjour maman, annonçai-je ma présence.

Oh, bonjour Neve tout va bien ? me demanda-t-elle d'un air majestueux tout en se relevant et en ajustant sa tenue.

— Oui et vous ?

— Ça va, on fait comme on peut, me répondit mon père en amenant le thé.

— Tu as vu la vidéo où ton frère demande la main d'Emily ? C'est tellement mignon n'est-ce pas, m'interrogea ma mère d'un ton hautain.

— Oui, il a bien trouvé sa moitié, ripostai-je d'un sourire forcé.

Ma mère, alors qu'on était là pour parler de moi, trouvait encore le moyen d'étaler la réussite de Jason sous mon nez. En même temps, vu ce que j'allais lui annoncer il fallait qu'elle soit bien accrochée.

Nous continuâmes à échanger des banalités jusqu'à ce que le sujet soit lancé par mon père.

— Tu voulais nous voir ma chérie ?

Oui je... je...

J'avais tout d'un coup la gorge si serrée et sèche que je n'arrivais pas à sortir de mots. J'ouvrai et refermai la bouche sans rien dire tel un poisson manquant d'eau.

— Tu... me questionna ma mère d'un ton un peu agacé

— Je suis enceinte, annonçais-je avec vigueur, et je le garde.

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Coucou ! Voilà un nouveau chapitre tellement long que j'ai dû le couper en deux. Mais quand j'écris le passé de Neve je suis INSPIRÉE !!!

J'espère qu'il vous a plu...💪🏻 Qu'en avez vous pensé ?

Ce chapitre est très fort en émotion pour notre belle Neve. Je ne peux pas cacher que j'ai néanmoins adoré l'écrire...🥰

Prochain chapitre arrive bientôt avec la suite du flashback.

N'oubliez pas de voter et commenter,
Bisous et à la prochaine,
Heloise❤️

Instagram : heloecrit

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