6. Plongée dans les souvenirs (2)

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Où peut-on être mieux qu'au sein d'une famille ? Partout ailleurs !
Hervé Bazin

— Je suis enceinte, annonçai-je avec vigueur, et je le garde.

S'en suivit un moment de flottement où mes parents me regardaient sans mots, ahuris. Finalement, ma mère se leva et s'approcha de moi doucement avant de me gifler. Sa main rentra en contact avec mon visage avec une telle violence que ma tête tourna d'un coup sec. Un cri sortit de ma bouche alors que les larmes commençaient à brouiller ma vue. Elle avait beau m'avoir sans cesse rabâché que j'étais moins bien que mon frère, que j'étais une disgrâce pour la famille, jamais elle ne m'avait frappée. La honte envahît mes tripes, me balançant plus bas que terre tandis que ma génitrice reprît de plus belle :

— Mais enfin Neve, comment est-ce possible ? Tu ne t'es pas protégée ? Qu'ai-je fais de mal ? Comment as-tu pu si mal finir ? Mais Neve tu es vraiment inconsciente... Élever un bébé alors que tu n'arrives même pas à t'en sortir toute seule. Tu t'imagines l'enfer pour ce pauvre enfant lorsqu'il vivra dans la misère avec pour mère une ratée ? Non Neve, je te le dis tu vas me faire le plaisir d'avorter ! m'assena-t-elle sans reprendre son souffle une seule fois.

Enfin Stefany, si Neve se sent capable d'élever son enfant pourquoi s'y opposer ? J'imagine que le père va aider également ?

— Non, enfin je ne sais pas vraiment où il est donc... je répondis au bord des larmes, les yeux rivés sur le parquet.

Le sol ne m'avait jamais paru si intéressant. C'était du parquet gris clair, fait de grandes lattes d'environ 15 centimètres de largeur. Il était présent dans le séjour jusqu'à la salle à manger mais changeait à partir de la cuisine où le carrelage, gris également prenait le relais. Je gardais mes yeux dessus tandis que ma mère vociférait davantage :

— Ah tiens comme c'est étonnant, tu ne connais pas le père ? Tu n'es vraiment qu'une petite traînée, ce n'est pas comme ça que je t'ai élevée.

Mais... si... je le connais... c'est juste que, je ne finis pas ma phrase et m'effondrai en pleurs tourmentée par le doute – créature sinistre qui se tapissait dans l'ombre pour mieux rejaillir aux pires moments.

Et si elle avait raison ? Et si je n'étais qu'une ratée destinée à une vie de misère ? Et si mettre mon enfant au monde le comdamnerait à une vie déplorable ?

— Stef laisse la respirer, imposa mon père en soupirant et en me jetant un regard désolé, ce n'est pas si grave.

Mais il ne fit qu'attiser la flamme d'un jet d'essence. Je sentais la foudre de ma mère, ce feu de l'enfer s'abattre sur ma personne pour me contraindre à me recroqueviller davantage.

— John je te le dis, elle va avorter !

— Mais maman je ne veux pas, murmurai-je si doucement que je crus avoir rêvé ma réponse.

S'en suivit une longue discussion ; pourquoi je devais avorter si je ne voulais pas me gâcher la vie encore plus qu'elle ne l'était déjà et ruiner celle de mon petit pois, ou encore ce qu'allait penser le voisinage. Oui, ma mère pensait encore au regard des gens tandis que, dans cette pièce qui renfermait avant quelques bons souvenirs, je voulais à présent hurler de désespoir ; je me noyais, agonisais, on me poignardait le coeur faisant ruisseler le liquide rouge qui se répendait sur le parquet. Mais je ne dis rien, me contentant d'écouter en silence.

Ce soir là, je rentrais chez moi dévastée, ruminant dans mon esprit les différentes options qui s'offraient à moi, espérant surmonter les idées noires qui s'entrechoquaient dans mon cerveau.

Vivre et Revivre [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant