Chapitre 8 La Reine des Ténèbres

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          Elle le savait. Elle les avait entendus.

          Dans son lit, elle songeait à une question qu'elle désirait poser à Aldaron, même si elle doutait qu'il puisse lui répondre. Le temps qu'elle le rejoigne, l'elfe se tenait auprès de leur père. Elle avait voulu s'annoncer et inventer un petit mensonge afin de parler en toute tranquillité avec son frère. Mais leur conversation l'avait arrêté dans son élan. Déjà, des phrases la concernant été parvenues à elle.

          La vérité sur les nains l'avait secoué bien plus que de raison. La trahison dont elle était victime la rongeait de l'intérieur. La confiance, croyait-elle, régnait entre eux. Ils l'avaient trompée avec leurs belles paroles. Un peuple combattant et qui aide son prochain ?

           Au contraire, ils avaient donné les nains en pâture à la Secte Sanglante. Et quand leur arme ultime, ce dragon apparu du néant, a détruit complètement Andor, ils sont restés à regarder le spectacle. Ce peuple s'était consumé sous les blasphèmes d'un groupe de personnes se pensant plus forts que les éléments.

            Tandis que leurs amis assistaient à cette mort désespérante, sans bouger, sans aider. Entre-Monde avait trahi Andor et les Elfes Verts se trouvaient en première ligne. La vengeance avait dû leur paraître douce en vue des nombreux échanges échoués entre les deux Royaumes qui n'étaient point parvenus à obtenir un accord qui conviendrait à tous, ou à leur orgueil imposant.

           Pourtant, quand Undĕwial l'emmena à Filmawiel, l'une des premières leçons qu'elle apprit fut de soutenir tous les peuples d'Entre-Monde en oubliant tout préjugé et rancœur.

— Comment ai-je pu croire avoir trouvé ma place en ce monde ? Elfes Blancs, Elfes Verts, et tous les autres, aucun ne se différenciait. On m'a amadoué, enjôlé pour que je rejoigne une nouvelle prison dorée, cracha l'enfant rousse en jetant une pierre dans la rivière qui se déroulait sous d'elle.

           Elle regardait cette eau sombre couler à travers un corail bleuté et brillant. Il s'agitait à cause du courant. L'onde hypnotisait la petite. Le liquide se transforma en un tourbillon noirâtre qui aspira la fillette. Aucun cri ne sortit de sa bouche. La peur se lisait dans ses yeux où les dessins de l'élément cristallin se peignaient dans ses pupilles.

           La stupeur se mêla à sa terreur, mais ce fut la fascination qui l'emporta. Ce vortex qui s'était élevé sous elle, pour l'avaler sans ménagement, la captivait. Son corps qui n'avait éprouvé aucune douleur, quand la masse aqueuse s'était engouffrée de plein fouet dans ses poumons, limitant sa respiration, l'envoûtait. L'eau la maltraitait. Elle l'emmenait au fond de la rivière, et comme une feuille, elle se laissait aller avec une impression de bras protecteur la serrant.

           Puis soudain, l'air glacial toucha sa peau mouillée. L'eau chaude sur son visage était devenue froide. Les gouttes glissaient sur son épiderme et la brûlaient. Mais c'est l'oxygène qui lui fit le plus de mal. L'horreur s'anima en elle.

           De nouveau, les profondeurs l'engloutirent. Mais les flots la jetèrent dans un tonneau, lui aussi malmené. La passagère se tourna pour voir la lumière. Face au jour ardent, ses yeux, qu'elle avait gardé ouvert dans l'eau, s'obscurcir un instant.

           La petite fille s'engagea sous un arc de pierre et quand elle se retourna, deux elfes se tenaient au-dessus du rocher. Ils surveillaient la limite du territoire de Filmawiel. Elle comprit, alors, qu'elle avait quitté l'endroit qui l'emprisonnait comme à Elfira. Et soudain, elle se souvint.

           Le tourbillon ne l'avait pas enlevée pour son festin du jour. Au début, elle marchait sur une liane fine et elle s'était jetée dans l'eau de son plein gré, dans l'illusion que son esprit avait créée.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant