Fire & Gasoline (Terminé)

I'm sorry Dad

Vendredi soir

Je crois qu'il est important de rappeler un des éléments fondamentaux de ma personnalité : les trois quarts du temps, je n'ai aucune idée de ce que je suis en train de faire. J'ai tendance à subir la vie plus qu'à la vivre, les choses arrivent, s'enchaînent, sans aucun sens et je me contente de boire des bières en attendant de pouvoir aller me coucher.

Depuis que j'ai rencontré Daryl, ma vie a pris un tournant assez...spectaculaire. J'ai de plus en plus l'impression de vivre dans la dernière saison d'une série télé, vous savez quand tout part en couilles et qu'on se contente de regarder en se disant « bon dieu mais c'est quoi ce bordel ?? ». La preuve, il y a moins de huit mois, un jour presque comme les autres, je rencontrais Daryl à la salle de sport. Et aujourd'hui, je me prépare à quitter les Etats-Unis pour aller vivre en Colombie.

J'avoue que même moi, j'ai du mal à y croire. Je reste coincée dans cet état d'esprit étrange où j'ai sans arrêt l'impression d'être sur le point de me réveiller en me disant que décidément, je fais des rêves bizarres. Et pourtant, les choses se mettent en place petit à petit : j'ai résilié le bail de mon appartement, j'ai vendu ou donné une bonne partie de mes meubles, j'ai réservé mon billet d'avion et aujourd'hui, j'ai annoncé à Sam que je quitterais le Meridian à la fin du mois. Je suis en train d'abandonner toute la vie à New-York que j'ai mis un an à construire pour aller vivre à Carhagène des Indes, à plus de 3 000 km d'ici.

Oui, je flippe. Beaucoup.

Dans la soirée, alors que je suis en train de faire une machine, j'entends des coups contre ma porte et Lazslo qui se précipite dans l'entrée.

« Lazslo ! Reviens ici ! »

Le chien lâche un autre aboiement avant d'obéir miraculeusement. Je le retiens contre moi tout en lançant un « Entre ! » à l'intention de Daryl qui obéit. Il entre dans l'appartement alors que je lance ma lessive.

« Salut, crevette.

-Salut ! »

Il s'approche de moi et m'embrasse furtivement dans le cou avant que je ne me redresse, souriante.

« Alors, comment ça s'est passé avec Sam ? demande-t-il. »

Je hausse les épaules.

« Bien.

-Il a râlé ?

-Même pas. Il avait juste l'air de s'en foutre. »

En fait, je me demande si ma décision ne l'arrange pas. Je sais qu'il ne me porte pas dans son cœur et qu'il préfèrerait mille fois avoir un autre employé tout en étant trop flemmard pour lancer des recherches alors qu'il m'a sous la main. En posant ma démission, je lui simplifie les choses.

« Par contre, Emmy veut absolument organiser une fête d'au revoir avant mon départ...

-C'est mignon. »

Je lui donne un petit coup dans l'épaule. Non, c'est pas mignon, c'est chiant ! Je ne suis pas une grande fana des fêtes, et je suis très loin d'avoir des liens d'amitiés avec mes collègues. Passer une soirée avec eux s'annonce aussi gênant qu'ennuyeux. J'ouvre mon congélateur pour y trouver de quoi manger tout en demandant :

« T'as eu des nouvelles pour les visas ?

-Oui, on les aura à temps. »

Yes !

J'avoue que cette partie me stressait un peu... C'est compliqué de s'établir dans un autre pays, ça demande du temps et beaucoup (trop) de démarches administratives. Vu que l'administration et moi ça fait bien plus que deux, Daryl s'est donc occupé de la paperasse. Je sors un paquet de paëlla surgelée.