« Les passagers pour le vol 1287 à destination de Genève sont invités à se présenter à la porte 5 pour un embarquement immédiat ! »
L'annonce se répétait pour la deuxième fois. La voix nasillarde se répercutait en échos sur les parois de métal et nous priait avec insistance de hâter notre course alors que déjà mon angoisse enflait en ma poitrine. La foule défilait, glissait autour de moi et je fendais la masse avec difficulté. Je suivais avec peine Mallory qui redoublait de vitesse après la menace de la voix. Nos bagages montés sur des roulettes dérapaient sur le parquet du hangar et provoquaient de malencontreuses chutes en enlaçant l'entremêlât des jambes des voyageurs.
Dans une ultime ligne droite, nous nous précipitâmes au guichet où se tenait une femme en uniforme bleu ourlé de blanc qui arborait un sourire d'une neutralité toute professionnelle. Mallory brandit nos billets comme un trophée, ces petits bouts de papier étant notre seul laisser-passer pour entreprendre cette épopée vers l'inconnu.
L'employée était munie d'un appareil moulé dans une forme d'étrange entonnoir, il diffusait une lumière rouge rasante et translucide qui se mua en un signal émeraude lorsqu'elle passa sur un alignement de barres noires inscrites sur notre billet. L'appel de ce signal vert, accompagné d'une petite sonnerie d'approbation, et la femme nous indiqua l'entrée d'un long corridor qui fuyait le corps du bâtiment par les airs.
Mallory m'emporta avec elle dans son élan et nous traversâmes le couloir qui ondulait légèrement à chacun de nos pas. Le sol gris et mité nous menait à une porte tordue verticalement en un arc métallique blanc et les parois étaient d'une épaisseur solide. Après une observation plus précise des cloisons de l'engin dans lequel nous allions nous embarquer, je m'aperçus que c'était un agencement précis d'engrenages et d'une ingénierie déployée pour en faire un bijou de matière artificielle. Je pénétrais à l'intérieur avec mon amie, nos bagages à la main, ma fausse identité en poche. Nous étions en cavale, à la poursuite de mon monde perdu.
La machine d'une technologie totalement inconnue à Bédélia dans laquelle j'étais à présent installée se nommait ''avion'' et allait nous porter dans ses entrailles jusqu'à notre destination. Je peux affirmer avec fierté, Papa, que je suis la première Elfe à avoir voyagé à bord de cet oiseau fabriqué d'artifices et je me demandais comment ce poids mort dans le ciel de New-York aurait pu s'élever d'une moindre hauteur.
Assises dans des fauteuils de mousse inconfortables, nous pûmes entrevoir de loin dans une fenêtre ovale, brèche aménagée à travers la coque de l'habitacle, le décollage bruyant, lourd et sans grâce de l'animal. Je dois t'avouer que la manière dont nous avons quitté le sol était rustique et violente, sans une once de comparaison avec les envols de luries. Nos chers compagnons ailés s'élèvent sur ce point bien au-dessus des créatures factices humaines. Pourtant, je dois avouer que la vue de leur cité toujours plus insignifiante, qui pourtant semblait si démesurée au sol, avait quelque chose d'hypnotique. La Terre des Hommes est un véritable écrin de beauté à cette altitude. Au cours de cette fameuse traversée, lorsque la nature nous accordait, entre deux danses éphémères des nuages, un rond de ciel limpide, j'avais sous mes yeux la plus belle preuve du miracle que pouvait être la vie terrienne. J'espère que Bédélia est aussi belle vue d'en haut. J'espère qu'un jour, je pourrais m'élever au-dessus de ses terres, plus haut que la plus imprudente des luries n'a jamais osé monter, pour atteindre la plus parfaite fenêtre ouverte sur le monde. J'espère avoir l'occasion d'admirer au mieux la majesté de la vie, car lorsque on la rencontre une fois, on ne se lasse pas de la redécouvrir.
Mais rien ne fut plus extravagant que notre arrivée et Genève vue du ciel.
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DEHORS [projet inachevé]
FantasíaUne Guerre. Puis une fuite. Je savais que je quittais ma maison. Mon village. Mon pays natal. Mais ce dont j'étais loin de savoir, c'est que je quittais mon monde tout entier, pour m'aventurer... DEHORS...