Chapitre 11

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-Rompre ? murmurai-je.

-Enfin, Justine, ce n'est pas à moi de te dire ce que tu dois faire... Mais personnellement, jamais je ferais ça à une fille, surtout pas à toi...enfin pas à toi parce que...bah t'es sympa quoi, et à ce que tu m'as dit, tu mérites pas ça en plus.

Il se frotta l'arrière de la tête et baissa la tête, gêné.

-Je te n'ai pas dit ça pour que tu me prennes en pitié... pas toi, s'il te plaît.

-La pitié... c'est pas mon style.

Sur ce, il passa son bras autour de mes épaules tandis que je le repoussai en souriant, me plaignant qu'il soit collant.

A la fin du deuxième cours de la journée, vint la récréation. Mes mains étaient moites. Finalement, je n'étais pas prête à lui parler.

Dégonflée, me murmura ma conscience.

J'étais de nouveau avec Lila tentant de m'arracher un sourire. Ce que je fis. Ils étaient super. Ils étaient tous super. Je n'avais pas le droit de laisser ses paroles m'atteindre. Je le vis alors. Debout de l'autre côté du jardin. A une vingtaine de mètres. Ce fut plus fort que moi, je me stoppai. Martin me regardait aussi. Il me fit signe de les rejoindre. J'allais alors le rejoindre lorsque Julien me prit le poignet.

-Qu'est-ce que tu fais ?

-Martin m'a demandé de venir, donc je vais le voir.

-Par téléphone ? me demanda-t-il en fronçant les sourcils.

-Non, un signe de tête.

-Pardon ? Un signe de tête ? Il t'a prise pour son chien ? me demanda-t-il choqué et un air de dégout sur son visage.

-Mais non, il...

-T'as prise pour une soumise, me coupa-t-il avant de poursuivre, donc tu allais agir aussi docilement qu'un chiot n'ayant qu'une seule chose dans sa vie : son maître.

Je baissai le regard, honteuse, alors me forçant à le regarder en relevant mon menton, ses doigts toujours posés sous ce dernier, il poursuivit :

-Tu souhaites retourner au début du XXème siècle ?

C'était sur ces dernières paroles que je lui fis non de la tête et partis vers Martin, bien décidée à lui parler de ce que je ressentais. Lorsque j'arrivai près de lui, mon sourire apparut comme par automatisme. J'étais toujours amoureuse de ce garçon. J'en étais toujours convaincue en tout cas. Il avait changé mais...j'étais toujours persuadée que quelque part en lui, il était le même que l'année dernière.

-Hey, dis-je lorsque j'arrivai.

-Qu'est-ce qu'il te voulait celui-là ? m'ignora-t-il regardant dédaigneusement derrière mon épaule tout en nous éloignant vers un couloir vide à l'intérieur du bâtiment.

-Oui je vais bien, mon week-end c'est bien passé, merci ! T'as eu un problème de téléphone ? Non, je te demande ça parce que j'ai pas eu des nouvelles de mon copain depuis vendredi. Tu sais qu'on est ensemble hein ? Non, parce que, il me semble, tu me dis si je me trompe, que dans un couple on doit se parler, prendre des nouvelles, sortir, prendre soin les uns les autres... tout ça quoi, déblatérai-je d'un ton sarcastique.

Il me regarda étrangement puis me dit :

-Ça marche dans les deux sens, tu sais.

-Pardon ? m'offusquai-je.

-Des nouvelles. Je pourrais aussi te dire ça, que je n'en ai pas eu. Mais j'ai fermé ma gueule.

-C'est bien ce que je te reproche, imbécile !

-Imbécile ? Oh non, sérieusement Justine ? On part sur des insultes maintenant ? Tu veux vraiment partir sur ce terrain-là ?

J'affaissai les épaules. Epuisée.

-Je n'en peux plus, lui confiai-je à voix basse, je suis fatiguée que chaque fois que l'on se voit, tu m'accueilles de cette manière-là. Rien que la façon dont tu m'as dit de venir. Regarde-toi. Regarde-nous. J'en ai marre que tu me dises qui fréquenter, qui est bien, qui est con...

Il commença à s'énerver :

-Tu ne comprends pas que j'ai peur pour toi ! Arrête d'être aussi bête, tu te dis gentille et non naïve ?! Mais tu es naïve Justine ! Regarde l'année dernière, tu n'avais même pas compris que c'était Anaïs l'auteure de ces lettres ! Alors désolé de vouloir qu'il ne t'arrive pas la même chose cette année !

-Excuse-moi de ne pas avoir deviné qu'une ado de quinze ans puisse être assez mesquine pour m'écrire des lettres anonymes et me déchirer mes affaires ! J'avais simplement eu le premier rôle, il faut être sacrément tordu pour faire et imaginer ce qu'elle m'a fait ! Je n'aurai jamais pensé qu'elle me voulait du mal, elle ne m'avait pratiquement jamais parlé sauf pour faire une ou deux remarques méchantes quasiment inaudibles, je réagis.

-Justement, maintenant il faut être deux fois plus prudent ! J'ai peur qu'il t'arrive la même chose avec ce Julien ! Tu es quelqu'un à qui on peut faire perdre la tête et te manipuler assez facilement ! dit-il avec une moue de pitié sur son visage.

-Tu crois qu'il n'y a qu'à toi que ça fait peur ?! Tu crois que un jour je réussirais à oublier ces foutues lettres ?! Je voulais, en arrivant ici, essayer d'oublier, mais sans arrêt tu me le rappelles ! « On est dans un monde de requin Justine », l'imitai-je avant de reprendre, je sais ! J'ai compris ! Mais ce n'est pas en me disant ça que je vais réussir à tourner la page ! Tu veux être présent à chaque instant pour qu'il ne m'arrive rien ? Ce n'est pas en te la jouant hyper protecteur qu'il ne va plus rien m'arriver ! Soutiens-moi ! Je me fais un ami la première chose que tu fais c'est le critiquer ! Regarde pour Julien ! Il n'a rien fait que tu te permets de le juger ! m'exclamai-je en colère.

-En gros tu veux que je te laisse respirer ?Aucun problème, c'est fini ! Comme ça je n'aurai plus à supporter tes craintes, tes doutes. Tu n'auras plus à supporter mon côté protecteur ne t'inquiètes pas. Par contre quand tu auras un problème, tu ne viendras pas pleurer, parce que tes pleurnicheries ne te permettront en aucun cas d'avancer si tu veux mon avis. Alors maintenant ne compte absolument plus sur moi, tu m'oublies, moi, ma famille et tu te concentres sur le peu de chose qu'il te reste. Autrement dit pas grand-chose, me cracha-t-il au visage.

La claque partit toute seule. C'était même plutôt une gifle, mais avec les larmes qui dévalaient mes joues, je ne fis pas attention à la force que j'y avais mis. Seul le bruit m'avait interpellé.

-C'est dégueulasse ce que tu viens de me dire. Je ne te pensais absolument pas mesquin, à croire que chacun de nous a un côté sombre. Le tien est bien noir. Je n'ai peut-être pas grand-chose mais au moins il me reste, ne serait-ce qu'un peu de dignité. La tienne tu viens de la bousiller. Tu viens également de bousiller le respect que j'avais pour toi et mon estime. L'amour que j'éprouve ne l'est pas encore mais je pense qu'en te voyant et en me rappelant tous les jours de cette conversation, ça ne saurait tarder. La prochaine fois garde ton avis pour toi, tu éviteras de blesser des gens.

J'aurai voulu sortir de manière théâtrale, mais à cause de mes larmes qui inondaient tout mon visage, je n'arrivai pas à voir à plus de trois mètres devant moi. Alors quand je tournai à l'angle du couloir, où j'étais sûre que Martin ne pouvait plus me voir, j'essuyai mes larmes mais je me pris les pieds dans une chaise qui traînait là.

En estimant avoir mis le plus de distance entre nous, je m'effondrai contre un mur des toilettes. Mis ma tête entre mes mains et me mis à pleurer de plus belle. Comment un cœur pouvait supporter une telle souffrance ? Comment un cœur pouvait-il être aussi cruel ? Son cœur parlait-il pour lui ou bien était-ce seulement sa tête ? Dans les deux cas, l'acte serait le même . Dans les deux cas, les mots seraient sortis. Dans les deux cas, je serais là, à pleurer, comme une madeleine. Tout s'écrouler. Ma mère n'était plus là, et alors que je croyais que quelqu'un que j'aimais était à mes côtés, il me balançait toutes les horreurs inimaginables. Pourquoi avoir été avec moi s'il pensait ça de moi ? Cela faisait plus de dix mois. Dix mois... dix mois qu'il pensait ces choses au fond de lui. Il me dégoutait. Pire ? je me dégoutais. Je plongeais ma tête dans la cuvette afin de vider le peu que j'avais dans l'estomac.

TOME 2: DANSER...A EN PERDRE LA RAISONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant