VIII . Voyage en terre sauvage

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Sam fut tiré d'un sommeil sans rêves par une main qui le secouait avec insistance. Il lui fallut une minute complète pour se décider à finalement ouvrir les yeux. Encore à moitié endormi, l'adolescent aurait avec plaisir collé son poing dans la figure de l'inconscient qui l'avait réveillé.

— Debout ! lui ordonna Gabriel en constatant que l'adolescent ne dormait plus.

— Non... marmonna Sam avec mauvaise humeur.

L'ancien éducateur le secoua plus fort.

— Lève-toi, Aylia nous attend déjà dehors.

En entendant le nom du succube, les souvenirs des derniers jours remontèrent si vite à la surface que l'adolescent sentit les battements de son cœur s'emballer. Son arrivée au Purgatoire, sa rencontre avec Georges, le mage ami de Gabriel, leur fuite de la cité et enfin l'audience avec Lilith, le terrible Démon siégeant sur son trône d'obsidienne depuis des millénaires. L'adolescent se redressa si rapidement qu'il faillit renverser Gabriel.

— Wow ! s'écria le vieil homme surpris. Réussir à faire lever un adolescent presque du premier coup, j'ignorais avoir un tel don de persuasion.

Sam le regarda sans comprendre ce qui ne fit qu'augmenter l'amusement de son ami. Les rayons pâles du soleil qui filtraient à travers la crasse agglomérée sur les carreaux des fenêtres révélaient une pièce encore plus déprimante que l'adolescent ne l'avait remarquée la veille. La peinture sur les murs s'écaillait à plusieurs endroits et il manquait tant de lattes au plancher que Sam se demanda un moment comment aucun d'eux ne s'était rompu le cou durant la nuit. Son attention fut attirée par trois gros sacs posés sur sa droite. Il ne se rappelait pas les avoir vus la veille.

— Cadeaux des succubes, lui apprit Georges en suivant son regard. J'ai bien peur de devoir renoncer à mes petits tours de passe-passe durant notre séjour dans les Terres Sauvages.

Les trois compagnons prirent chacun l'un des sacs à dos et quittèrent la maison sans regret. À l'extérieur, le ciel était envahi par des nuages sombres et menaçants. La fraîcheur matinale pénétrait sous les vêtements de Sam, lui arrachant des frissons. Mais dès que les yeux de l'adolescent se posèrent sur Aylia qui les attendait sur la petite place au centre du village, le froid cessa d'occuper ses pensées. Le succube portait une tenue de cuir noir, parcourue d'un enchevêtrement de lanières qui serpentaient sur son corps svelte. Ses ailes étaient paresseusement repliées derrière son dos et deux poignards pendaient dans des fourreaux accrochés à la ceinture qui lui ceignait la taille.

— Vous en avez mis du temps, les accueillit-il avec froideur.

Le ton de la voix d'Aylia tira Sam de sa rêverie. Il remarqua le visage fermé du succube en opposition totale avec l'air enjôleur qu'il affichait la veille.

— Mettons-nous en route, se contenta de répondre Gabriel sans paraître remarquer l'ombre qui traversa le visage de leur guide.

— Ne me dis pas que Lilith t'a rendu cette vieillerie, demanda Georges en désignant l'épée qui reposait dans le fourreau attaché au dos de Gabriel.

— Cette « vieillerie » est une épée en argent qui m'a tiré de pas mal de problèmes. Et je me sentirais plus à l'aise avec elle à mes côtés dans la cité des loups-garous.

Le petit groupe quitta le village sous l'œil attentif des quelques succubes en faction près de l'enceinte extérieure. À la lumière du jour, la forêt qui s'étendait devant eux dégageait une impression sauvage que Sam n'avait pas remarquée lors de leur arrivée. L'adolescent tourna son attention vers Aylia qui, suivie de Gabriel et Georges, s'engageait sur un sentier qui s'enfonçait dans la forêt une centaine de mètres plus loin. Le jeune garçon finit par suivre leur exemple, peu désireux de se retrouver seul à la merci des succubes.

Les Chroniques de l'Avatar du Chaos:  T1. L'ombre du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant