VII . Il était une fois...

21 4 3
                                    

Sam, Gabriel et Georges observaient le village avec appréhension. Le lieu dégageait une impression étrange et malveillante. Les maisons de bois et de boue séchée semblaient avoir été construites par un esprit dément et les voyageurs se blessaient les yeux dès qu'ils tentaient de suivre les angles impossibles composant les murs des bâtisses. L'adolescent qui sentait poindre une migraine s'obligea à concentrer son attention sur le dos d'Aylia qui marchait à quelques pas devant lui. Les trois compagnons avaient suivi le jeune succube à travers une épaisse forêt de pins durant plusieurs heures.

À chacun des regards que coulait leur guide dans sa direction, Sam sentait ses nerfs se tendre comme des cordes de piano prêtes à céder. Les yeux de la créature promettaient des plaisirs secrets et interdits tels qu'il n'en avait jamais connus et il dut rassembler toute sa volonté pour s'arracher à son regard hypnotique. À plusieurs reprises Gabriel s'était interposé entre Sam et Aylia, s'adressant à elle d'une voix coléreuse dans son mystérieux langage guttural. Dans ces cas-là, le succube se contentait de tourner la tête en sifflant de colère.

— Ce lieu n'a vraiment pas changé, chuchota Georges à l'oreille de Sam.

— Vous êtes déjà venu ici avant ?

— Pas de mon plein gré, tu peux me croire. Mon maître était... friand de certains services proposés par les filles de Lilith.

Le regard de Sam glissa sur plusieurs succubes qui étaient lascivement installés à leur fenêtre. Les créatures les observaient d'un regard étrange et vaguement inquiétant.

Alors qu'ils avançaient dans le village, un manoir apparut devant eux. Il était entouré d'une grille surmontée de pointes. Le bâtiment paraissait avoir été construit pour défier le temps. La porte d'entrée était encadrée de larges colonnes en marbre blanc qui ne faisaient que souligner davantage l'obscurité des lieux.

L'intérieur du manoir se révéla encore plus étrange que l'extérieur. Les escaliers se comptaient par dizaines et menaient tous dans des directions différentes. Certains étaient perpendiculaires au sol et d'autres ne pouvaient être empruntés que la tête en bas. De part et d'autre des couloirs qu'ils empruntaient se trouvaient des portes menant aux différentes pièces de la demeure. Il en était de toutes les formes et de toutes les tailles. Certaines en bois brut, juste assez grandes pour une souris et d'autres en fer aussi grandes que l'entrée d'un hangar.

— Avance ! ordonna Gabriel à Sam alors que le jeune garçon ralentissait pour observer une série de tableaux fixés au mur.

Plusieurs d'entre eux représentaient des paysages, d'autres des portraits et certains encore des choses que Sam préférait ne pas chercher à comprendre. Finalement, Aylia s'arrêta devant une porte en métal montant jusqu'au plafond. Des visages finement ciselés semblaient suivre les nouveaux arrivants du regard. Sam fut saisi d'horreur en remarquant l'expression d'effroi que l'artiste avait réussi à leur conférer. Les malheureux représentés sur la gravure semblaient condamnés à subir pour l'éternité un supplice particulièrement horrible. Un frisson glacial parcourut l'échine de l'adolescent lorsqu'il remarqua que ni Gabriel, ni Georges ne semblaient insensibles au spectacle. Les deux hommes avaient détourné les yeux avec une moue de colère et de tristesse mêlée.

— Magnifique n'est-ce pas ? leur susurra Aylia en caressant l'un des visages du bout de ses doigts fins. Voyez ce que deviennent les invités qui déplaisent à Mère.

Avant que quiconque ne puisse répondre, la porte s'ouvrit dans un grincement d'outre-tombe. Durant une seconde, Sam eut la certitude que l'ouverture devant lui ne pouvait les mener qu'en enfer. Des corps humains à différents stades de décomposition avaient été cloués sur les murs comme une immonde collection d'insectes.

Les Chroniques de l'Avatar du Chaos:  T1. L'ombre du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant