IX . Attention aux loups

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Comme l'avait annoncé Gabriel, le petit groupe ne tarda pas à quitter la forêt pour pénétrer dans les Terres Sauvages. Les premiers jours, il ne s'agissait que d'une vaste lande granitique battue par les vents. Mais à la fin de leur première semaine de voyages, le paysage subit de subtiles métamorphoses. L'horizon était maintenant dentelé par les reliefs d'une impressionnante chaîne montagneuse.

Les quatre voyageurs parlaient peu, s'arrêtant de temps en temps pour se reposer et pour permettre à Sam de poursuivre ses exercices. Il était maintenant capable de maintenir le mur protégeant son esprit pendant presque deux heures. Durant ces sessions d'entraînement, il sentait les créatures de l'éthéré gratter la muraille de leurs griffes immatérielles à la recherche d'une brèche où s'engouffrer. Pendant ces temps-là, Gabriel se tenait à ses côtés prêt à remettre le médaillon autour de son cou au moindre signe de danger. Il semblait posséder un instinct infaillible pour percevoir le moment où les défenses mentales de l'adolescent s'effondraient.

Depuis leur arrivée dans les Terres Sauvages, le comportement d'Aylia avait encore empiré. Elle ne prenait la parole que pour leur fournir les informations essentielles. Sa voix était glaciale et cassante. Sam avait du mal à comprendre son comportement. Malgré l'animosité affichée du succube pour ses compagnons, il continuait à les guider sans faillir à travers les dangereux territoires des Terres Sauvages. Plusieurs fois, Aylia leur fit faire de larges détours pour éviter le territoire de créatures qu'ils pouvaient sentir rôder aux environs. Et par deux fois, le succube laissa ses compagnons en arrière pour partir en éclaireur, revenant vers eux couvert de sang... jamais le sien.

— Nous avons pénétré le territoire de Sköll, les informa Aylia, alors que les quatre compagnons venaient de monter le camp à proximité d'un marais et mangeaient en silence le repas préparé par Georges à partir des quelques rats capturés.

— Je sais, répondit Gabriel entre deux bouchées.

Le regard de Sam passa de son ami au succube. Aylia ne semblait pas avoir besoin de se nourrir. Mais quand par hasard le regard de l'adolescent croisait le sien, il pouvait voir une inquiétante lueur de convoitise dans ses yeux couleur émeraude.

— Je peux sentir la puanteur de sa meute. Aucune chance que nous réussissions à traverser leur territoire sans nous faire remarquer, surtout toi, conclut le succube en désignant Gabriel.

Sam se tourna vers son ami. Gabriel ne prit même pas la peine de cacher son bras blessé. Le bandage de fortune dont il s'était servi pour entourer la coupure qu'il s'était faite lors du premier entraînement de Sam était bruni par le sang séché. Sans posséder les connaissances d'Aylia et de Georges, Sam s'étonnait de constater que la blessure, vieille de plusieurs jours, n'avait pas encore cicatrisé. À chaque fois, le vieil homme avait balayé ses inquiétudes d'un simple geste de la main.

— Ce ne sera pas ma première cicatrice, se contentait-il de répondre. Ni ma dernière.

Pendant que Gabriel et Aylia continuaient de discuter autour du danger que représentaient Sköll et sa meute, Sam remarqua que Georges s'était levé et s'éloignait du feu en faisant d'étranges gestes avec les mains. Ses lèvres bougeaient sans émettre aucun son.

— Qu'est-ce que vous faites ? demanda l'adolescent en rejoignant le mage à la limite du halo de lumière diffusé par le feu de camp.

— Je m'assure que nous ne serons pas surpris par un éventuel visiteur nocturne.

Le regard de Sam glissa tout autour de lui sans rien apercevoir. La façon dont Georges comptait protéger leur camp lui échappait.

— De quelle manière ? demanda Sam en reportant son attention sur le mage.

Les Chroniques de l'Avatar du Chaos:  T1. L'ombre du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant