XIII . Le passé de Gabriel

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Les quatre voyageurs étaient assis autour d'un maigre feu de camp, plus nourri par la magie de Georges que par le peu de bois qu'ils avaient réussi à trouver à cette altitude. Les yeux rivés sur les flammes, chacun d'entre eux semblait perdu dans une rêverie qui lui était propre. Les pensées de Sam s'éloignèrent doucement du mutisme obstiné de Gabriel pour s'égarer un instant vers Aylia. Le succube semblait avoir totalement récupéré de son combat contre le Lycan et, si son visage avait retrouvé son austérité coutumière, il semblait néanmoins animé par une énergie nouvelle. L'adolescent se demanda un moment ce qu'elle avait bien pu découvrir dans son esprit pendant que lui-même était prisonnier du sien.

— Tu as raison, dit soudain Gabriel en tournant son regard vers Sam.

— Je t'ai vu dans l'esprit d'Aylia, lui dit l'adolescent. Un ange affrontant un démon.

À l'évocation de l'expérience qu'ils avaient partagée, le succube détourna le regard, mal à l'aise.

— Il ne s'agissait pas de mes souvenirs, dit-elle d'une voix rétive. Mais d'un éclat de l'esprit de notre Mère qui repose en chacune d'entre nous. C'est cette part d'elle que tu as découverte.

— Tu es sûrement l'une des rares personnes à disposer de la puissance suffisante pour traverser les défenses mentales dressées par Lilith afin de protéger cette parcelle d'elle ainsi que les secrets qu'elle renferme, fit observer Georges.

— Tu as dit que j'avais raison, reprit Sam, peu désireux de voir Gabriel s'interrompre dans sa confession.

— Ce que tu as vu dans les souvenirs de Lilith, c'est la dernière bataille qui a opposé les forces du créateur et celles du destructeur.

— Tu veux dire Dieu et le diable ? s'étonna Sam.

— La réalité est bien plus complexe que ce que l'homme s'imagine, le contredit Gabriel. Le bien, le mal, Dieu ou le diable, rien n'est moins réel. La vérité, pour autant qu'il y en ait une, c'est que, quel que soit le camp, tous sont aussi bien capables de faire le mal que de faire le bien du moment que cela sert leurs propres intérêts et peu importe ce qui arrive à ceux qui se trouvent sur leur route.

— Je ne comprends pas.

— Personne ne peut te le reprocher, lui dit l'ancien ange. Pour y arriver, il te faudrait être au fait de bien des choses que tu ignores. Pour le moment, contente-toi d'accepter ce fait : il n'existe pas réellement de camp du bien ou du mal. Il n'y a en réalité que deux puissances antagonistes, chacune en rivalité pour acquérir le maximum de puissance possible.

— Et que faisais-tu au milieu de cette bataille ?

Gabriel fit une habile passe de la main au-dessus du feu et deux combattants enflammés, un ange et un démon se mirent à ferrailler sauvagement au cœur du foyer. Sam reconnut sans mal Gabriel et le démon qu'il avait découvert dans l'esprit d'Aylia.

— Comme tu l'as déjà compris, je n'ai pas toujours été un homme. Autrefois, j'étais un archange.

— Un archange ? demanda Sam.

— Le grade le plus élevé dans la hiérarchie céleste, expliqua Gabriel. Avec trois de mes frères, nous formions l'autorité supérieure régnant au nom de notre Père sur le paradis.

— Qui étaient les autres ?

— Michaël, Raphaël et Lucifer.

— Mais je croyais que Lucifer était plutôt du côté de l'enfer, s'étonna l'adolescent.

— Alors, peut-être devrais-tu me laisser terminer mon histoire, le sermonna le vieil homme sans sévérité.

Sam acquiesça, un peu honteux, et laissa son ami poursuivre son récit.

Les Chroniques de l'Avatar du Chaos:  T1. L'ombre du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant