Chapitre 3

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Mon esprit se met un instant en pause. Puis je secoue la tête pour me remettre les idées en place. Sur ce forum rempli de tarés, impossible de savoir s'il y a une once de vérité dans ce qu'on y lit. Il s'agit encore probablement d'une théorie fumeuse pondue par un pauvre type en manque d'attention. Je décide de lui envoyer un message pour m'amuser à lui faire cracher le morceau.

_RedFire_Alors comme ça t'es au courant des actions top secrètes des gouvernements. Sympa.

Shadow: Tu insinues que je mens ?

_RedFire_: Explique moi comment tu peux être au courant de choses pareilles.

Shadow: Je travaille dans le centre des affaires politiques de Montréal, récemment élue capitale du monde. C'est à cet endroit précis qu'a eu lieu la fameuse réunion du CMSC.

Je ricane. Du grand n'importe quoi.

_RedFire_: Donc tu es en train de me dire que tu es un représentant d'un pouvoir d'un quelconque pays (pour avoir assisté à ce débat) et que  tu balances des informations ultra sensible sur le forum le plus barge du net. T'es un futé toi.

Shadow : Je n'ai jamais dit que j'occupais un poste si haut placé. À vrai dire, je suis agent d'entretien. Et avant qu'on me foute dehors relativement violemment, j'ai eu le temps de relever les quelques infos que je vous ai fournies.

_RedFire_: Et ils t'ont laissé partir comme ça, sachant que tu détenais ce genre d'infos. Pas crédible.

Shadow: Ils ne savent pas que je sais. J'ai eu la présence d'esprit de jouer les innocents simples d'esprit, et ils avaient autre chose à foutre.  Mais bref, je ne suis pas là pour essayer de te convaincre ma grande. Tu sais au fond de toi que mon histoire tient debout, et qu'elle est même probable je dirais. Tu le découvriras bien assez vite par toi même .

Je garde immobiles  les doigts sur mon clavier quelques secondes. Ce mec a réponse à tout.  Il est fort pour instaurer le doute.

_RedFire_ : Si tu le dis. Et quel était ton intérêt de poster ça sur le net ?

Shadow: Si j'ai raison (Et c'est le cas), des milliards de personnes vont mourir très prochainement. Ils ont le droit de savoir, de dire adieu à leurs proches avant la fin. De quel groupe es tu ma belle ?

_RedFire_: Qu'est ce que ça peut te foutre ? Tu ne me connais pas. Et je reste très sceptique sur ce que tu racontes.

Shadow: C'est ton droit. Mais reste à l'affût, et quand les premiers signes apparaîtront, tu penseras à moi ! Quoique je serais peut être mort, aux côtés des autres AB. Bonne chance ma belle.

Shadow a quitté le tchat.

Je ferme énergiquement mon ordinateur. J'ai une étrange intuition qui me fait douter. D'habitude les théories fumeuses ne me font pas cet effet là. Je tombe en arrière sur mon lit. Quel monde de tarés. On ne supprimerait pas 92% de la population  comme ça quand même... Même si l'avenir peut faire peur... C'est inhumain de faire de telles choses.

Mais venant des russes, ce n'est pas si improbable. En 2035, ils avaient envahi l'Ukraine, une guerre éclair qui fut d'une violence inouïe.  Tout ça pour répondre à une exigence qui ressemblait plutôt à un caprice d'enfant de leur président. Ou plutôt devrais-je dire, de leur dictateur.

Mais le pire dans tout ça, c'est qu'aucun pays n'a remué le petit doigts pour faire payer ces milliers de vies perdues à la Russie. Une sorte d'accord silencieux de chacun pour soi, car chacun avait déjà suffisamment de problèmes à gérer. Entre les millions de migrants à accueillir, la difficulté à satisfaire la population croissante, les inégalités qui se creusaient toujours plus... Et la situation ne s'est pas arrangée.

-Néa à table ! Hurle ma mère.

Je me relève à contre coeur et attache mes cheveux noirs en une queue de cheval, avant de descendre au pas de course. Mon père est arrivé, je hoche la tête vers lui en signe de bonjour. Il est toujours en uniforme. Il travaille dans la Brigade du Maintient de l'Ordre, depuis des années maintenant.

-Salut ma puce.

-Alors quoi de neuf aujourd'hui? Je lui demande.

- Encore une manifestation à gérer. Ça a encore dérapé. Les gens deviennent fous quand ils sont en groupe.

-C'était pour quoi cette manif ? Interroge ma mère.

- Pour avoir plus de sous, et plus de services, en payant moins d'impôts... Soupire-t-il.

Son visage est tiré, fatigué de devoir défendre une patrie qu'il ne reconnaît plus. Nous nous attablons en silence. Ma mère est au chômage, elle se démène pour trouver du travail, mais il n'y a plus rien. Heureusement, mon père, est assez bien payé, et il a hérité il y a peu d'un gros capital. Nous ne vivons pas dans le luxe, mais nous vivons correctement.

Ma mère nous sert à chacun une portion de pâtes... Au miel. Merci maman. Cette performance aura au moins eu le mérite d'arracher un sourire à mon père. Tandis que nous mangeons, mon père et ma mère se concertent pour acheter un nouveau vélo. On m'a volé le mien il y a quelques temps, quand je suis passée dans un quartier dit "chaud".

Ils s'y sont mis à quatre, mais je pense pouvoir me vanter du fait qu'ils en sont sortis plus amochés que moi, grâce aux enseignements de mon père. Je leur ai laissé le vélo, il était bousillé de toutes façons. Quand je suis rentrée avec un bras foulé et un oeil au beurre noir, mes parents ont paniqué. Moi ce qui m'enervait, c'était le fait que je venais de perdre ma liberté de circuler en perdant mon vélo.

En connaissance de notre budget restreint, je n'en ai pas réclamé de nouveau. Mais si mes parents m'en offrent un, je ne cracherai pas dessus... Le dessert venu, mon père plante ses yeux gris dans les miens:

-Néa, j'ai une surprise pour toi. Je l'ai vu en promotion dans un magasin, et j'ai pensé que ça te serait probablement utile.

Il porte la main à sa poche et en sort un magnifique canif. Ma mère le fusille du regard. Je sais ce qu'elle pense. Ce n'est pas un cadeau à faire à une jeune fille. Rien à battre, c'est l'un des plus beaux cadeaux qu'on m'ait fait.

-Merci papa, il est absolument magnifique.

Mon père sourit face à mon émerveillement. Il adore nous faire plaisir à moi et ma mère. Aux anges, je l'embrasse avant de monter dans ma chambre. Il rejoint ma précieuse boîte.

Pour qu'on se souvienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant