Je reste un instant bouche bée, tandis qu'il resserre son poing autour de mon col. Il va visiblement falloir choisir mes mots avec soin.
-Je... Je m'appelle Néa, mon père était un agent, je cherchais simplement un abri, j'ai vu ce hangar et...
-Ce hangar appartient à ma famille compris ?! Tu n'as aucun droit d'être ici !
La scène me semble tout simplement surréaliste. Mieux vaut capituler, son regard furieux ne présage rien de bon.
-Très bien, je ne vous ennuie pas plus longtemps ! Mais si tu veux que je dégage, il va falloir décrocher ta petite mimine de là. Je lui lance en désignant son poing du menton.
-Te crois tu vraiment en position de me provoquer?
Bon c'était peut-être pas malin, je l'admets. Soudain, une petite voix fluette se fait entendre:
-Samuel arrête... Elle a l'air gentille...
-Elle s'est introduite chez nous Arthur. Elle n'en avait pas le droit. Réplique celui qui me tient toujours.
Samuel alors... Le petit garçon ne se démonte pas
-Pour se mettre à l'abri, comme nous... On a assez de place pour trois !
Il me fixe droit dans les yeux. Je sens le dilemme qui se joue à l'intérieur de lui. Soit il me met une bonne raclée qui lui procurerait vraisemblablement un immense plaisir mais sous peine de choquer le garçonnet qui semble être son frère, soit il me fout dehors, chose que le petit ne semble pas souhaiter outre mesure. Malgré tout, si le fameux Samuel se trouve être un tant soit peu intelligent, il ne risquera pas leur sécurité pour une inconnue, sur un caprice de son petit frère. Je décide de prendre les devants.
-Je pars. Pas la peine de vous déranger plus longtemps. Bonne continuation.
En un mouvement brusque, je me dégage de l'emprise du jeune homme et me dirige vers la sortie de secours. Il empoigne violemment mon bras.
-Il ne me semble pas t'avoir donné quelconque pouvoir de décision. Tu restes ici, jusqu'à ce que je décide que tu dois partir, ou au choix que je te bute. Alors sois gentille et va t'asseoir sagement dans un coin ma jolie.
Mais il va me foutre la paix celui là ! Je me dégage à nouveau de son emprise avant de grimper les escaliers à toute vitesse. Cette fois, je me casse. Du moins dans un scénario où l'autre abruti reste bien sagement à sa place. Et comme il a l'air d'un véritable professionnel de l'art de la contradiction, il s'empresse de me prouver le contraire... En me sautant violemment sur le dos. Plaquage en règle : Samuel 1- Néa 0.
-Putain mais lâche moi !
-Ici c'est moi qui décide des règles petite fille. J'ai dit que tu devais rester, tu restes.
Même plus la peine de s'opposer, ce crétin est têtu comme une mule. Il me relève et me fait asseoir dans un coin du hangar. Il sort de son sac une paire de menottes. Putain de psychopathe ! Je tente encore une fois de me défaire de son emprise, mais il place le bracelet à mon poignet sans difficulté, et attache l'autre à un petit anneau fixé dans le mur. Parfait. En quelques jours j'ai tenté de fuir la ville, me suis faite arrêtée par un agent, re tenté de fuir la ville, et me suis faite capturée par un psychopathe. Mais j'ai la poisse ou quoi? Je pose ma tête contre le mur, et le jeune s'éloigne enfin de moi. Le garçon me fixe, toujours immobile. Il n'a fait qu'observer la scène depuis son commencement.
-Eh petit, Arthur c'est ça ? Écoute, faut que je m'en aille d'accord ? Je vous laisse tranquille ton frère et toi. Dis lui de me détacher !
-Nan. Tu restes avec nous. Je m'ennuie avec lui. Me répond-il, catégorique.
Et il me tourne le dos pour aller rejoindre son frère à l'autre bout du hangar. Je soupire. S'ils ne sont pas B+ et qu'ils ne m'ont pas détachée d'ici quelques heures, je suis foutue. S'ils sont B+, je n'ai qu'à attendre qu'ils se rendent compte de l'absurdité de leur geste. On ne kidnappe pas des jeunes filles comme ça ! Mais vu l'apparente instabilité mentale du fameux Samuel, je risque de me retrouver dans une situation des plus inconfortables.
Je les observe. Ils ont tous les deux les cheveux noirs, mais leurs yeux sont différents. Ceux d'Arthur tendent plus vers le marron que le vert. Les traits de Samuel sont aussi bien plus graves que ceux de son frère. Son histoire ne doit pas être simple. Il donne du chocolat à manger à son petit frère, avant de lui remettre son masque avec soin. Il reste à ses côtés un long moment, si bien que le petit finit par s'endormir. Samuel se décale lentement sur la gauche, et dépose doucement son petit frère sur le sol. Ensuite il se relève et avance d'un pas décidé vers moi. Je lève la tête pour pouvoir le regarder dans les yeux.
-Bon. Je ne vais pas me fatiguer à te demander où sont tes parents. Si tu es là, c'est pour une bonne raison.
Il semble s'être bien calmé. Un ange passe. La curiosité prenant le pas, je me risque à l'interroger au bout de plusieurs minutes de silence:
-Et vous? Qu'est ce que vous faites ici ?
Étonnamment, sa réponse ne tarde pas:
-Ce hangar est le seul héritage que j'ai reçu de mes parents, la classe pas vrai? J'aurais pu recevoir un gros chèque pour pouvoir m'en tirer avec un gosse de 8 ans à ma charge, mais non, j'ai reçu un hangar miteux qui a pas été foutu de trouver repreneur. J'ai dû galérer pendant deux ans pour faire en sorte de trouver à manger pour mon frère. Deux putain d'années de galère. Et comme si le sort ne s'était pas encore assez acharné, voilà une pandémie qui nous arrive sur la gueule, et qui bute de façon aléatoire 92% des porteurs. Il ne nous reste peut-être que quelques heures à vivre. Mon petit frère te veut en décoration, il t'aura, comme je lui donnerai tout ce que je peux lui donner jusqu'à la fin. On finira comme trois cadavres puants dans ce foutu hangar, mais bon. La mort qui nous attend est une douce caresse comparé à ce que j'ai dû traverser. En tout cas un simple conseil... Il se penche vers moi lentement. Ne me contrarie pas. Ne contrarie pas mon frère. Ou tu le payeras cher.
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Pour qu'on se souvienne
AdventureOn le savait tous. On savait que notre monde était voué à disparaître. On savait qu'on fonçait droit dans le mur. Ça ne nous a pas empêché d'appuyer sur l'accélérateur en chantant gaiement .