Me revoici dans cette ville que je ne pensais pas revoir de sitôt. J'ai abandonné l'idée de m'acharner sur la vitre. Visiblement, ça ne sert à rien. Le policier n'a de cesse de répondre à sa radio, ça commence à chauffer. Il s'arrête devant le commissariat et s'empresse de sortir sans lâcher sa radio. Il m'attrape par le bras et me fait violemment sortir. D'une main, il récupère mon sac à dos et me fait traverser le commissariat, où l'effervescence règne. Personne ne nous prête attention. Il me balance sans douceur dans une salle en me lançant un :
-Tu bouges pas le temps que je remettes la main sur ta jolie petite famille qui dois paniquer à l'heure qu'il est.
Et il claque la porte. Je me redresse. Des voix indistinctes me parviennent, à leur ton grave, j'en déduis que ça commence à bouger en ville. Je frappe à la porte en espérant attirer l'attention, mais visiblement ils ont tous mieux à faire que de venir libérer une gamine innocente qui ne cherche qu'à sauver sa peau. Au bout de quelques minutes, je me résigne et m'adosse à la porte. Il faut que je trouve une solution pour me sortir de là, et vite. Je ne veux pas décevoir mon père. Hors de question que ce soit la dernière impression qu'il ait de moi.
J'observe rapidement mon environnement d'une blancheur éclatante. La salle ne comporte qu'un pauvre évier et une chaise. Ce n'est pas une cellule, mais pas un hôtel 5 étoiles non plus. Pas de fenêtre, pas de conduit d'aération comme on peut voir dans ces films, dans lesquels les héros sortent toujours indemnes des pires situations. Je ne vais pas pouvoir m'échapper, sauf si j'arrive à convaincre un agent de me laisser sortir. Ma carte d'identité est ma meilleure chance, j'en suis sûre. Je me jette sur mon sac, attrape ma carte et je recommence à tambouriner sur la porte.
***
Plus de quatre heures ont passé. Personne n'est venu malgré mes coups et mes cris. Les voix se sont raréfiées, mais la fréquence des sirènes à l'extérieur a considérablement augmenté. Je commence à avoir faim, mais je n'arrive pas à me résigner à entamer l'une de mes précieuses rations. Cette situation était loin de tous les scénarios de survie que je m'étais jamais imaginés. Plus les minutes passent, plus le désespoir et la frustration me gagnent. L'agent a dû m'oublier, préoccupé par des urgences plus importantes. J'ai envie de pleurer mais me retiens de toutes mes forces. Finalement, je finis par céder au sommeil. Quelle journée de merde.
***
Je me réveille en sursaut, et je mets quelques minutes à me souvenir de l'endroit où je me trouve. Je tends l'oreille. Le silence règne desormais dans le commissariat. Je me relève, mais je vois soudain flou, et je me rends compte que je meurs de faim. Je me rassois prudemment et tire mon sac à dos vers moi, avant de l'ouvrir en hâte. Je fouille au hasard, espérant sentir un sachet quelconque pour pouvoir nourrir mon pauvre estomac, pris de terribles crampes. Je ne peux empêcher un petit cri de joie quand je finis par mettre la main dessus. En le tirant hors du sac, un trousseau tombe à mes pieds. Mon père a dû le mettre dans mon sac avant de partir. Un couteau suisse, une petite lampe torche et une clé passe partout.
Satisfaite de ma découverte, je me mets à engloutir ma barre de céréales. Attends une seconde... Une clé passe partout ? Mais quelle abrutie ! Je m'en saisi en vitesse tout en me relevant et la passe dans la serrure dans laquelle elle entre sans difficultés, avant de déverrouiller la porte. Ces petites clés magiques dont seuls les agents de la BMO profitent, sont élues par ma personne meilleure invention au monde ! Elles déverrouillent n'importe quelle serrure, sans difficulté. Je prends le temps de remplir a nouveau ma gourde avant de m'extirper de la salle. Le calme qui y plane est tout simplement terrifiant. Tous les agents doivent se trouver sur le terrain, ce qui ne peut signifier qu'une chose. La maladie est arrivée. J'avance prudemment vers la sortie, jetant des regards aux alentours. Des papiers ont été jetés dans tous les sens, les ordinateurs sont encore allumés. Autant d'indices qui indiquent la précipitation dans laquelle les agents ont dû agir.
J'atteins enfin la sortie. La rue est vide, mais le bruit des cris et des klaxons me parvient distinctement, surtout venant de la direction de l'hôpital. Le point a éviter à tout prix bien évidemment. Les gens vont tenter de sauver leurs proches, en les amenant dans l'endroit déjà envahi de malades, que personne ne pourra prendre en charge. Les gens vont paniquer, et très vite, la violence prendra le pas sur tout. L'artère principale se trouve à quelques rues du commissariat. Elle doit être embouteillée, de gens qui tentent de fuir vers un abri qui n'existe pas. Étonnement, je remarque que les magasins aux alentours n'ont encore pas été pillés. Ça ne saurait tarder, c'est la suite logique des événements. J'hésite à commencer le travail par moi-même, pour récupérer ce qui me serait utile. Mais je me ravise, ce serait trop dangereux. Il faut attendre quelques jours afin que... Que la population ayant de mauvaises intentions diminue drastiquement disons.
Je réfléchis à toute vitesse. Si je veux rejoindre la forêt, il me faudra passer par la route et traverser toute la ville, ce qui est définitivement bien trop risqué. Je peux tenter de chercher un abri, mais ça voudrait dire s'exposer au danger, pour une durée indéterminée. Mais ça reste la solution qui comporte le moins de risques. Il faut simplement que je m'éloigne un minimum du centre ville. Je ré-ajuste mes bretelles de sac à dos, et me mets à marcher. Ces prochains jours vont être terriblement longs. J'avance dans ces rues que je connais depuis toujours, mais aujourd'hui, en ce jour d'octobre nuageux, c'est une ambiance de mort qui règne au dessus de nos têtes.
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Pour qu'on se souvienne
AdventureOn le savait tous. On savait que notre monde était voué à disparaître. On savait qu'on fonçait droit dans le mur. Ça ne nous a pas empêché d'appuyer sur l'accélérateur en chantant gaiement .