Chapitre 11

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Le lendemain matin, lorsque Naama se réveilla, le lit était vide. L’odeur musqué de l’homme s’effaçait presque de la chambre alors, Naama courut dans le salon afin de ne pas rater son départ.

-Où comptez-vous aller comme cela en nuisette ?

Naama s’arrêta sur le pas de la porte et se retourna. Il le vit debout dans le salon, à côté d’un écran. Le costume noir impeccable qu’il portait montrait bien qu’il s’apprêtait de nouveau à s’en aller.

-Cette fois-ci, si vous partez je m’enfuirai, prévint Naama en croisant les bras.

Son comportement amusa Sergio qui se mit à sourire, ce qui choqua Naama. La pauvre refusait de passer un jour de plus seule dans cette immense maison.

-Il y a plus d’une vingtaine de garde devant le portail. Personne ne peut entrer ou sortir si je n’en donne pas l’ordre. Comment est-ce que vous comptiez vous y prendre pour vous enfuir ?

-Vous êtes si…

-Monstrueux, kidnappeur, assassin, quoi de plus ? Questionna Sergio en buvant une gorgé de son thé qu’il tenait dans la main.

Le cœur  de Naama se comprima lorsqu’il fit mention du thème assassin. La pauvre pensait que c’était du passé. Délicatement, elle décroisa les bras et baisa la tête.

-Peu importe ce que je suis, je ne changerai pas.

-Pourquoi m’avoir amené ici si c’est pour m’abandonner seul, dans une si grande maison, se plaignit Naama le visage rembruni.

Sergio reconnut qu’elle avait raison. En la kidnappant, il n’avait pas réellement l’intention de l’abandonner ici, mais pour le moment, pour sa propre sécurité, il valait mieux pour elle qu’elle ne reste ici.

-Je vous promets de ne pas tarder aujourd’hui, dit Sergio en quittant la maison.

Naama s'était réfugiée sur la terrasse qui longeait toute la villa. En face d'elle se tenait le jardin dont l'odeur était alléchante. De magnifiques roses blanches pointaient le bout de leur nez. Elle se souvint que dans le manoir dans lequel elle avait grandi, se trouvait un jardin aussi beau que celui-ci. Fermant les yeux précipitamment afin d'empêcher une goutte de larme  de coulée sur ses joues, Naama s'avoua difficilement la solitude dans laquelle elle vivait depuis fort longtemps. Sa famille lui manquait. Son frère lui manquait. Elle ne se souvenait peut-être plus de ses parents, mais elle avait le souvenir de son frère aîné gravé dans son cœur. Naama se souvint encore de cette nuit au cours de laquelle le sultan était venu l'enlever. Elle se souvint être seule dans la maison. Une larme roula sur sa joue lorsqu'elle se souvint des confidences que lui avait faites son frère le matin avant que le sultan ne vienne l'enlever. Son cœur n'arrêtait de se comprimer chaque fois qu'elle pensait à son histoire. Bien vrai qu'elle n'était pas encore arrivé à sa destination, mais elle bénissait le Seigneur de ne plus être auprès de ce maudit sultan.

-Elles sont magnifiques n'est-ce pas?

Lorsque Naama redressa la tête, elle vit à côté d'elle une femme qui paraissait un peu avancé dans l'âge. Quelques mèches grises apparaissaient dans sa longue chevelure et cette dernière avait un accent typiquement italien. Sur son corps se tenait un tablier. Suivant le regard de la dame, elle posa ses yeux vers une allée remplie de roses blanches mélangées à des roses rouges et des branches vertes brillantes.

-Oui, elles sont  magnifiques, répondit Naama de sa voix morose.

-Il paraîtrait que la solitude donnait plus vide de rides que l'âge.

-Oh mon Dieu, dit Naama affolée.

D'un geste rapide, Naama se leva afin de contempler son visage dans la baie vitrée, qui se trouvait pas loin d'elle. Puisqu'elle se savait avoir un penchant pour la solitude, le pire serait qu'elle ait des rides à son jeune âge.

-Calmez-vous ma fille, ce n'est qu'une blague, ria la vieille dame. Toutefois, interdiction de rester seule.

Naama soupira profondément afin de revenir en elle. La dame en face d'elle l'observait avec tellement de tendresse qu'elle ne pût éviter de lui sourire en retour. Depuis quand n'avait-elle plus fait ça? Presque cinq ans se dit-elle. Depuis presque cinq ans le sourire avait déserté son visage et voilà que, mine de rien et sans forcer, une inconnue venait de la faire sourire. Le cœur de Naama s'embrasa, lorsqu'elle se rendit compte, que ça faisait deux nouveaux sentiments qu'elle venait de vivre depuis qu'elle avait croisé kidnappeur. D'abord une attirance indescriptible, et voilà qu'à présent elle venait de sourire.

-Je vous remercie madame, dit Naama en baisant la tête.

-Oh ne me remerciez pas encore jeune fille, et vous pouvez m'appeler Margueritte.

Marguerite était la gouvernante de cette villa. Sergio venait très peu ici, alors c'était elle qui dirigeait tout. Depuis presque quatre heures de temps, Marguerite observait Naama restée immobile sur cette chaise. Elle la voyait tantôt croisée les bras, tantôt les décroisés et aussi essuyer des gouttes de larmes. Afin de compte, elle s'était décidée à lui changer les idées. En effet, Marguerite était retournée en Italie pour se ressourcer, mais lorsque Sergio lui avait annoncé avoir amené avec lui une femme, elle avait pris le premier vol, afin de revenir ici à Seattle pour s’occuper d’elle.

-Comment ça, pas encore? Questionna Naama surprise.

-À moins que vous n'ayez autre chose à faire que de vous asseoir sur cette chaise pourrie, je vous invite à faire une tarte.

Marguerite souleva son bras afin de lui montrer le panier remplir de pommes vertes qu'elle tenait.

-Je peux... Enfin,  vous serez d'accord que je… La vérité c'est que je suis de mauvaise compagnie, avoua Naama tristement.

Baissant de nouveau la tête, elle se déroba du regard de Marguerite. Là-bas, dans le royaume du sultan, les femmes du harem passaient leur temps à lui dire combien de fois elle était casse couilles. Certaines d'entre elle, la désignaient par le nom de pleurnicheuse. Il suffisait qu'elle s'approche d'un groupe de femme, juste pour s'assoir en leur compagnie, que ses dernières se disloquèrent. Elle n'aimait pas non plus rester en leur compagnie, mais elle le faisait pour se fondre dans la masse afin d'éviter d'être le centre d'attention du sultan. Au bout de compte, Naama avait fini par se réfugié dans la solitude.

-Ça, laissez-moi en juger de moi-même, dit Marguerite en souriant.

Amour à Marrakech Où les histoires vivent. Découvrez maintenant