Chapitre 9

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A l'aide d'un cuter, j'ouvre deux grands cartons pleins de décorations offertes par la ville. Si les bénévoles apportent les cadeaux et préparent un bon repas pour les familles les moins aisées, l'Etat fait également un petit geste pour la communauté.

- C'est drôle, dit Spencer en découvrant des guirlandes de toutes les couleurs. Ça fait longtemps que je n'avais plus fait ça.

- Tu n'as pas de sapin chez toi ?, demandé-je en triant ce qui est neuf et ce qui est abimé.

- Je n'ai pas passé Noël à la maison depuis des années.

- Où étais-tu ?

- Un peu partout dans le monde. En fait, le jour où nous nous sommes rencontrés, je venais tout juste de rentrer d'... .

Il fait semblant de dénouer une longue guirlande lumineuse et de vérifier les leds alors que je lève la tête pour l'interroger.

- J'ai conduis très longtemps avant de voir votre banderole.

- Tu ne voulais pas rentrer chez toi, soufflé-je en me rappelant parfaitement ce qu'il portait à ce moment-là.

Un treillis et un pull vert kaki. Même si le flou autour de cet homme mystérieux commence à s'éclaircir, il me reste encore un millier de questions à lui poser. Pour le moment, je regarde les lumières clignoter et se refléter dans ses yeux. Son visage est littéralement illuminé. Sous la barbe, ses lèvres fines sourient. Où passe-t-il son temps s'il fuit notre monde moderne et sa propre famille ?

Ses mains calleuses caressent finement les 30 mètres de fils comme pour vérifier qu'ils ne soient pas dégradés. Spencer prend soin de tout ce qu'il touche avec précaution et lenteur. Troublant et captivant, je n'arrive pas à détacher mes yeux de lui.

Il cache l'alimentation entre les branches qui touchent le sol puis me confie une extrémité de la guirlande.

- Tu pars sur la gauche et moi sur la droite, me dit-il.

J'acquiesce d'un signe de tête et nous nous sourions chaque fois que nous nous croisons comme deux gamins. Les autres filles doivent me jalouser en cet instant. Le sapin est large et haut. La guirlande semble n'avoir ni queue ni tête. J'en ai le tournis d'en faire cinq, six, dix fois le tour. Ou peut-être est-ce l'odeur de Spencer, le fait que sa chemise soit entrouverte assez largement sur le haut de son torse, ses cheveux blonds en bataille.

Il lève les bras pour terminer d'orner l'arbre alors que je dois me recroqueviller pour passer en-dessous de lui, le frôlant, frottant plusieurs fois ma joue à sa chemise.

D'une main sur l'épaule, il m'arrête lorsque la guirlande est installée et je vacille une seconde, m'intimant silencieusement de ne pas tomber tout contre lui.

Ses doigts caressent les miens lorsqu'il prend le bout de fil que je tenais encore. Tout à coup, je me retrouve coincée entre le corps puissant de Spencer et le sapin. Je n'ai que deux choix : me blottir contre son torse ou reculer et risquer de renverser l'arbre synthétique. Je décide de baisser la tête et de poser le front contre son pectoral gauche alors qu'il lâche un soupir dans son effort d'étirer le bras au-dessus de ma tête pour cacher les dernières leds.

Il ne semble pas se rendre compte de l'effet qu'il produit sur moi. Mon corps réagit à son contact. Je retiens ma respiration. Autant pour ne pas me laisser envoûter par son parfum que pour calmer les battements de mon cœur.

Il fait un pas en arrière, ne semblant même pas remarquer ma présence et jauge notre travail avec un certain recul. Il replace plusieurs fois la guirlande pour qu'elle soit bien droite et ça me fait sourire :

- Doué en maths, mémoire infaillible et perfectionniste, dis-je amusée.

- On regarde ce que ça donne ? Propose-t-il.

J'acquiesce mais nos fronts se cognent lorsque nous nous accroupissons au même moment pour brancher l'alimentation. Il me sourit de toutes ses dents et je fonds, juste là avec une prise de 110 volts à fiches plates dans la main. Je traîne tellement, noyée dans ses yeux bleus que les doigts de Spencer glissent sur ma paume pour me la prendre. Il se penche un peu plus, maintenant à quatre pattes et mon regard se pose sur sa nuque dégagée. Sa peau est décidément très bronzée. Je fronce le nez et m'apprête à fureter sous le col de sa chemise lorsque j'aperçois la naissance d'un autre tatouage mais Spencer me devance et est déjà debout, le regard fixe.


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