Laura

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What the fuck?
Ça c'était probablement les minutes les plus intenses pis weird de toute ma vie. Les paroles de Ben me tournent dans la tête depuis que je suis à terre avec lui. J'avais remarqué, même en 24 heures, qu'il était pas mal impulsif, mais ça, WoW, je m'attendais pas à ce qui crie des insultes à son oncle et qu'il s'en prenne comme ça à la fille qui vient de passer, même si je le comprends un peu. J'imagine qu'un gars comme lui est pas en couple, bon il a quand même fourrer la fille d'un mafioso, donc je vois pas de quoi la fille voulais parler. Je suis perdue, je devrais lui poser les questions que j'ai dans la tête, mais c'est clairement pas le bon moment.
Je lève doucement les yeux sur ses bras tendus, tout son corps raidit par cet excès de rage, sur son visage, sa mâchoire qui se contracte et se relâche régulièrement, puis ses yeux verts, remplis d'eau et légèrement rougis. Ça me fait mal de le voir comme ça, bizarrement quand je suis avec lui c'est comme si je l'avais toujours connu, comme s'il était à part entière dans ma vie.
Je me demande à quoi il pense, il se sent probablement encore plus frustré qu'avant. Je déteste vraiment le voir comme ça je veux qu'il sourisse.
- En tout cas j'pense que ta concentration est pas mal comme le bibelot, amoché en crisse pis probablement pas réparable.
Ça a l'effet que je veux, il sourit tristement. Mais je dois quand même lui poser la question qui me brûle la langue.
- À quoi tu penses?
Je vois clairement qu'il hésite, quelque chose chez lui l'empêche de me dire ce qui se passe, mais je comprends, j'veux dire qui va aller se confier à une fille qu'il connaît depuis à peine une journée? Je le regarde toujours, lui fixe nos mains. Oui je lui ai pris les mains, mais des fois un petit contact de chaleur peut faire une grande différence dans notre tête. Il finit par se lancer, après ce qui me semble être une éternité, avec une voix cassée.
- Je... j'me sens tellement con, mais tellement... tellement en crisse en même temps. Maya me fait chier ces temps-ci c'est pas possible. Je sais que tu dois bien te demander quel crisse de cave trompe sa blonde, mais l'affaire c'est que ça fait un an... ça fait un an qu'elle m'a trompé... qu'elle est partie...
Il ferme les yeux. Une séparation douloureuse à ce que je peux voir. Une larme coule le long de sa joue, mais il l'essuie aussitôt qu'elle passe. Non pleure pas!
- Heille c'est pas grave! Non j'ai pas pensé à ça okay, tsay c'est pas grave si t'arrives pas encore à en parler, des fois c'est mieux comme ça. C'est normal, pis j'imagine que c'est ça qui t'a faite perdre le contrôle.
Il hoche la tête les dents encore plus serrées.
- T'aurais pas du voir ça... me chuchote Ben entre ses dents, la tête baissée, Je sais que ça va te faire probablement peur ou je sais pas quoi, mais c'est sur que peu importe ce que je te dis tu vas te dire que c'est normal pour un gars comme moi, dans l'illégalité qui s'en calisse un peu des règles, de peter des coches comme ça. Que j't'un osti de bipolaire qui sait pas réfléchir comme du monde ou que la dope a ramolli mon cerveau!
Quoi...?
- Arrête toi tout d'suite. je le coupe, Jamais, j'dis bien jamais, j'ai pensé à ça, jamais tu va me faire peur parce que t'es impulsif. J'ai vu pire pis jamais je juge quelqu'un aussi facilement. T'es un bon garçon Ben, c'est juste parce que t'en a trop à gérer en même temps, calme toi, respire un bon coup, pis regarde moi. il lève les yeux vers les miens puis il prend une grande respiration, Asteur promet moi de pu jamais dire des niaiseries demême, il sourit, ça fait peut-être juste un jour qu'on se connaît, mais je peux te jurer sur la tête de mon papy, que je suis là pour toi, pis que si les autres te jugent sans te connaître bah... qu'ils mangent d'la marde parce qu'ils sont dans le champ.
Il sourit et rabaisse ses yeux sur nos mains encore. Je frotte mon pouce sur ses doigts. On reste comme ça sans rien dire pour ce qui me semble une éternité. Une éternité relaxante et douce, toute enveloppante et rassurante comme un câlin de papy. Mes pensées vont elles même vers mes meilleurs souvenirs avec papy, le jour d'une tempête de neige enroulée dans une peau de mouton devant le poêle à bois, les grandes chaleurs d'août dans l'étable à s'arroser et arroser les animaux avec le tuyau d'eau, les grandes journées de ménage ou papy me racontait sa vie et ses souvenirs d'enfance, le jour de mon anniversaire de 9 ans même si c'était il y a 14 ans déjà. Je souris bêtement en repensant à tous ces petits moments qui sont marqués dans ma tête pour toujours. Chaque moment passés avec papy me rappelle quand j'étais plus jeune, innocente et ne se souciant pas vraiment des maladies ni de la mort. En grandissant j'ai appris que la mort est seulement une autre étape de la vie et que la prochaine vie attend le défunt avec patience. Oui perdre quelqu'un est difficile, parce que, physiquement, la personne n'est plus là, mais elle l'est toujours dans le cœur.
La sonnerie de mon téléphone me fait sursauter, Ben aussi. Je me lève pour aller le reprendre, je l'avais laissé sur le bureau de Ben et je répond machinalement. La même voix grave de ce matin sonne dans mon oreille avec un fond de musique beaucoup trop forte.
- Chér... va?... re.. message... availle?...
La seule chose que mon grand-père n'a pas pu m'apprendre c'est la patience envers mon père, ça je l'apprends à tous les jours toute seule. Je soupire assez fort. Il est encore saoul dans un bar et il commence à se souvenir qu'il a un enfant.
- Papa... sérieusement j'entends rien avec la musique.
- Quoioii? me coupe-t-il
- Sort du crisse de bar pour m'appeler...
Y'a des jours où je me demande comment ma mère est tombée amoureuse de lui, parce qu'un homme qui noie ses problèmes dans l'alcool est un homme qui a besoin d'une aide psychologique assez urgente.
Je l'entends encore marmonner des mots que je comprends pas à moitié donc je raccroche. Souvent il comprend le message comme ça et il me rappelle dans les secondes qui suivent. Je me tourne vers Ben qui se... il est plus par terre. Je me tourne encore pour le trouver et il est assis dans sa chaise avec son air normal retrouvé, mais légèrement inquiet.
- Des problèmes? il me demande avec sa belle voix grave.
Je secoue la tête exaspérée et répond attristée.
- Pire que des problèmes... mon père saoul... encore.

This lifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant