Lorsque j'étais à l'hôpital, j'avais énormément de temps libre, affalée sur un lit fait sans réelles préoccupations et alors je pensais à tout et à n'importe quoi. Juste pour m'occuper l'esprit et ne pas tomber dans une solitude tonitruante, même si la présence d'Adam ne pouvait me laisser ainsi sombrer.
Je voulais, je pouvais tout me permettre, des rêves réels ou abstraits. Je me créais tout un tas de bordel de drames. J'imaginai ma vie en tourbillon. Je sortais parfois le doigt de mon annulaire et le repassais en faisant des demandes de mariage tout esseulée. Cela peut paraître fou, mais c'est comme ça que je passais mon temps. C'était une façon à moi de combler l'espace et le vide. Personne n'avait le droit de critiquer ce que je faisais, mijotais toute seule, et lorsque l'infirmière me surprenait, elle n'avait pas de mal à en parler à monsieur -yeux -vairons. Puis j'entendais leurs fous rires hilares dans le couloir, et j'étais alors mitigée entre me lever pour crier ma rage face à leurs moqueries, ou bien éclater de rire à mon tour car j'étais réellement tordue.
Ce dernier, me ramenait aussi des livres, des tonnes de livres. Je ne saurais dire lequel j'ai lu en premier, peut-être est-ce l'oiseau tempête ? Ou bien Nos étoiles contraires ? Cependant, je crois que c'est Looking for Alaska, car à la fin j'ai pleuré bruyamment, en sanglotant d'une façon horrible, avec Aïko qui semblait ni me connaître, ni comprendre ce qu'elle faisait dans cette chambre. Mais, je les lisais quand-même avidement, je les dévorais, chacun en une nuit ou quelques heures à peine. Je commençais l'après-midi, le jour suivant à la même heure, soit je l'avais déjà fini et j'étais plongée dans quelque chose d'autre, avec Adam assis sur le sofa en face de mon lit en train de lire l'attaque des titans, soit j'étais en train de le finir avec une boule d'excitation grandissant dans mon ventre.
Parfois, je passais du temps sur mon cellulaire, une petite merveille selon moi. A un moment donné, alors que je contemplais l'horizon, la tête posée à l'intérieur de ma paume, je regardais par la même occasion Adam rejoindre Taeyong de l'autre côté de la grille, quand j'entendis des paroles inintelligibles, bien trop curieuse pour ne pas en faire toute une histoire, je tendis l'oreille et quelques secondes plus tard, je devinai que le directeur du département psychiatrique, là où j'étais hospitalisée, donnait le code d'accès au réseau internet auquel il se connectait à quelqu'un. Agile, je pris un des bouquins dispersés, un crayon et écris à la hâte les nombres et chiffres qui se succédaient. Voilà comment je me retrouvais à faire des recherches à propos de n'importe quoi sur Google.
-Les pingouins ont-ils des genoux ?
-Qu'ai-je mangé hier ?
-Est-ce que j'ai des fesses d'une vielle femme de 40 ans ?
-Est-ce que la petite souris existe vraiment « celle qui normalement échange nos dents contre des pièces de monnaie » ?
-Qui suis-je ?
J'ai été particulièrement adepte aux théories d'Albert Einstein, la chose était que, j'aimais visionner des vidéos qui exposaient dramatiquement ses exploits, son intelligence et son génie, sauf qu'avant que le présentateur ne dise un mot, je l'avais déjà deviné, ce qui me semblait bizarre et amusant, je m'étais même créé un jeu où je devinais les paroles qui allaient être prononcées.
Pourtant, j'oubliais que dans le monde réel, l'humble vérité, la froideur emporte le combat haut la main.
Je faisais beaucoup de nuits d'insomnie aussi. J'imaginais ma vie, comment elle était, je concevais ma vie au lycée, les amies qui viendraient me rendre visite à la maison car ils ne pouvaient, peut-être, pas alors que j'étais à l'hôpital. Je me créais tout un univers idéal. Je pensais à la décoration de ma chambre confortable et présentatrice de l'adolescente que j'étais, aux listes de films que je trouverais sur mon pc et que je visionnerais. Je rêvais qu'on me tienne fort, au chaud, dans des bras protecteurs, j'en rêvais de ses amis. Pour moi, les fiches de dessins de manga étaient prêts, dessinés, perfectionnés. Ma vie était construite et achevée.
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Dix-sept heures, quinze minutes.
Roman d'amourVoici l'heure à laquelle l'ancienne moi s'est éteinte et peut-être ne se réveillera jamais. Voici l'heure, maudite soit-elle, qu'il haït de tout son être. L'heure qui lui a volé les derniers éclats de ses remords, les derniers éclats de mon innocen...