Une droite est une ligne qui n'a qu'une seule direction, dont l'image est celle d'un fil parfaitement tendu et sans limite.
Les deux points A et B appartiennent à la droite (AB). On nomme le segment de droite composé par A et B. On le supprime. Il y a une coupure entre les deux points. Il n'y a plus de droite dite (AB), on a deux demi-droites.
Voici l'état de ma mémoire. Deux demi-droites. Une coupure au milieu. Je sais ce qui s'est passé au festival sauf qu'après, je n'ai plus aucun souvenir, rien. La dernière image qui traverse mon esprit est celle de moi debout devant un tas de gens en train de chanter. C'est celle de moi terrifiée, glacée jusqu'à l'os. Je fais partie d'une spirale. Vous suivez du regard, mais je m'enfonce tellement que vous me perdez. Je suis tombée dans un trou noir, je tourne, tourne et tourne sans jamais trouver de sortie. On m'a avalée. On m'a inhalée. On m'a fumée, lentement, on en a profité jusqu'au bout. Vous m'avez sucée jusqu'à l'os.
C'est ce à quoi je pense quand j'ouvre les yeux le lendemain matin.
Un an avant le jour-j.
Mes yeux me font mal.
C'est sûrement dû à mon manque de sommeil accumulé de ses derniers jours. Je suis tout le temps fatiguée et je ne sais même pas pourquoi. En réalité, si, je le sais. Mais pourquoi faire face à la réalité, n'est-ce pas ?
Ma vie en un seul mot, ce n'est qu'une escobarderie. Je ressemble à ce genre d'employé(e)s qui ratent plus de 4 réunions par mois et qui ont un don pour inventer une excuse différente à chaque fois tout en cachant la vérité. Notre vérité est couverte d'opprobre.
Tout est si beau lorsque l'on est certain que nous avons tout sous contrôle, sauf que d'un point de vue réaliste, c'est une minuterie. Vous enfournez votre gâteau avec un faux timing, bien évidemment, vous n'êtes pas au courant de ce dernier détail. Il y a ce tic tac, tic tac assourdissant parfois, ça vous torture. C'est en synchronisation avec votre cœur fou, il est confiné à l'intérieur de cette cage thoracique, il veut sortir. Il bat, bat, bat au rythme de ce tic-tac, tic-tac, tic tac. Il se débat, un jour, il arrêtera, dieu l'aura voulu. Mais vous faites autre chose, vous répondez à vos mails, tout est sous contrôle. Mais vous y pensez quand même, le gâteau n'est pas un cake, ni est-il une grande génoise, il est engouffré à une haute température. Le timing vous laisse un arrière goût. Le tic tac de l'horloge vous irrite. Dans votre tête des alarmes se déclenchent. Votre vie a depuis longtemps pris feu mais votre odorat n'a rien capté. Vous brûlez avec. Vous ne serez que poussière.
Je sais ce qui m'inquiète, l'échec. Je le vis très mal avant même que ça ne m'arrive. J'anticipe, j'y pense, et ça me consume. Je serais en train de regarder Romance is a bonus book, soudain je mets l'épisode sur pause. J'avais justement soumit une dissertation le jour même, j'étais plutôt confiante d'ailleurs. Je regarde le plafond. "Oh mon dieu ! Je n'ai pas revu la ponctuation pour la troisième fois ! Comment veux-tu réussir Betül ! Hein ? Dis moi ? Veux-tu finir par épouser Sermet et vivre dans ta petite ville d'origine ? Tu feras à manger, rangeras la petite maison et adieu ta liberté ! Indépendance ! Tu n'auras plus d'échappatoire. Tu sais que tu n'es pas du genre à vouloir être contrôlée. Tu ne veux pas juste une carte de crédit, tu veux la tienne. Tu veux ta propre carte de crédit. Tu ne veux pas devoir regarder la caissière retirer l'argent de la carte te demandant si la dépense est réellement nécessaire, car ce n'est pas à toi.
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Dix-sept heures, quinze minutes.
RomanceVoici l'heure à laquelle l'ancienne moi s'est éteinte et peut-être ne se réveillera jamais. Voici l'heure, maudite soit-elle, qu'il haït de tout son être. L'heure qui lui a volé les derniers éclats de ses remords, les derniers éclats de mon innocen...