C'était un réveil de plus, mais cette nuit, plus que les autres, il avait bien dormi. Assis sur son lit, la lumière du jour lui éclairant le visage, Mumei repensait à l'appât lancé à la mer hier à la fin de son récit, il en rigolait presque d'avoir autant forcé la main à son public des quatre derniers jours. Sa journée ne pouvait pas mieux commencer qu'avec ce souvenir-là.
D'ailleurs il s'en rendait compte, depuis son arrivée, ses journées prenaient déjà des allures de routines, il se levait ; faisait un brin de toilette ; prenait le petit déjeuner avec Karl en discutant rapidement des quelques ragots ainsi que de son histoire de la veille, puis il sortait se promener afin de pouvoir faire son entraînement matinal. Il se baladait ou méditait puis arrivait doucement le soir où il racontait un petit morceau supplémentaire de son histoire. Seul changement, aujourd'hui encore le petit Suell était présent l'entraînement. Il lui faisait répéter avec exactitude les mêmes mouvements que la veille. Bien qu'il s'en plaignait, Mumei lui répétait inlassablement :
« La précision du mouvement est la source de sa puissance. L'arme doit être le prolongement de ton corps. Maîtrise-le et tu maîtriseras l'environnement. »Ces adages, qu'il rappelait sans cesse, ils les avaient lui-même très souvent entendu dans sa jeunesse durant son entraînement. Ses différents maîtres, ne lui apprenaient pas la même chose, mais ils avaient au moins ce discours en commun, le corps est l'arme qui assurera la destruction et la survie. Si tu ne maintiens pas ton équilibre alors même le plus faible adversaire aura raison de toi. Aujourd'hui c'était à son tour de le transmettre et voir ce jeune agir comme lui il fut un temps le rendait nostalgique, il comprenait aussi à quel point il avait pu être difficile parfois, ces souvenir l'amusaient, lui laissaient un parfum de douceur qui caressait doucement son cœur. Loin des mauvais jours ce sentiment de partage était comme une pépite à ses yeux. Ce fut une journée de plus qui allait se terminer sans encombre, notre professeur pu noter la présence des parents de Suell venu vérifier que l'entrainement que suivait leur petit était comme Mumei leur avait dit, c'est-à-dire centré sur des mouvements physiques et non violent. Ils avaient tenté de rester discret mais ces gens étaient des personnes tout à fait normales, donc impossible de cacher leur présence. Cependant, notre conteur avait fait mine de ne pas les avoir remarquées afin d'éviter toute discorde familiale entre parents et leur enfant.
C'est ainsi qu'on se retrouva doucement à l'auberge, bien avant l'heure du souper cette fois, la flamme attisée de la veille brûlait encore en chacun d'eux et tous attendaient l'heure impatiemment. Mumei fit son entrée, en avance cette fois, les gens se faisaient servir au comptoir, à tel points que Karl était presque débordé. Notre vieil homme s'avança vers le comptoir et glissa doucettement à Karl d'un air narquois :
« Regarde-moi ça ! Avec mes pitreries je vais te faire travailler jusqu'à l'épuisement ! ». Ce à quoi l'aubergiste répondit en rigolant :
« Va donc continuer tes pitreries, au moins quand tu parles personne ne bouge, et moi, je me repose ! » .
« Ne t'en fais pas, je te regarde t'épuiser encore un peu et je me lance ! » Lui répondit Mumei en s'assaillant au comptoir afin de manger son repas.
Un respect mutuel naissait petit à petit entre les deux antagonistes. Karl n'était pas vraiment la personne qu'il voulait faire croire, peu importe son passé, ce n'était pas celui d'un aubergiste de village, du moins c'était la conviction de notre conteur. Il profita encore un peu de la scène tout en mangeant son repas sans trop se faire remarquer. Après quoi il se leva et s'avança vers sa place habituelle, les gens commencèrent à le remarquer. La salle d'abord très bruyante devint peu à peu silencieuse à mesure que Mumei se rapprochait de sa place. Arrivant vers sa table, il s'arrêta, se retourna pour regarder l'assemblée de gens venu spécialement l'écouter et s'adressa à eux :
« Bonsoir ! Avez-vous bien mangé ? » Dit-il avec le sourire.
La salle tomba des nus, ils attendaient l'histoire, pas à ce qu'on s'intéresse à leur repas.
« Vous êtes bien tendus ce soir ! Que se passe-t-il ? » Renchérit Mumei qui faisait mine de ne pas comprendre.
Suell qui était assis avec ses parents se leva et lui dit qu'avec ses derniers mots d'hier, plus personne ne pensait à autre chose qu'à ceci. Ce qui eut l'air d'amuser notre conteur.
« On attends la suite avec impatience, on espère juste savoir si tu es ou non la personne de l'histoire ! » Lança-t-il acclamé par le reste de la foule.
« Ha ! C'est donc ça ? » S'interrogea faussement notre homme avant d'ajouter :
« Dans ce cas, commençons ! Si vous êtes impatient de découvrir la suite, je vais vous la conter. »
Il avait déplacé sa chaise de quelques mètres sur la droite, afin de ne plus être attablé et directement face à son public. Il s'y assit doucement prétextant avec humour que sa lenteur était due à son âge. Il s'étira ensuite le dos, soupira longuement et regarda le groupe de villageois qui n'attendait plus que lui et commença la suite de son histoire.
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Dérathlyis, le destin d'un héros
FantasyNous nous retrouvons dans un monde fictif, on y suit un vieil homme qui rentre dans une auberge d'un tout petit village perdu au beau milieu d'une forêt. Ce vieillard décide d'y raconter une histoire, contre toute attente les gens de l'auberge l'éco...