7 Le ciel se couvre

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      Gavrielle sillonnait le chemin de ronde qui entourait le château de Tiredaile. Cette année il avait décidé de ne pas se rendre en ville lors de la fête de la lune. Même s'il savait que les rituelles qui marquaient ce grand événement étaient sacrés, et que la royauté se devait de se trouver à la citadelle sur l'heure de minuit. Le jeune homme observa un instant la lune qui s'élevait, paresseuse, dans un ciel étoilé. 

La nuit était claire mais elle n'avait pas cette légèreté que l'on attribue habituellement aux nuits des saisons chaudes. L'air était humide et lourd, et la lumière des astres semblait factice. Dans cette atmosphère pesante, quelques gardes faisaient leurs rondes autour du beffroi et le long du chemin de ronde où Gavrielle se trouvait. Le bruit régulier de leur lourdes bottes était le seul bruit qui venait troubler l'opacité du silence. Dans la pénombre leurs cottes de mailles et la pointe de leurs lances reflétaient la lueur argenté de la lune. Au départ Gavi ne leur prêta pas attention, puis quelque chose changea dans leur attitude, mais le blond n'aurait su dire quoi. Il tenta de ne pas laisser paraître son angoisse quand tous les gardes aux alentours, s'immobilisèrent un instant dans une synchronie parfaite ; de sorte que le silence qui régnait ne fut plus interrompu que par le chant d'un merle noir égaré. 

Dans cet instant suspendu hors du temps, Gavrielle avait retenu son souffle, incapable de faire le moindre mouvement.
 Puis comme si rien ne s'était passé les gardes reprirent leurs marches, dans cette même cadence aussi régulière que les battements d'un métronome. Gavrielle soupira, relâchant la pression qui s'était emparer de ses membres. Peut-être baissa-t-il sa garde trop tôt, car à peine l'eut-il fait que les longs pas des gardes se muèrent en course effrénée dans le dos de l'adolescent. L'un des gardes, brandit sa lance, s'apprêtant à frapper le jeune prince.
 Celui-ci écarquilla les yeux de stupeur, il fit un pas de côté pour esquiver la pointe aiguisée de la lance mais ne fut pas assez rapide pour l'empêcher de lui taillader l'épaule droite. 

- Qu'est-ce que tu fais ? grimaça le blond en plaquant une main sur son épaule ensanglantée.

Le garde dont les yeux étaient vitreux, n'en eut cure, déjà il brandissait de nouveau sa lance dans un geste mécanique. Cette fois Gavrielle eut le temps de s'élancer le long des remparts, courant à perte d'haleine. Derrière lui le garde qui avait tenté de l'embrocher s'était lancé à sa poursuite, devant lui la silhouette d'un autre garde se profilait dans l'étroit chemin de ronde. Soulagé Gavrielle tenta de l'appeler. Son soulagement fut de courte durée quand le deuxième garde brandit à son tour sa lance. Gavrielle stoppa net sa course, n'ayant aucune arme sur lui, il se retrouvait pris en tenaille. Devait-il enjamber le muret qui entourait le chemin au risque de se briser les os en atterrissant aux pieds des remparts ?
Dans tout les cas il mourrait se dit-il, autant trépasser dignement et tenter de se défendre. Il se campa donc sur ses jambes, attendant le moment fatidique où ces deux agresseurs arriveraient a sa hauteur. Le garde le plus proche s'approcha donc, il avait ralenti sa course en devinant la position délicate de sa proie et faisait maintenant de grands pas, l'arme à la main.

 Gavi s'apprêta à devoir esquiver le coup de lance mais celui-ci ne vint jamais. A la place, le prince vit le corps de l'homme qui lui faisait face se consumer dans un gerbe de flammes. L'homme émit un cri étouffé et un dernier râle de douleur alors que son corps tombait lourdement aux pieds d'un prince hébété et incapable de faire un seul mouvement. Dans son dos, le deuxième garde subit le même le sort. Les flammes crépitèrent et illuminèrent un instant le chemin de ronde plongé dans la nuit, puis s'estompèrent aussi vite qu'elles n'étaient apparues. Une fumée âcre se dégagea des corps cramoisis, forçant Gavi à plisser les yeux. Il ne comprenait pas ce qui venait de se produire. Il eut à peine le temps d'y penser, que déjà quelqu'un lui attrapait le bras et l'entraînait à sa suite.

-Ly ? articula difficilement Gavrielle en reconnaissant la longue chevelure de jais du jeune homme.

Quand il lui répondit, Lysandre se retourna brièvement vers le blond, sans ralentir l'allure à laquelle il l'entraînait à travers le chemin de ronde puis dans l'escalier sinueux de la tour Ouest ; trop brièvement pour que Gavi puisse détailler l'expression de son visage, mais assez longtemps pour qu'il puisse voir que ses iris avaient pris une couleur rouge sang.

- Tu es en danger Gavi, nous devons partir tout de suite !

-Partir ? Pour aller où ? Que se passe-t-il ? Pourquoi les gardes du château ont tenté de m'assassiner ?

- Ils auraient réussi si je n'étais pas arrivé. Tu devrais être habitué aux tentatives d'assassinat et ne pas te promener seul sans arme. Railla l'apprenti mage.

La frontière des HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant