chapitre bonus 2. Le journal de Sylvère

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Le journal de Sylvère

mémoire 1

Je m'appelle Sylvère, plus connu dans mes terres natales comme « l'être des forêts ». Certainement car je ne me lasse pas d'arpenter leurs sentiers. Ah ! Ces sentiers qui auront bordés ma vie, on y apprend souvent d'étranges choses, on y fait parfois d'étranges rencontres.

Déjà quand j'étais enfant, mes parents avaient été de grands voyageurs. C'est eux qui m'ont donné goût à l'aventure. Pour un enfant le monde est toujours bien grand, l'océan infini et le ciel de la côte bien sombre. J'ai connu l'archipel des Yoldiya, et traversé les campagnes shagiryènes, gravi les dunes géantes d'Ymérine et vogué sur les eaux du Bokabetsy.

Aujourd'hui, le temps m'aura rattrapé, mais je n'ai aucun regret. J'aurais côtoyé plus d'un peuple, appris plus d'une légende et compris que la foi est l'un des rares éléments qui relie encore les habitants de notre monde. Je me suis d'ailleurs passionné pour l'histoire de tout ces peuples, de toutes ces personnes. Mais rien n'aurait pu me préparer aux événements de ces derniers mois. Il n'y a pas si longtemps encore, j'écrivais, assis devant le petit bureau de ma chambre d'auberge à Meg-Pohaku, une petite île perdue au large d'Ymérine. Je relatais mes dernières découvertes dans un carnet de voyage, en face de moi s'ouvrait une large fenêtre donnant sur l'embouchure du canal de Bokabetsy. Quelques barques de pêches faisaient leurs habituelles aller-retours, sur les eaux où se reflétaient les lueurs rosées du soleil couchant. Une légère brise venait chatouiller les roseaux et caresser la peau tannée de mon visage, rendu disgracieux par un nez de travers. Ah ! je me plait à penser que le monde puisse être aussi doux.

Mais voilà qu'une flottille de grandes Galères , toutes voiles déployées, venaient troubler le calme des pêcheurs Aumakuas. Toutes partaient vers le nord, s'apprêtant à passer par le canal. Vers le royaume d'Idemré ou celui d'Ymérine. Plus tard, j'appris qu'il s'agissait d'une flotte Helliène. Et bien plus tard encore, alors que mes pas m'avaient déjà conduit dans les terres du centre, que la souveraine d'Ymérine avait quitté ce monde dans des circonstances, pour le moins, sombre. Cette nouvelle ne manqua pas d'attiser mon trouble et c'est dans cet état d'esprit que je rejoignit la ville de Tiredaile. Je devais m'y rendre pour assister à la célèbre fête de la lune.

J'avais vu ces navires immenses, venant du pays de Hell, une flottille d'une dizaine de galères, chacune pouvant transporter une cinquantaine d'hommes. Personne ne savait où elles avaient débarqués . Et quelques jours après une souveraine rendait l'âme ?

Je ne savais pas à qui aurais-je pu confier mes doutes, jusqu'au moment où, flânant dans les rues animées d'une ville qui se prépare aux festivités, je tombais sur un visage connu de tous. Le maître des auras. Je l'avais déjà rencontré lors de mes nombreux voyages, en d'autres temps et en d'autres lieux. Je me demandais s'il me reconnaîtrait. Le vieux mage était suivi de son apprenti, un jeune garçon aux cheveux blonds, toujours soigneusement coiffé. Son regard d'un doré lumineux, laissait transparaître une vive intelligence et un caractère calme et posé.

Je ne pu m'entretenir longtemps avec le maître des auras, mais c'était un homme respectueux qui écoutait toujours ce que l'on avait à lui dire, cela avec la plus grande attention. Il savait mettre les gens en confiance, contrairement à son apprenti, dont le regard dur semblait analyser le moindre frémissement de mes lèvres. Néanmoins cette rencontre avait apaisé mes craintes, bien naïvement, je me senti en sécurité. Qu'aurait-il pu arriver qu'un puissant mage ne puisse prévoir ?

Le jour de la première lune, quelle ne fut pas ma surprise et ma terreur, quand une armée entière dévala la colline sacrée de Tiredaile, à la tombée de la nuit. Fauchant et frappant de leurs lames la masse humaine qui s'était réunie sur le versant de la colline. Bientôt la ville entière ressemblerait à un champ de bataille, et moi je me sentais incapable d'esquisser le moindre mouvement. La panique me submergea tout entier, et finalement sans un regard en arrière, je pris mes jambes à mon cou. Une forte odeur de brûlé s'était élevée aussi vite que moi je détalais sur le pavé des ruelles. J'avais fui vers les montagnes Est avec d'autres rescapés. Ma course effrénée, seul un jeune homme aux cheveux aussi flamboyant que les flammes qui nous entouraient, avait pu la stopper. Il semblait vouloir retourner en ville. Je tentais de l'en dissuader, mais dans son regard émeraude brillait une détermination farouche .

Je ne peux vanter aucune bravoure, mais au moins j'aurais survécu. J'aurais au moins sauvé mes écrits. Et mes mots survivront à ma chair, du moins, je l'espère. Ils perpétueront la mémoire d'une ville entière décimée en ce jour. Je m'en vais maintenant vers les terres chaudes du grand nord, découvrir ce que je peux encore offrir à ce triste monde.

La frontière des HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant