9 Liberté

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      Donovan n'eut pas à suivre l'armée sur beaucoup de mètres avant d'entrevoir une lumière argentée, qui ne venait pas du monde des ombres. Ses yeux, trop longtemps restés dans l'obscurité eurent du mal à s'adapter à cette clarté soudaine. Elle formait un mur de lumière dans lequel les soldats semblaient happés. Le jeune prince hâta le pas, un sourire euphorique se dessinant sur ses fines lèvres. Enfin il aperçut le disque d'argent entouré de nombreuse étoiles qui étaient à l'origine de cette lueur. Donovan avait cru ne plus jamais voir les astres de la première nuit des saisons chaudes, pourtant ils étaient bien là; dansant dans le ciel du monde des hommes et surplombant une ville plongée dans l'obscurité, le prince n'en fut que plus heureux quand il reconnut Tiredaile et sa colline où étaient réuni les habitants. « Ils fêtent certainement la fête de la lune, je me suis donc absenté si longtemps » pensa-t-il, enfin il était libre, il était de retour. Sa joie fut de courte durée, à peine eut-il fait un pas parmi les herbes folles de la colline, qu'il aperçut les soldats charger sur la population, en brandissant leurs haches de guerres. Des cris d'effroi et d'agonie résonnèrent, les mères serraient leurs enfants contre elles, suppliant pour qu'on les épargne. Certains hommes tentaient de les défendre, sans grand succès.
  
- Des hélliens ! Entendit-on avant que la voix ne se perde dans un râle de douleur.

Donovan était resté figé, incapable de comprendre ce qui se passait. Les paroles de Ena lui revinrent en tête : « tu as beaucoup plus à perdre » . Il ne pouvait pas rester là, sans rien faire. Pourtant quand il voulut se saisir d'une dague qu'un soldat avait du laisser tomber, le prince eut l'impression que son corps, devenu translucide, ne pouvait plus lui servir de réceptacle avec le monde physique. Les soldats et les Tiredailiens passaient à ses côtés sans le voir. Le brun semblait se fondre dans les zones d'obscurité, comprenant ainsi son avantage, il se mit à parcourir le champ de bataille à la recherche des membres de sa famille. Le brun savait que traditionnellement, le Roi et son héritier participaient à la cérémonie du sacrifice et se mêlaient donc au peuple de Tiredaile le temps d'une nuit. Une nuit sacrée où les oppositions parfois virulentes entre les classes sociales n'existaient plus. 
Seulement quand il aperçut enfin son père, il était déjà trop tard, le corps du roi s'effondrait sans un bruit.
le jeune prince ouvrit la bouche mais son cri se perdit dans sa gorge. Il s'agenouilla donc au côté de son père, prenant le corps inerte et raide dans ses bras. La poitrine du souverain avait été transpercée par la lame d'une hache, mais elle se soulevait encore faiblement.

-Père ... murmura-t-il. C'est moi, je suis de retour.

-Donovan? Comment... répondit le souverain d'une voix chevrotante. Dans un effort surhumain, le Roi parvint à ouvrir les yeux une dernière fois, dans lesquels se mêlaient une douleur et une peine indescriptible, mais aussi, la joie de revoir son fils aîné. Le visage de son aîné se découpait dans un rayon de lune. Il semblait irréel.

- Te revoilà mon fils... Souffla-t-il. Après la mort de Rose-Marie, j'ai cru que plus jamais je ne pourrait aimer, et tu es arrivé dans mon monde. Mon fils...

-Père, taisez-vous, vous allez vous en sortir... l'interrompit Donovan. Ce dernier plissa les yeux, il sentait les larmes courir sur ses joues pour aller mourir à la base de son menton. Son père ne lui avait jamais parler de sa sœur aînée, morte alors qu'elle n'était qu'une enfant.

- Donovan, promet moi que tu prendras soin de tes frères... Vous cinq, vous êtes tous ce que j'ai réellement bâti...

                                                          ***

L'une des entrées des souterrains qui s'étendaient sous la citadelle de Tiredaile, avait consciencieusement été dissimulée au pied de la tour-lanterne de cette dernière. Son architecture particulière faisait que la tour était séparée du reste de la construction par un long couloir. Sur le riche sol de marbre de ce couloir d'ordinaire si calme, les pas précipités d'un jeune homme résonnaient. Il était accompagné d'une chatte au pelage gris.

- Pas si vite ! pesta-t-il alors qu'il tentait de suivre le rythme que l'animal lui imposait.

La chatte se retourna pour le toiser, ils étaient arriver au bout du couloir, sous les voûtes de la tour. Le garçon s'arrêta, exténué. Une de ses jambes abordait une large plait et saignait abondamment, il était contraint de s'appuyer sur son bâton de mage pour se maintenir debout. Quelques heures plus tôt, ce même jeune homme avait aidé le dernier fils du Roi à fuir un château prit d'assaut. Seulement, en retournant au centre-ville il avait été acculé dans la citadelle, qui était maintenant cernée de troupes ennemies. Pourtant il devait quitter la ville, il avait promis à Gavrielle de venir le chercher.

- C'est ici ? demanda-t-il en voyant l'animal gratter les dalles sous ses pattes. 

L'animal hocha la tête et Lysandre entreprit d'ouvrir la trappe qui se trouvait à ses pieds. Il se retrouva en face d'un gouffre béant, ouvrant sur le royaume de l'obscurité. Après une hésitation, l'apprenti mage se glissa dans l'ouverture, disparaissant dans les profondeurs de la terre. En bas, l'air était frais et teinté d'une humidité désagréable. Il referma la trappe après que la chatte l'eut suivit et ils se retrouvèrent dans l'obscurité totale.

-Et maintenant ? demanda le garçon.

- Suis-moi, répondit la voix d'une jeune femme. 

Lysandre fit apparaître une légère flamme ses côtés, pour pouvoir se repérer. En face de lui le visage de la jeune fille apparut, elle avait de long cheveux noirs et une peau halé qui semblait gorgée de soleil.

-Merci de m'avoir guidé. Murmura Lysandre.

- Ce n'est pas fini nous devons sortir d'ici et vite, ce n'est jamais chose facile. Nous devons être discret.

-Pourquoi cela...

- Ces labyrinthes ne sont pas un endroit sûr. Mais il devraient nous permettre de sortir de Tiredaile sans être repérés par les Hell. Cela fait des siècles que l'homme n'en ait eut besoin et quelque chose d'autre y a élu domicile. Ne tardons pas.

Ly se retint de poser des questions et ensemble ils s'enfoncèrent dans les couloirs de pierre. La nekothrope semblait retenir sa respiration à chaque tournant et guetter la moindre vibration dans l'air. Seul leurs pieds qui martelaient les dalles troublaient le silence. Tout d'un coup, la jeune fille s'arrêta, tendant l'oreille. Lysandre se demandait ce que ses oreilles de mi-humaine, mi-féline étaient capable d'entendre. Mais bientôt il crut lui aussi entendre un troisième bruit de pas derrière eux. Ensemble il s'arrêtèrent de nouveau, se retournant pour fixer l'obscurité du couloir. Si tierce personne il y avait, elle s'était elle aussi arrêtée et le silence avait repris ses droits. N'avaient-ils pas rêver ? Ils reprirent leur marche plus hâtivement, et quelqu'un à l'autre bout de l'allée, semblait avoir repris la sienne. La nekothrope se figea encore, fixant son compagnon d'un regard angoissé. Et cette fois les bruits de pas ne s'arrêtèrent qu'avec un instant de décalage. Lysandre eut le réflexe d'éteindre son feu follet et tous deux se plaquèrent contre le mur de pierre. Débuta alors une attente qui semblait avoir durée une éternité, la jeune fille avait repris sa forme féline qui lui permettait de mieux voir à travers l'obscurité. Tandis que Ly, qui serrait nerveusement son bâton, ne pouvait même pas distinguer son nez . Enfin un léger martèlement résonna a travers les dédales du labyrinthe, grossissant à mesure que la chose s'approchait.

La frontière des HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant